6 avril 2016 509 mots, 3 min. de lecture

Études de marché : attention aux interprétations erronées

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Mon collègue blogger Bruno Fridlansky a publié un billet plutôt énervé sur Linkedin après avoir lu sur Challenges.fr que les jeunes qui abandonnaient l’e-mail au profit des messageries instantanées. Bruno reprochait à Challenge.fr d’avoir privilégié un titre accrocheur au détriment […]

Mon collègue blogger Bruno Fridlansky a publié un billet plutôt énervé sur Linkedin après avoir lu sur Challenges.fr que les jeunes qui abandonnaient l’e-mail au profit des messageries instantanées. Bruno reprochait à Challenge.fr d’avoir privilégié un titre accrocheur au détriment d’une agumentation vraiment solide.

Cet article était probablement une traduction d’un article de Sarah Perez sur Techcrunch intitulé «Email is dying among mobile’s youngest users ».

Cet article rapportait les résultats d’une étude menée par App Annie sur les tendances dans les applications mobiles (lire le rapport complet ici, et sa méthodologie ici) et concluait que l’e-mail est effectivement en train de mourir dans le segment des 13-24.

Une étude de marché biaisée

La méthodologie utilisée pour cette étude est biaisée car elle ne représente pas l’ensemble du marché: d’abord, elle est basé sur les utilisateurs américains seulement; deuxièmement, elle se limite aux utilisateurs d’Android. Bien que l’institut d’études de marché signale ce biais il ne donne aucune information sur les conséquences potentielles en terme d’interprétabilité des résultats.

L’interprétation des résultats est erronée

Le pire est encore à venir. L’institut californien App Annie conclut que l’utilisation de la messagerie instantanée dans le segment 13-24 est plus élevé qu’au sein des autres segments (en particulier le segment 45+). Les journalistes de Techcrunch et de Challenge.fr concluent rapidement que le courrier électronique est en train de mourir et va être remplacé par des applications mobiles comme WhatsApp, Facebook Messenger.

Cette conclusion est à notre avis une extrapolation fallacieuse. Il y a une explication comportementale derrière ce qu’a observé App Annie. Le segment 13-24 est en grande partie au chômage ou aux études. L’utilisation massive du courrier électronique étant liée à une activité professionnelle, ce qu’observe App Annie n’a absolument rien de surprenant. Une étude quantitative menée par Adobe (document en anglais) contredit la thèse d’App Annie et conforte notre interprétation. Elle a été réalisée sur un échantillon de cadres et confirme leur dépendance aux e-mails.

Ce que le cabinet d’études de marché aurait dû faire

Si App Annie avait vraiment voulu parvenir à une conclusion intéressante, il aurait dû procéder à une étude longitudinale. Cela aurait permis de montrer si l’utilisation de l’e-mail avait changé au fil du temps. Les études longitudinales sont des outils d’étude du marché puissants qui en disent beaucoup plus sur un marché que toute autre technique. Le biais qu’implique la temporalité de l’étude est en effet supprimé. Un exemple récent d’étude longitudinale montrant les changements sociétaux profonds peut être trouvé sur notre site : il s’agissait de l’évolution de la la radio à travers le temps.

Image : shutterstock




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