27 juillet 2022 1565 mots, 7 min. de lecture

E-commerce : la crise va-t-elle marquer la fin des retours gratuits ?

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Les retours gratuits ont été un moteur du développement du e-commerce et de la fidélisation client. On estime à 25% le taux de retour moyen (1 produit sur 4) dans l’e-commerce contre 8% dans le commerce physique. Les retours ont […]

Les retours gratuits ont été un moteur du développement du e-commerce et de la fidélisation client. On estime à 25% le taux de retour moyen (1 produit sur 4) dans l’e-commerce contre 8% dans le commerce physique. Les retours ont pourtant un coût : financier et environnemental. Comme nous l’avions montré dès 2011 dans une étude à l’échelle européenne, le client final ne perçoit pas la valeur de la livraison. Le prix des produits a donc évolué afin d’englober cette dernière. Aujourd’hui la crise rebat les cartes. L’existence des retours gratuits est remise en question par l’inflation et les défis logistiques qui l’accompagnent. Si votre entreprise est dans cette situation, l’article vous apportera des pistes de solutions, notamment technologiques. Un de nos clients a ainsi développé une application en réalité augmentée (voir ci-dessous) qui permet de réduire le risque de se tromper lors du choix de lunettes. Pour en savoir plus sur les solutions qui existent, n’hésitez pas à prendre contact avec nous.


Sommaire


7 statistiques sur les retours dans l’e-commerce

  • 25% : taux de retour moyen dans l’e-commerce
  • 30% : taux de retour moyen dans la mode en ligne
  • 8% : taux de retour en magasin physique
  • 10€ : le coût minimum d’un retour pour un e-commerçant, incluant le prix du transport (5€ au minimum) et les coûts d’inspection et de reconditionnement
  • 1,99£ : le coût facturé pour le retour de marchandise par Boohoo depuis Juillet 2022
  • 2,6 millions de tonnes : la quantité de marchandise retournée aux Etats-Unis qui est détruite au lieu d’être reconditionnée
  • 1360 km : la distance que les produits Amazon parcourent depuis la France pour être inspectés et reconditionnés dans l’usine de Sered (Slovaquie)

Retours gratuits : comment en est-on arrivé là ?

Dans une étude paneuropéenne de 2011, nous avions montré qu’entre 44% (Belgique) et 76% (Allemagne) des clients avaient déjà dû retourner un produit acheté online. A cette époque, le facteur d’insatisfaction principal concernait les retours. Les Belges et les Français se plaignaient particulièrement d’avoir à payer pour retourner les produits achetés. A ceci s’ajoute un constat que nous faisions déjà en 2011 dans cette étude sur 6 pays et 2100 consommateurs : 54% ne percevaient pas la valeur ajoutée du transport.

Pour lever les barrières à l’achat, les e-commerçants ont donc eu l’idée d’abaisser les frais de livraison. C’est Amazon qui a lancé le mouvement. Son service Prime (200 millions d’abonnés) était d’ailleurs un excellent moyen de « cacher » ces coûts de livraison derrière un abonnement mensuel. Ce dernier vient d’ailleurs d’augmenter de près de 50% à cause des coûts de carburant et des frais logistiques. En France une législation a vu le jour en 2014 pour interdire la gratuité de la livraison des livres et ne pas défavoriser les petits libraires. Amazon y facture la livraison 0,01€. Cette loi n’a bien évidemment rien changé et les parts de marché de l’e-commerce ont continué de progresser.

En bref, tant que la livraison et le retour seront gratuits (ou à un prix symbolique), le comportement du consommateur ne changera pas.

Faites-vous conseiller pour votre stratégie digitale


Les retours gratuits plombent les comptes des e-commerçants

Pourtant les retours ont un coût pour les e-commerçants. Et il n’est pas négligeable. Dans un entretien accordé à LSA, le responsable du site de mode online BonneGueule estimait en Mai 2022 à 13,20€ le coût du retour par produit. Les frais de transport représentaient 5,50€. Le reste était dû à des frais de reconditionnement (contrôle qualité, pressing, …).

Compte tenu du taux de retour (30% dans la mode online), il n’est donc pas étonnant que ces coûts grèvent la rentabilité des sites de e-commerce. Le champion en la matière est Zalando dont les comptes sont réputés rester dans le rouge à cause du coût des retours. En proposant la gratuité des retours, des comportements d’achat déviants ont été incités :

  • achat d’un même article en plusieurs tailles
  • commande d’un article sans intention de le garder (pour le mettre lors d’une soirée par exemple)

Zalando est réputé ne pas avoir été rentable à cause de son taux de retours trop élevé.


