11 juillet 2022 2088 mots, 9 min. de lecture

Pricing : 6 techniques pour influencer les consommateurs

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Le pricing regroupe l’ensemble des techniques qui visent à fixer le meilleur prix pour l’entreprise. Le pricing idéal maximise les profits de l’entreprise tout en minimisant le risque qu’il soit perçu comme trop élevé par le client. C’est donc un […]

Le pricing regroupe l’ensemble des techniques qui visent à fixer le meilleur prix pour l’entreprise. Le pricing idéal maximise les profits de l’entreprise tout en minimisant le risque qu’il soit perçu comme trop élevé par le client. C’est donc un subtil équilibre qui doit être atteint. Nous vous présentons dans cet article 6 mécanismes que vous pouvez utiliser pour influencer la perception du prix dans le cerveau du client. Certains vous seront déjà connus, d’autres moins. Être conscient de leur existence et de leur influence est un premier pas pour optimiser votre pricing.

Vous trouverez en tête de cet article un tableau résumant les différents mécanismes que nous abordons, suivi par des explications que nous détaillons dans le reste de l’article.


Sommaire


Les 6 mécanismes de pricing en bref

Mécanisme de pricing Exemples Pourquoi ça marche Références
Contexte Clamez haut et fort que vous êtes le moins cher pour ancrer cette idée dans le cerveau du consommateur Les promesses modifient les perceptions de pricing. Un biais favorable est créé. Alba et al. (1994)
Fréquence et profondeur des promotions Les enseignes qui utilisent une stratégie de fréquence des prix bas plutôt qu’une stratégie de « profondeur » influencent plus efficacement les perceptions des consommateurs. La stratégie de fréquence donne une impression durable au consommateur que vous êtes le moins cher. Vous créez ainsi un contexte favorable. Alba et al. (1999)
Différence de prix (Differential Price Framing)
  • activez cette option pour 20€ en plus
  • passez à une offre illimitée pour 10€ supplémentaire
  • ajoutez la version papier en plus de la version numérique pour 5€ de plus par mois
Le cerveau se concentre sur la différence, qui est plus petite que le prix total. Un biais favorable est ainsi créé. Alard et al. (2019)
Éviter les prix rond (« just below pricing »)
  • 2,99€ au lieu de 3€
  • 99€ au lieu de 100€
  • 59,90€ au lieu de 60€
  • 999€ au lieu de 1000€
Un prix comme 2,99€ est évalué significativement plus bas que 3€. Les yeux lisent de gauche à droite et le chiffre « 2 » est encodé en premier. Le cerveau lui attribue en outre une « importance » plus élevée que les chiffres après la virgule. Thomas et Morwitz (2005)
Ancrage psychologique Le prix affiché d’un bien immobilier influence son prix de vente final. Le premier prix crée un « ancrage » dans le cerveau du consommateur. Le cerveau aura tendance à naturellement « revenir » vers ce prix quelles que soient les méthodes objectives d’évaluation du prix employées. Northcraft et Neale (1987, Nunes et Boatwright (2004)
Les prix du passé Le prix payé par un article dans le passé, surtout si cet article a été acheté souvent, va vous rendre plus sensible aux variations de prix. Le cerveau enregistre le prix payé dans le passé comme une référence. Caverni et Pris (1990)


Le contexte

Dans une série d’expériences, Alba et al. (1994) ont montré que le contexte d’achat influençait la perception du prix. En d’autres termes, le magasin, sa publicité, les perceptions que vous en avez, sont autant de facteurs susceptibles de déformer votre perception des prix pratiqués.

Un magasin qui clame de manière répétée et constante qu’il est le moins cher va ancrer cette idée dans le cerveau des consommateurs. Un a priori favorable va donc être créé qui dominera les éléments factuels sur les prix.

Cette technique est effectivement utilisée dans le retail par de multiples enseignes à travers le monde. En Belgique et en France, le distributeur Colruyt se positionne comme offrant les « meilleurs prix » et l’inscrit sur tous ses supports de communication, y compris ses points de vente eux-mêmes.

