Cette semaine, nous vous proposons un podcast hors-série. Aujourd’hui, nous abordons les impacts du Covid-19 sur un média bien connu de la scène francophone et germanophone : ARTE. Valentin Duboc, Directeur Marketing chez ARTE nous parle des enjeux et des impacts de la crise sanitaire sur les modes de fonctionnement et les chiffres d’audience pour ARTE. Ce podcast complète notre article de fond sur les effets du Covid sur les médias.
Sommaire
- Chapitre 1 : les faits marquants de la crise du Covid pour ARTE
- Chapitre 2 : réaction à la crise du Covid et parts de marché
- Chapitre 3 : gestion des contenus proposés
- Chapitre 4 : l’impact du Covid sur l’infrastructure IT chez ARTE
- Chapitre 5 : les perspectives d’évolution pour ARTE
- Les podcasts d’IntoTheMinds
Les points marquants à retenir
- L’arrêt du journal du soir en direct
- La croissance phénoménale de l’audience
- L’augmentation du nombre de comptes (SSO ou Single-Sign-On) sur la plateforme
- 95% du personnel basculé en télétravail en 48h
Chapitre 1 : les faits marquants de la crise du Covid pour ARTE
Alors que le confinement n’avait pas encore été annoncé, les dirigeants et directeurs d’ARTE souhaitaient privilégier le maintien de la diffusion de la chaîne et des directs, notamment les journaux. La possibilité avait alors été entrevue de devoir arrêter ARTE Journal Junior (le matin), voire l’édition du midi. Toutefois, le choc a été total quand il a fallu annuler le journal du soir.
La crise du Covid n’a pas eu que des effets néfastes car la consommation audiovisuelle a fortement augmenté, résultant notamment en une explosion du nombre de comptes sur la plateforme digitale d’ARTE. La chaîne franco-allemande a ainsi dépassé le million de comptes. Cette performance est remarquable car la création de compte (Single-Sign-On ou SSO) n’est pas obligatoire chez ARTE. Pour approfondir ce sujet nous vous renvoyons à l’analyse que nous avons faite du SSO dans le contexte des médias se service public et sur la relation entre SSO et expérience client.
Pour Arte, je pense que l’événement le plus marquant […] a été malheureusement l’arrêt du journal en direct au tout début de la crise sanitaire
Chapitre 2 : réaction à la crise du Covid et parts de marché
L’anticipation : difficulté principale rencontrée à l’annonce du confinement
L’annonce du confinement a entraîné de nouvelles réflexions au niveau de la gestion du personnel. Alors que les médias sont souvent dans la réaction (par rapport à l’actualité), l’anticipation est devenue la priorité. Bien planifier les interventions des uns et des autres (journalistes, équipes techniques) a été nécessaire pour éviter les contaminations dans un même studio ou une même régie. Malgré tous ces efforts, ARTE a déploré une quarantaine de cas de covid (« aucun cas grave », nous rassure Valentin Duboc).
La réactivité : approche précautionneuse pour repartir à flots
La diffusion du journal a rapidement repris en dehors les murs d’ARTE avec des équipes autonomes, homogènes, et qui ne se croisaient pas, pour éviter les contaminations. Ces mêmes équipes ont été doublées pour pouvoir réagir rapidement et assurer à la chaîne de pouvoir diffuser ses contenus sans accrochage.
[On a] doublé les équipes sur chaque édition du journal pour s’assurer que, si jamais il y avait un cas de Covid dans une équipe, on puisse changer toute l’équipe du jour au lendemain.
ARTE : coronavirus et croissance
Sur tous les plans, ARTE enregistre des chiffres jamais vus, que ce soit en termes d’audience, de comptes créés sur le site web, ou d’interactions avec la communauté. Même la diffusion traditionnelle a connu des records d’audience. La croissance a été aussi soutenue par une refonte de la homepage de son site web afin que cette dernière soit plus fluide et mieux éditorialisée.
Quelques chiffres sur ARTE en 2020
- Plus de 8% de part d’audience en France et plus de 3 millions de téléspectateurs en tout avec la série Dérapage avec Éric Cantona, le jeudi soir en prime
- Plus de 10% de part d’audience sur le numérique avec la journée de la jupe
- Plusieurs week-ends à plus de 10 millions de vidéos visionnées (4x plus que la moyenne)
- Une consommation de contenu variée : documentaires, cinéma, programmes digitaux
- Passage à plus d’1 million de créations de comptes mon Arte, le programme de fidélisation du média qui comptait moins de 600000 abonnés en fin d’année 2019
- 3x plus de commentaires laissés par les internautes sur l’ensemble des canaux de communication
- Croissance de l’audience européenne : plus de 20% de l’audience hors France-Allemagne
- Un mélange de nouveaux utilisateurs et de profils déjà enregistrés avant le confinement mais qui auraient passé plus de temps sur ARTE.
Chapitre 3 : la gestion de contenus
Vous l’aurez sans doute constaté : pendant le confinement, certaines chaînes ont paré à l’absence de contenus en ressortant des émissions de leurs archives (un élément que nous relevions déjà dans notre analyse sur les médias et le covid). ARTE n’a pas présenté ces symptômes. En effet, Valentin Duboc explique que le média dispose d’un important stock de contenus qui sont produits selon une logique (éditoriale) qui lui est propre.
