Pour un chercheur en marketing, la conférence annuelle EMAC est une sorte de grand-messe incontournable, summum de la qualité scientifique où les meilleurs se réunissent et se rencontrent. Chaque année cet évènement mobilise mon attention pendant un an ; un an de travail mais cette année les augures ont décidé que mon travail n’était pas à la hauteur. Sacrée leçon d’humilité (même si ce même travail a été accepté dans d’autres conférences) mais surtout sacrées interrogations.
Existe-t-il une stratégie pour maximiser ses chances d’être accepté à l’EMAC ?
C’est en tout cas ce que je pensais en présentant cette année deux papiers. Le premier, novateur (sans doute un peu trop) était de nature qualitative et à la croisée des chemins en mêlant des théories issues de la linguistique et le marketing. Le second, beaucoup plus classique, était quantitatif et proposait les résultats d’une expérimentation de terrain qui allaient à l’encontre des résultats connus.
Bien que les deux aient été refusés, ce qui m’a étonné c’est la différence de notation entre les deux assesseurs. Alors que le premier trouvait le papier et le sujet « très intéressants » et donnait un avis positif, le second assesseur le trouvait « sans intérêt » et le rejetait. Je restais perplexe devant autant de différence. Comme l’écrivait après coup mon co-auteur( professeure reconnue dans une université anglaise) le facteur déterminant lorsqu’on soumet un papier est la chance. Je vais finir par le croire mais c’est dur à accepter.
Y-a-t-il encore une place pour la recherche interdisciplinaire ?
Mon crédo a toujours était que les avancées scientifiques se faisaient aux frontières entre discipline : entrepreneuriat et marketing, linguistique et marketing pour ne prendre que deux exemples qui font mon quotidien. Pourtant le produit d’une telle recherche a du mal à être accepté dans les circuits académiques classiques. Prenons l’exemple de mon premier papier, qui appliquait des théories issues de la linguistique à une thématique marketing classique (les réclamations clients). Le principe d’hyper spécialisation s’appliquant, ces théories (maximes de Grice, concept de face) sont inconnues de la plupart des marketeers et nécessitent des développements pour en saisir la substance. Pourtant le processus de soumission dans la plupart des conférences impose un format précis : 1000 mots par ci, 5 pages par là. Pour l’EMAC ce sont 7 pages en caractères Times New Roman 12. Et encore ; la première page ne doit contenir que le titre et le résumé et vous pouvez encore enlever deux pages à la fin pour votre bibliographie. Il reste donc 4 pages pour mettre votre introduction, expliquez les concepts et la méthodologie utilisés, détailler vos résultats, tirer vos conclusions et proposer des axes de recherche futurs. Bonne chance dans ces conditions pour expliciter des théories certes reconnues mais inconnues de votre relecteur.
Des aspects positifs tout de même
Je vois deux aspects positifs d’une leçon comme celle que je viens de recevoir, aussi difficile soit-elle.
La première c’est que contrairement au monde professionnel, les critères qui rentrent en ligne de compte dans l’évaluation de votre travail sont relativement rationnels. Il y a somme toute peu de subjectivité dans l’évaluation de deux assesseurs inconnus qui ne savent pas de qui émane l’article qu’ils sont en train de lire. C’est donc une bonne mesure du chemin qui reste à parcourir et des marges d’amélioration même si, comme partout, vous trouverez toujours quelqu’un à qui votre travail ne plaît pas.
Le second enseignement c’est que les commentaires critiquent les idées mais pas celui qui est derrière. Il faut donc apprendre à se détacher de la critique pour ne garder que le positif et dans ce cas précis c’est la manière de véhiculer les idées. Les idées, lorsqu’elle sont nouvelles, ont du mal à être acceptée. Les critiques reçues reflètent donc les points à améliorer pour rendre l’audience plus attentive.
Au travail …
PS : mes remerciements les plus sincères à Florence.
Publié dans Recherche.