Aux Etats-Unis les « penny stores » sont légion et ont parfois permis de bâtir des empires. On se souviendra ainsi de Frank Woolworth qui a bâti une fortune colossale en ouvrant plus de 1000 magasins proposant des articles à prix fixes. Bien que son empire se soit désagrégé, son héritage marketing est encore bien présent puisque de nombreuses marques appliquent encore sa recette.

Colruyt est un distributeur d’origine belge présent également en France. Sa communication martèle qu’il offre à tout moment les prix les plus bas aux consommateurs Cette promesse fait partie de son logo et est à ce titre inscrite sur tous les supports de communication, y compris les magasins.

 


Fréquence et « profondeur » des promotions

Alba et al. (1999) ont exploré comment cette image du « moins cher » pouvait être créée durablement dans l’esprit du consommateur. Leur étude compare 2 stratégies de pricing différentes : la fréquence et la profondeur des prix bas. La stratégie de « fréquence des prix bas » consiste à avoir souvent des articles affichant une petite promotion. La stratégie de « profondeur » consiste à avoir quelques articles bénéficiant d’une importante promotion. Quel que soit le positionnement de l’entreprise (low-cost ou premium), les résultats montre que c’est la stratégie de fréquence qui est la plus efficace. Pour donner l’impression durable au consommateur que votre enseigne est la moins chère, il vous faudra donc proposer fréquemment de petites promotions sur une large gamme d’articles. C’est exactement la stratégie que poursuit le retailer belge Colruyt avec sa stratégie des « prix rouges » et ses remises par quantité.

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La différence de prix (Differential Price Framing)

Il est plus efficace d’exprimer le prix d’une option sous forme d’une différence plutôt que d’un prix total. C’est ce qu’ont montré Alard et al. (2019) dans une série d’expériences.

L’explication de ce phénomène tient au fonctionnement de notre cerveau qui se concentre sur le prix de l’option et la compare inconsciemment au prix de base. L’option apparaît donc comme (largement) moins chère ce qui favorise son choix.

De multiples exemples de cette technique existent, notamment dans les abonnements.  Dans l’exemple ci-dessous (hbr.org), la technique de la différence de prix n’a pas été utilisée. L’offre aurait donc pu s’écrire en proposant des options :

  • option print : +1,25€/mois
  • option premium : +6,67€/mois
harvard business review subscription offers

Le pricing des abonnements de la Harvard Business Review est exprimé sous forme d’un prix total. La technique de la différence de prix n’est pas appliquée.


Eviter les prix ronds (« Just Below Pricing »)

La technique des prix ronds a fait la réputation de certaines enseignes et la fortune de leurs créateurs (voir au paragraphe précédent l’exemple de Frank Woolworth). Mais cette technique de pricing a sans doute été supplantée par celle du « just below pricing » qui consiste justement à éviter les prix ronds. Vous avez tous vu des prix de ce genre : 0,99€, 119,90$, 99,99€, 129£, … Ils ont comme similitude de contenir un ou plusieurs « 9 » et de se situer juste en dessous d’une limite psychologique (l’unité, la dizaine, la centaine, le millier, ….).

Cette technique est efficace pour donner l’impression d’un prix moins cher que la réalité. La raison est à chercher dans son cerveau. Des expériences ont montré que le cerveau percevait un prix comme 2,99€ comme significativement plus bas que 3€. En d’autres termes, alors que la différence n’est que de 0,01€ (1 cent), le cerveau interprète cette différence comme étant plus élevée. L’explication tient à la lecture du prix. Nous lisons de gauche à droite et c’est donc le chiffre « 2 » qui est lu et encodé le premier. Le cerveau lui donne inconsciemment une importance plus grande que les chiffres qui viennent après.


Ancrage psychologique

L’ancrage psychologique est un phénomène qui a été étudié par Daniel Kahneman, l’un des pères de l’économie comportementale. En psychologie, l’ancrage consiste à influencer la réponse d’un être humain en manipulant les points de référence utilisé par son cerveau pour former une décision. En matière de pricing, le comportement du consommateur peut être manipulé en le soumettant à des stimuli (prix de référence par exemple).

