15 mai 2019 1551 mots, 7 min. de lecture Dernière mise à jour : 4 mai 2020

Expérience client : Polette met des sex toys en vitrine

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
La semaine dernière, une vitrine a éveillé mon intérêt alors que je marchais dans les rues du centre-ville de Bruxelles. Je n’étais d’ailleurs pas la seule à m’arrêter devant le magasin Polette, rue du Marché aux Herbes. Comment en effet […]

La semaine dernière, une vitrine a éveillé mon intérêt alors que je marchais dans les rues du centre-ville de Bruxelles. Je n’étais d’ailleurs pas la seule à m’arrêter devant le magasin Polette, rue du Marché aux Herbes. Comment en effet aurait-il pu en être autrement alors que des sex toys en mouvement étaient exposés en vitrine. Dans la série des vitrines interactives, celle-ci est pour le moins notable. L’étude de marché c’est aussi ça : observer les tendances.

Nous avons interviewé Pierre Wizman, le fondateur et CEO de Polette, fabricant et commerçant de lunettes en ligne, pour en savoir plus sur l’entreprise et la stratégie marketing développée depuis plusieurs années. Dans cet article il sera également beaucoup question d’expérience client, un sujet récurrent sur ce blog (pour en savoir plus, pensez à lire cet article sur l’expérience client online et sur la mesure de l’expérience client).

Sommaire

Polette en bref

Depuis 2011, Polette commercialise des lunettes de vue et de soleil en ligne. L’ambition de l’entreprise est de créer un pont entre les usines chinoises où sont fabriquées les lunettes, et le consommateur, tout en réduisant au maximum les intermédiaires. Pierre Wizman nomme ce fonctionnement le F2C : Factory to Consumer (littéralement : « de l’usine au consommateur »).

Genèse de l’idée à l’origine de Polette

Pierre Wizman nous explique que la création de Polette vient d’un constat simple : les lunettes coûtent trop cher aux consommateurs. En effet, Le panier moyen d’un consommateur s’élève à environ 450 € pour des lunettes de vue, monture et verres compris. Toutefois, après avoir fait quelques recherches, il  est apparu que la fabrication des lunettes, réalisée en Chine, coûte à l’opticien entre 5 et 10 €. Il y a 8 ans, étant les seuls sur le marché, la grande majorité des opticiens connus proposaient tous les mêmes produits, dans les mêmes tranches de prix, le tout « dans un univers pas glamour ».

Avec polette.com, les créateurs de la marque ont souhaité renverser cette tendance en lançant un site de vente directe de lunettes sur internet. Malgré l’absence d’investisseur externe pour booster la communication le site a rapidement pris de l’ampleur. Pierre Wizman explique ce succès par le simple fait d’avoir un produit percutant, novateur et conçu en fonction des attentes des consommateurs. Grâce à internet, fabricants de lunettes et consommateurs ont pu être rassemblés en un seul lieu virtuel.

L’avantage de ce business model réside notamment dans le fait que l’investissement de base n’a pas besoin d’être astronomique. En effet, au départ, Polette n’avait pas de locaux, pas de frais fixes. Le point clé a été de créer un produit pertinent, une interface opérationnelle et facile d’utilisation. Le business model dans ce cas permet, par sa flexibilité, à l’entreprise de grandir en fonction de la demande de ses clients et de s’adapter rapidement à leurs attentes.

D’après Pierre Wizman, le principal atout de Polette, c’est la créativité : « la créativité ne s’achète pas, c’est gratuit, ça fait partie de notre culture, de notre ADN ».

L’évolution de Polette sur le marché de l’industrie de l’optique

Pure player “online” à l’origine, la marque a commencé à ouvrir des « showrooms connectés » en 2017, dans l’optique de se rapprocher de sa clientèle. Ces magasins digitaux n’ont pas pour ambition de faire de la vente, mais de procurer aux clients Polette un conseil et une expérience inédite. En effet, la vente de lunettes passe toujours par le site polette.com. Il s’agit donc d’un magasin que l’on pourrait qualifier de phygital (voir un autre exemple ici d’expérience client phygitale). Les consommateurs peuvent tester les montures, obtenir une ordonnance gratuitement sur la base de tests visuels effectués sur place. Des bornes et des tablettes sont mises à disposition dans les showrooms de la marque pour que les clients en magasin puissent passer leur commande tout en étant épaulés par le personnel de Polette. L’objectif à long terme est de proposer aux consommateurs des showrooms autonomes et automatisés, sur l’exemple du magasin Amazon Go que nous vous avions présenté dans un billet précédent. « La technologie est la clé ! », affirme Pierre Wizman.

De plus, la marque suit et souhaite continuer à suivre une éthique éco-responsable. Aujourd’hui, les lunettes ne sont fabriquées qu’une fois la commande passée afin d’éviter les stocks, la surproduction et le gâchis de fournitures. L’ambition à long terme est de pouvoir construire des usines propres à la marque pour produire de façon plus durable, en Europe, en consommant moins d’électricité, en créant des lunettes différemment et en évitant le travail rébarbatif.