Arte prône le temps long, l’analyse, l’investigation. Les problèmes de production [de contenus] en Europe ne nous ont pas impactés directement parce qu’on se fait livrer nos programmes relativement tôt par rapport à leurs dates de diffusion.
L’orientation éditoriale d’ARTE est donc très spécifique. Les événements sportifs ne sont par exemple pas couverts. Les interdictions et annulations de ce type d’événements n’ont par conséquent pas eu d’impact sur le média franco-allemand.
Certains challenges n’en demeurent pas moins importants. La production, le tournage et la livraison de certains programmes, séries, et autres contenus à venir ont dû être interrompus. Il s’agira donc de parer à une pénurie qui ne se fera sentir que dans la 2ème moitié de 2020 et jusqu’en 2021.
L’impact du télétravail sur le contenu proposé par ARTE
Comme dans beaucoup d’entreprises le basculement vers le télétravail a chamboulé les habitudes de travail. « Ça nous a incités, je pense, à nous parler un peu plus les uns des autres, entre services qui se parlaient un petit peu moins. On a mis en place une petite conférence de rédaction quotidienne en visio avec toutes les unités de programmes, à peu près tous les managers. Cela nous a permis de faire une programmation très proche de l’actualité, peut-être plus que ce qu’on aurait fait en temps normal ». La crise du Covid n’a donc pas eu que de mauvais côtés puisqu’elle a indirectement permis de resserrer les liens.
Gestion de la pub et des médias
Les campagnes de publicité ont été impactées très lourdement, pour ARTE, comme pour de nombreuses sociétés. Un déclin évident s’est fait ressentir pour les médias traditionnels (campagne d’affichage, presse papier, etc.) et il n’y a guère que le digital qui a pu résister.
Il a fallu repenser [les campagnes de pub] en toute urgence et basculer vers beaucoup plus de digital
Gestion de la relation client
ARTE sous-traite la gestion de sa relation client et a dû reprendre cette tâche au pied levé pendant la crise sanitaire. En effet le fournisseur en question avait dû fermé ses sites. Là encore ce challenge opérationnel s’est transformé en aubaine car cela a permis aux équipes de se reconnecter à leurs publics.
Ça a été très intéressant parce que tout le monde s’est rendu compte qu’en fait c’était une activité passionnante que d’être en interaction avec notre public. Je pense que ça l’a été aussi pour le public qui a dû sentir probablement une sorte de fraîcheur dans les interactions avec la chaîne.
Chapitre 4 : l’impact du covid sur l’infrastructure IT chez ARTE
Les augmentations de charges sur les serveurs en fonction de l’audience et du nombre d’utilisateurs sont des éléments bien connus des médias et cela n’a pas été particulièrement difficile à gérer, ni n’a demandé de gros investissements pour ARTE. En revanche, placer l’intégralité (ou la quasi-intégralité) des employés du média en télétravail a impliqué des changements bien plus conséquents.
C’est plutôt le télétravail qui a supposé une augmentation de l’infrastructure et des serveurs virtuels tout simplement pour permettre à tous les salariés de pouvoir travailler à distance.
La transformation digitale et numérique ainsi que les investissements en IT font partie des points-clés de la croissance et du futur pour Valentin Duboc, que ce soit pour ARTE ou pour d’autres sociétés actives dans d’autres secteurs et industries.
Les questions à se poser en tant que média public sont plutôt orientées vers les investissements, les subventions, et comment utiliser ces dernières de façon efficiente.
Chapitre 5 : les perspectives d’évolution pour ARTE
Valentin Duboc évoque tout d’abord des velléités d’expansion et la volonté de proposer les programmes d’ARTE au-delà des frontières francophones et germanophones. Dans une autre analyse sur le phénomène Netflix, nous pointions déjà ARTE comme un modèle à imiter pour créer une vraie alternative. Le média propose déjà des programmes sous-titrés dans d’autres langues :
On est en partenariat avec la Commission européenne [pour] proposer des versions sous-titrées sur une partie de notre offre, en anglais, en espagnol, en polonais et en italien. Cela nous permet aujourd’hui de toucher à peu près 70% des Européens dans leur langue maternelle.
Le niveau de qualité auquel s’astreint ARTE requiert que des traductions manuelles soient effectuées. L’utilisation d’algorithmes de speech-to-text et de traductions automatiques n’est donc pas à l’ordre du jour.
Arte est une chaîne culturelle avec un niveau d’exigence éditoriale et qui doit se retrouver dans toute notre activité et tous les services ont cette ambition également. […] Si un internaute ou un téléspectateur nous appelle et que la personne qui lui répond au téléphone a un petit accent allemand […] et fait des fautes, c’est pas du tout un problème et c’est même charmant, ça nous ressemble. Si, en revanche, cette même personne nous envoie un mail et [qu’on lui répond avec un allemand] bourré de fautes, alors là, ça devient un vrai problème.
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Publié dans Stratégie.