Northcraft et Neale (1987) ont par exemple montré comment le prix annoncé d’un bien immobilier influençait l’évaluation monétaire qui en était faite. Le prix mentionné sur l’annonce devient une ancre psychologique et va influencer, à la baisse ou à la hausse, l’évaluation qui en sera faite. Plus précisément, plus le prix de l’annonce est élevé, plus l’évaluation du bien immobilier va être élevée. Cet effet est d’ailleurs présent aussi bien chez les professionnels de l’immobilier que chez les « amateurs ». C’est donc la preuve que les compétences techniques sont dominées par des mécanismes psychologiques complexes qui « annihilent » toute objectivité.

Les applications de cette technique en matière de pricing sont multiples. Un « prix barré » peut ainsi envoyer un signal inconscient qui va influencer l’achat. Parfois même, il suffit d’un nombre sans rapport direct avec l’objet pour influencer l’achat. C’est ce que Nunes et Boatwright (2004) ont montré dans une série d’expériences. Leurs résultats ont également permis de comprendre que lors d’enchères, le prix de l’objet précédent influençait le prix d’adjudication de l’objet suivant.

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Les prix du passé

Dans l’exemple du paragraphe précédent, le pricing est influencé par une autre information temporellement très courte (l’enchère précédente). Mais dans certains cas, la rémanence de l’information peut s’étendre sur une période beaucoup plus longue.

Caverni et Pris (1990) ont ainsi découvert que les enseignants qui évaluent un devoir sont influencés par les notes obtenues précédemment par les étudiants. Ce biais cognitif s’exerce aussi en matière de pricing lorsqu’il s’agit de prendre une décision d’achat.
Pour des achats réguliers dont le prix est bien connu (pensez au 80% de produits récurrents que vous achetez au supermarché), les variations de prix peuvent envoyer des signaux susceptibles d’influencer la décision d’achat. Des techniques sont donc utilisées afin de « manipuler » le choix du consommateur. Ces techniques reviennent particulièrement sur le devant de la scène en période d’inflation :

  • diminution de la quantité de produit
  • changement de la recette

Un exemple assez frappant nous avait été donné par Tropicana il y a quelques années. Le packaging avait été réduit de 15% afin de laisser le marqueur prix d’une recette premium au même niveau que pour les produits standards.


Références bibliographiques

  • Alba, J. W., Broniarczyk, S. M., Shimp, T. A., & Urbany, J. E. (1994). The influence of prior beliefs, frequency cues, and magnitude cues on consumers’ perceptions of comparative price data. Journal of Consumer Research, 21(2), 219-235.
  • Allard, T., Hardisty, D. J., & Griffin, D. (2019). When “More” Seems Like Less: Differential Price Framing Increases the Choice Share of Higher-Priced Options. Journal of Marketing Research, 56(5), 826-841.
  • Caverni, J. P., & Péris, J. L. (1990). The Anchoring-Adjustement Heuristic in an » Information Rich, Real World Setting »: Knowledge Assessment by Experts. In Advances in psychology (Vol. 68, pp. 35-45). North-Holland.
  • Chapman, G. B., & Johnson, E. J. (2002). Incorporating the irrelevant: Anchors in judgments of belief and value. Heuristics and biases: The psychology of intuitive judgment, 120-138.
  • Kim, J., Malkoc, S. A., & Goodman, J. K. (2022). The Threshold-Crossing Effect: Just-Below Pricing Discourages Consumers to Upgrade. Journal of Consumer Research, 48(6), 1096-1112.
  • Lichtenstein, D. R., Ridgway, N. M., & Netemeyer, R. G. (1993). Price perceptions and consumer shopping behavior: a field study. Journal of marketing research, 30(2), 234-245.
  • Northcraft, G. B., & Neale, M. A. (1987). Experts, amateurs, and real estate: An anchoring-and-adjustment perspective on property pricing decisions. Organizational behavior and human decision processes, 39(1), 84-97.
  • Nunes, J. C., & Boatwright, P. (2004). Incidental prices and their effect on willingness to pay. Journal of marketing research, 41(4), 457-466.
  • Thomas, M., & Morwitz, V. (2005). Penny wise and pound foolish: the left-digit effect in price cognition. Journal of Consumer Research, 32(1), 54-64.


Publié dans Marketing.

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