12 avril 2024 1574 mots, 7 min. de lecture Dernière mise à jour : 12 avril 2024

Les 6 barrières à la transmission des entreprises

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Pourquoi créer une entreprise si vous pouvez en reprendre une ? 5 entreprises sur 6 sont arrêtées sans être reprises. Pourtant la plupart étaient viables. Dans cet article nous vous présentons les chiffres des transmissions d'entreprises en Europe et analysons les barrières à la reprise.

Seulement 1/3 des entreprises à céder sont mises sur le marché et seulement la moitié trouve un repreneur. La transmission d’une entreprise est un défi majeur. En Europe, plus de 100 000 PME et Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) sont concernées chaque année en Europe. Cela représente plus de 10 millions d’emplois. Dans cet article j’analyse les 6 barrières à la transmission des entreprises, et présente également 2 initiatives pour faciliter la reprise.

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6 statistiques sur les transmissions d’entreprises

  • 100000 : le nombre d’entreprises à reprendre chaque année en Europe.
  • 10 millions : le nombre d’emplois impactés par une transmission chaque année en Europe.
  • 50877 entreprises étaient à reprendre en France en 2016.
  • 21,9% : le pourcentage des entreprises à céder qui ont effectivement trouvé un repreneur en France en 2016.
  • Seulement 1/3 des entreprises à céder sont mises sur le marché.
  • Environ 1/6 des entreprises à céder sont effectivement reprises.

Transmission et reprise des entreprises : où est le problème ?

Nous sommes arrivés à une époque où la génération d’après-guerre part (ou est déjà partie) à la retraite. De nombreuses entreprises, dirigées par des personnes dans cette tranche d’âge, sont touchées. Une étude française évalue à 100000 le nombre d’entreprises à reprendre chaque année en Europe et à 10 millions le nombre d’emplois impactés.

Prenons l’exemple de la France. En 2022, les cessions-acquisitions de PME y ont enregistré un recul de 8%. Au premier trimestre 2023 le ralentissement s’accélère, avec une baisse de 40% par rapport à la même période de l’année précédente. Ce recul n’est pas dû à la pandémie. En effet, Si on compare avec les années pré-Covid, le recul atteint 31%. On constate également que les valorisations des entreprises sont stables.

La dernière grande étude quantitative sur le sujet date de 2016. Elle avait été réalisée par BPI France. A cette époque, 50 877 entreprises à reprendre avaient été dénombrées. Seulement 11151 avaient été cédées, soit 21,9%. Ces opérations avaient impacté 770 000 salariés.

Malgré ces chiffres gigantesques, le marché de la cession/reprise des TPE/PME est anecdotique. C’est ce qu’avait révélé notamment le podcast que j’avais réalisé avec le fondateur d’Alvo. Le gros du marché est constitué par le rachat d’entreprises de plus de 15 millions d’Euros. Les TPE, qui constituent pourtant 95% du tissu entrepreneurial, sont laissées de côté.

Mais que fait-on pour aider les candidats repreneurs ? Il existe bien des programmes payants pour se préparer mais trop peu est fait pour favoriser la transmission, bien moins coûteuse que la création pure et simple et surtout bien moins risquée.

Tendances 2023-2024 pour la cession d’entreprises

Une analyse d’InExtenso Finances s’est penchée sur les tendances de la cession/reprise d’entreprises en 2023.

En 2023, le marché français des cessions/reprises de PME’s a connu une diminution de 11% des transactions. 964 opérations ont été recensées. Cette baisse n’était pas uniforme. Certains secteurs ou régions s’en sortent mieux que d’autres. C’est le reflet d’un contexte complexe influencé par les incertitudes économiques, géopolitiques et les hausses des taux d’intérêt.

Malgré ces défis, certaines régions comme PACA et Pays de la Loire compensent leur faible activité de l’année précédente. Le secteur des Technologies, Médias et Télécommunications (TMT) est resté le plus dynamique, accueillant 300 transactions, bien qu’il ait également subi une contraction. C’est toutefois le secteur du BTP qui, sans grande surprise, souffre le plus (-54%). A l’inverse le secteur des biens d’équipements est le seul à être dans le vert (+39%).

Une tendance notable en 2023 a été le changement dans les schémas de transactions. Les transactions dans le segment de valorisation moyen (valorisations de 5 à 15 millions d’euros) ont montré de la résilience. Les entreprises de ce segment sont en effet plus « familiales » et moins exposées aux incertitudes internationales. Les transactions réalisées dans ces prix impliquaient souvent des PME en transition nécessaire en raison du vieillissement démographique des chefs d’entreprise.

Les fonds d’investissement ont représenté 21% des acquisitions en 2023, en baisse par rapport à 2022. À l’inverse, les acteurs corporatifs (entreprises cotées et non cotées) ont représenté 76% des transactions.
Les auteurs de l’étude s’accordent pour dire qu’un rebond devrait intervenir en 2024. La conjoncture est meilleure : taux d’intérêt stabilisés, stabilisation de l’économie en récupération, meilleure disponibilité de capitaux.


