9 février 2018 882 mots, 4 min. de lecture Dernière mise à jour : 7 octobre 2022

Les réseaux sociaux accusés de détruire la société : que faire ?

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Les réseaux sociaux font face à une défiance encore jamais vue. Leurs propres créateurs sont en 1ère ligne pour dénoncer les dangers qu’ils font courir à la société toute entière, notamment leur capacité à distendre les liens entre êtres humains […]

Les réseaux sociaux font face à une défiance encore jamais vue. Leurs propres créateurs sont en 1ère ligne pour dénoncer les dangers qu’ils font courir à la société toute entière, notamment leur capacité à distendre les liens entre êtres humains (lire l’interview de Chamath Palihapitya, ancien Vice-Président de Facebook).
En même temps, des mouvements comme Time Well Spent ont émergé pour dénoncer la nature addictive des réseaux sociaux, de l’intelligence artificielle et de la personnalisation.

L’atomisation des liens sociaux, la perte de l’esprit de groupe sont autant de symptômes de la digitalisation de notre société. Cette évolution inéluctable soulève plusieurs questions :

  • La société n’a-t-elle pas toujours été fragmentée et qu’est-ce que les réseaux sociaux y ont changé ?
  • Quel est le problème avec la personnalisation croissante des interactions ? Les interactions personnelles ne correspondent-elle pas à ce que tous les humains recherchent ?

Examinons ces deux questions séparément.

La fragmentation de la société et l’impact des médias sociaux

Dans son récent ouvrage « Media Resistance » (en accès libre ici), Trine Syvertsen analyses 6 problématiques qui sous-tendent la résistance aux médias : le manque de morale, l’acculturation, l’appauvrissement intellectuel, la menace pour la démocratie, la menace pour la communauté et la menace pour la santé. Elle écrit:

« Les médias et les technologies de la communication sont souvent dépeints comme un moyen de rapprocher les gens, mais pour ceux qui résistent, les médias sont source d’isolement. La résistance est liée à l’impression que l’industrialisation, l’urbanisation et les médias de masse ont entamé les fondations du vivre-ensemble ».

En d’autres termes, le fait que les médias (et pas seulement les médias sociaux) altèrent la notion de communauté et conduisent les membres à rompre les liens qui existent entre eux est une préoccupation qui ne date pas d’hier. Cette préoccupation ne peut donc être le seul fait des médias sociaux.

Quels problèmes la personnalisation pose-t-elle ?

La technologie actuelle, notamment l’accès à prix réduit au stockage et à la puissance de calcul, a permis le développement de technologies permettant une personnalisation toujours plus fine et toujours plus automatisée. En théorie cette personnalisation sert les intérêts du consommateur car ses besoins sont mieux appréhendés.
La même technologie, associée aux médias sociaux, permet également d’entretenir des relations individuelles avec un nombre de personnes comme jamais auparavant. Bien que ces relations soient parfois superficielles, il faut reconnaître néanmoins que les médias sociaux et la technologie sous-jacente ont considérablement accru notre capacité à atteindre et à échanger avec d’autres personnes. Homo Sapiens est devenu Homo Communicatus.
En parallèle cependant, la personnalisation algorithmique est aussi perçue comme une évolution négative parce qu’elle nous isolerait, réduirait les opportunités de découvrir de nouvelles choses (la sérendipité) et de nous enrichir intellectuellement, favorisant l’individualisme au détriment de la cohésion. Mais pourquoi la collectivité retrouve-t-elle soudainement grâce à nos yeux ?

En guise de conclusion

Les ouvrages académiques comme celui de Trine Syvertsen montrent que toutes les formes de médias ont été à un moment ou à un autre accusées d’avoir un effet négatif sur la cohésion de la société. La technologie qui se cache derrière les médias d’aujourd’hui (qu’il s’agisse des médias sociaux ou de la forme digitale des médias classiques) subit logiquement les mêmes attaques.
Pourtant les êtres humains sont jaloux de leur individualité et friands que celle-ci soit reconnue et célébrée. Ce sentiment ne peut d’ailleurs qu’augmenter avec la chute des régimes totalitaires imposant le collectivisme.
Je pense qu’un individu ne peut se réaliser pleinement que si son individualité est reconnue et appréciée. Qui aimerait être un numéro ? Dans ce sens la technologie et les médias sociaux sont donc des facilitateurs et non des obstacles. Si la communication et les échanges entre membres de l’espèce humaine ont été à la base de notre évolution, alors il faut admettre que la technologie nous offre des moyens inégalés de poursuivre cette évolution.
Mais si la technologie est un facilitateur, elle n’en est pas moins un outil comme les autres. La technologie n’est pas une fin en soi, juste un moyen d’atteindre un but. Elle doit être exploitée et utilisée pour faire le Bien. On ne peut bien évidemment pas éviter que certains utilisent le progrès à mauvais escient. Le monde a toutefois continué de progresser grâce à un léger déséquilibre en faveur du Bien mais le Big Data et les algorithmes n’ont pas encore atteint ce point de déséquilibre. Ces technologies ne sont pas encore majoritairement exploitées pour faire le Bien. Ce n’est qu’avec plus de contrôle, plus d’éducation, plus de transparence que les comportements déviants seront évités. Heureusement, l’opinion se réveille, les utilisateurs se rebellent et un mouvement inéluctable est en marche. Tout comme la résistance aux médias, la résistance aux algorithmes va également voir le jour et devenir une tendance croissante dans les années à venir.



Publié dans Innovation.

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