Les 3 conseils de Pierre Wizman pour les startupers

Proposer un produit/service pertinent
Penser et agir différemment, avec créativité
Faire les choses à 100%

Le développement d’une stratégie marketing à part

La réflexion marketing de la marque Polette est basée sur le même principe que la marque elle-même : rapport qualité/prix, transparence et créativité. En effet, pour commencer, la marque a misé sur les bloggeurs – qui étaient, ils y a huit ans, les plus gros influenceurs d’internet – en leur envoyant une paire de lunettes gratuitement. Le fait que ces derniers rédigent par la suite des articles sur Polette a permis à la marque d’être rapidement très bien référencée sur Google et ainsi gagner de la visibilité. Au fil des ans, le message reste le même : focus produit et service client de qualité. Les clients de la marque sont les ambassadeurs de cette dernière pour Pierre Wizman, puisque c’est eux qui vont le mieux en parler.

Les opportunités marketing se diversifient pour Polette avec l’ouverture de leurs showrooms. C’est notamment ce que nous avons pu observer cette semaine, rue du Marché aux Herbes à Bruxelles avec les installations « sex machines ». Cette campagne a tout d’abord été lancée à Amsterdam puis à Bruxelles et devrait bientôt arriver à Paris.

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Already passed by our showroom at Huidenstraat? Check out our installation and let us know how it made you feel. #refiefbypolette #poletteeyewear #jointherevolution

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Cette campagne choc a pour but premier de faire réagir. Que ce soit positivement ou négativement, mettre des sex toys en mouvement dans la vitrine d’un magasin du centre-ville d’une capitale européenne, marque les esprits et fait parler.

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When your mouth is more open than your mind. A fool is made more of a fool. Join the revolution. #poletteeyewear #dontbeasheep #reliefbypolette

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C’est d’ailleurs l’axe de communication de la marque qui, en 2012 avait lancé une campagne où l’on voyait les deux associés de la marque habillés, le premier en imam, le deuxième en rabbin, en train de s’embrasser sous le slogan « pour 9,99 €, ils ont fait la paix ». Une telle image n’est pas sans rappeler une certaine campagne de Benetton ni évoquer une certaine image du mur de Berlin.

Une partie célèbre du mur de Berlin représentant Brejnev et Honecker en train de s’embrasser

La marque ne compte pas s’arrêter là. En effet, de nombreux projets sont en cours afin de réinventer le parcours et l’expérience client, que ce soit en faisant tester, découvrir, ou en apprenant. L’équipe de Polette compte notamment photographier des tribus dans le but de montrer aux consommateurs autre chose que leur quotidien, ou encore photographier des SDF pour transmettre leurs histoires.

Une des clés de la réussite de Polette a toujours été le fait « de ne pas faire comme les autres, (…) de penser différemment », pas spécialement d’être provocant, mais surtout de créer une réaction du public.

Cette campagne mettant en scène des sex toys suit la volonté de proposer une alternative aux offres linéaires de l’industrie de l’optique, tant en termes de produit qu’au niveau de la communication.

Futur et chiffres clés

Chiffres clés

  • 400 paires de lunettes vendues par jour
  • Prix moyen d’une paire de lunettes de vue chez Polette : environ 40-45 €
  • Lunettes de soleil personnalisables à partir de 15 € la paire
  • Début 2019 : 7 showroom connectés (deux à Amsterdam, Utrecht, Bruxelles, Paris, Lille, Toulouse)
  • Plus de 50 millions d’euros de CA sur 2018

Futur

  • 2019 : ouverture de 5 showrooms (Londres et Montréal entre juillet et septembre), Nice, Bordeaux, Barcelone.
  • 100 showrooms sur les 5 prochaines années


Publié dans Entrepreneuriat.

3 commentaires

  1. Un bel article. Merci tout simplement.

  2. Dans le domaine éthique écoresponsable l’action de Polette ne me convint pas car elle est contradictoire. D’une part Polette pousse à la consommation en proposant un large choix de modèles pas chers pour que leurs clients achètent et changent de modèles fréquemment, et de l’autre coté ils disent qu’ils produisent à la demande et que ça c’est leur action écoresponsable !!! waouh Polette ta créativité m’impressionne :-)!!!!
    Pourquoi ne pas proposer plutôt de collecter et recycler les lunettes ? Du style une paire achetée = une paire reprise pour être recyclée.
    Allez Polette fais un effort et bouge toi pour la planète et pas seulement pour tes dividendes !!!! qui ne te serviront pas à grand chose lorsque la planète sera détruite.

  3. Merci pour votre commentaire éclairé qui permet en effet de replacer une stratégie marketing et une communication dans un contexte plus global.

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