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Les 6 barrières de la transmission des entreprises

Yvonne Slots et Loek Swelsen ont étudié la transmission des entreprises dans la région de Parkstad aux Pays-Bas, qui borde l’Allemagne à l’est et la Belgique au sud (région du Limbourg). Cette région est caractérisée par un grand nombre de commerces ayant déjà fermé leurs portes. Les deux chercheurs de la Hogeschool Zuid se sont particulièrement intéressés au transfert des entreprises dont les propriétaires voyaient l’âge de la retraite approcher. Ces entreprises représentent un vivier de 14000 emplois pour la région. Ce qu’ils ont trouvé est étonnant à plus d’un titre.

Les 6 barrières au transfert que Slots et Swelsen ont trouvées sont les suivantes :

  • Évaluation de la valeur de l’entreprise
  • Trouver un candidat repreneur
  • Aspects émotionnels
  • Manque d’expertise du candidat repreneur
  • Problèmes fiscaux
  • Difficultés à réunir les fonds

De manière plus générale, je pense qu’il faut également se rendre compte que toutes les entreprises ne peuvent pas faire l’objet d’une cession. D’une part, le vieillissement du dirigeant s’accompagne souvent d’un manque d’investissements, rendant la reprise plus hasardeuse. D’autre part, la personnalité du dirigeant est souvent un frein. Une entreprise trop incarnée par son dirigeant ne peut pas être facilement reprise. Une cession réussie requiert d’avoir rendu son entreprise indépendante de son fondateur.

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Analyse de 3 barrières à la reprise d’une entreprise

Pour m’être moi-même impliqué dans deux dossiers de reprise, certaines conclusions ne me choquent pas. Par contre, plusieurs aspects m’interpellent.

Soutien insuffisant des banques

Tout d’abord le fait que les candidats repreneurs ne trouvent pas auprès de leur banque le soutien financier nécessaire est contre-intuitif. Je comprends parfaitement qu’une banque puisse être frileuse dans le cas d’une nouvelle entreprise dont le business plan repose la plupart du temps sur des intuitions et des chiffres théoriques (peu d’entrepreneurs font une étude de marché pour ne serait-ce qu’un instant confirmer que les hypothèses de leur business plan ne reposent pas que sur du vent). Toutefois, dans le cas d’une reprise, les chiffres et l’historique du bilan permettent d’avoir des éléments tangibles sur lesquels se baser. Il devient donc relativement aisé de vérifier si l’entreprise est viable et si son prix est juste. Si ces deux conditions sont respectées, il devrait y avoir moins d’obstacles à l’obtention des fonds.

Manque d’anticipation

Le second aspect concerne les candidats à la reprise. Loek Swelsen expliquait que les entrepreneurs se « réveillent » trop tard pour trouver un candidat repreneur. Pour faire simple, ils commencent à penser à la transmission au moment où sonne l’heure de la retraite. C’est bien entendu trop tard. Le processus de transmission doit être engagé longtemps à l’avance et l’entreprise doit être préparée dans ce sens, sans quoi la liquidation pure et simple devient la seule alternative.

Erreurs dans la valorisation

Les travaux de Lex Van Treffelen, un autre spécialiste de l’étude des transmissions d’entreprises, ont également montré que dans 50% des dossiers entreprises non cédées, des éléments avaient été omis dans l’évaluation. Ces éléments de valorisation peuvent être de différentes natures. Cela pouvait être par exemple un emplacement « premium », une expertise particulière qui n’avait pas été mise en avant. Il est donc crucial de comprendre que la reprise d’une société doit également s’accompagner d’une étude de son marché afin d’apporter des éléments complémentaires à l’analyse financière du passé. L’étude de marché permet de donner envie au repreneur en :

  • Apportant des perspectives encourageantes sur l’évolution de son marché
  • Donner des pistes de développement pour le futur
  • Suggérer des actions concrètes pour que la reprise soit la plus efficace possible

Deux solutions concrètes venues de France

En étudiant les chiffres, on se rend compte que le marché de la cession-reprise d’entreprises regorge d’opportunités.

Dans mon podcast j’ai reçu le fondateur de la plateforme Alvo, qui facilite la mise en relation et la reprise des TPE et PME. Cette plateforme online va au-delà du recensement des offres. Elle propose également des analyses sur les entreprises à reprendre et facilite donc votre prise de décision.

Une autre initiative intéressante a été lancée en France pour la reprise des commerces de proximité. Il s’agit d’une plateforme entièrement gratuite grâce à laquelle vous pouvez évaluer l’intérêt de l’emplacement de votre commerce. Le succès d’un commerce de proximité dépend de sa zone de chalandise. Cet outil offre des possibilités d’analyse qui peuvent être utiles pour opérer un premier tri entre différents emplacements.



Publié dans Entrepreneuriat, Recherche.

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