Le coût environnemental des retours

En plus d’un coût financier indubitable, les retours ont également un coût environnemental.

Les caractéristiques des flux logistiques sont ce qu’ils sont et les produits retournés parcourent parfois des milliers de kilomètres. Le centre de gestion des retours d’Amazon pour la France se situe ainsi à Sered (Slovaquie) à 1360 km de Paris.  La situation n’est pas différente aux Etats-Unis où la logistique des retours génère chaque année 15 millions de tonnes de CO2. Devant l’urgence écologique et l’explosion des coûts logistiques (salaires, carburants, …), il y a urgence à réformer le système. Des solutions existent qui tirent parti entre autres du nudge marketing.


Faut-il sanctionner les comportements déviants en matière de retours gratuits ?

Certaines entreprises ont pris le parti de sanctionner les clients qui abusent des retours gratuits. Amazon et Asos ferment ainsi les comptes de clients qui retournent trop de produits.
Plutôt que d’en venir à de pareils extrêmes, il est préférable d’introduire des garde-fous. Un prix croissant en fonction du nombre de retours peut être une bonne solution. Une autre approche est proposée par Zalando afin d’éviter que des vêtements commandés soient portés pour une occasion précise puis retournés. Une grande étiquette, très visible, est apposée sur le vêtement, le rendant impossible à porter sans se ridiculiser.


Des solutions existent pour limiter les retours

Pour limiter le taux de retours dans l’e-commerce, des solutions existent. Il faut toutefois soupeser chaque solution afin de ne pas impacter négativement la satisfaction client. Next, Uniqlo, Zara et Boohoo ont choisi la manière forte en facturant les retours. Désormais les frais de retours seront déduits du remboursement. A 1,99£ au Royaume-Uni, ils restent toutefois symboliques.

Des manières plus vertueuses existent toutefois qui n’entraînent aucun coût et sont susceptibles d’améliorer la satisfaction client. Il faut pour cela investir dans la description du produit et la personnalisation du choix afin de réduire la probabilité de se tromper lors de l’achat online. Voici 3 options pour améliorer la situation.

Étape 1 (la plus facile) : une meilleure description produit

Si on met de côté les comportements déviants dont nous avons parlé plus haut, les retours sont causés par un décalage entre les attentes du client et les caractéristiques effectives du produit. Mieux décrire le produit, en prendre de multiples photos, proposer des vidéos de mise en contexte, sont autant de moyens aisés d’aider le consommateur dans son choix.

N’hésitez donc pas à mettre de nombreuses photos et vidéos en plus de vos descriptions. Soyez assuré que ce sont elles que le client visionnera avant de lire la description.

Étape 2 : meilleurs conseils de sizing pour la mode en ligne

L’autre source de retours résulte d’une erreur dans la taille du vêtement. Investir dans l’aide au choix de la bonne taille est donc crucial. Chaque marque de vêtement taille différemment, les tailles varient d’un continent à l’autre. Autant de sources d’erreurs auxquelles le e-commerçant peut s’attaquer. La plateforme en ligne peut ainsi demander au client ses mensurations afin de lui suggérer le vêtement idéal, ou proposer des correspondances en fonction d’un vêtement qui lui va bien.
Ce processus nécessite toutefois des investissements techniques pour implémenter un algorithme de recommandation.

Étape 3 : l’option technologique (réalité augmentée)

La dernière option est la plus technologique mais également la plus efficace. Elle utilise la réalité augmentée pour éliminer tout doute dans l’esprit du consommateur et faire chuter drastiquement le taux de retour. Deux de nos clients ont développé des technologies innovantes :

  • Treedy’s développe une application qui permet de scanner votre corps et qui vous suggère la taille idéale. Au-delà des aspects technologiques, un gros travail est également effectué pour construire une base de données des tailles et des marques.
  • STSolution propose une application en réalité augmentée qui scanne votre visage et vous montre en temps réel à quoi vous ressemblez avec vos nouvelles lunettes. C’est bluffant.

 


Conclusion

La crise actuelle et l’inflation galopante vont conduire progressivement à la fin de l’ère des retours gratuits. Certaines marques ont commencé à facturer les retours et le mouvement ne peut que s’amplifier. Faire baisser le taux de retours est une priorité pour l’équilibre financier du e-commerce. Des solutions (notamment technologiques) existent pour améliorer la prise de décision et la satisfaction du client. Des mécanismes de nudge marketing peuvent y être couplés afin d’inciter le client à mieux réfléchir ses choix.

 



Publié dans Marketing.

Donnez votre avis

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *