10 septembre 2014 669 mots, 3 min. de lecture Dernière mise à jour : 30 mai 2020

La société de consommation nous mène-t-elle dans une impasse ?

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
J’ai entamé la relecture du livre de Jean Baudrillard « La Société de Consommation« , un essai qui a été écrit en 1970 et qui a contribué à la renommée de Baudrillard (il n’y a qu’à lire la préface et ses commentaires […]

J’ai entamé la relecture du livre de Jean Baudrillard « La Société de Consommation« , un essai qui a été écrit en 1970 et qui a contribué à la renommée de Baudrillard (il n’y a qu’à lire la préface et ses commentaires laudatifs pour vous en rendre compte). Plus de 40 ans après sa publication, ce brillant essai reste représentatif de ce que nous vivons tous les jours.
La vision de Baudrillard était étonnamment exacte ; tellement exacte d’ailleurs qu’elle en devient angoissante pour ce qu’elle augure de l’avenir de notre société.

Mais en fait, y-a-t-il un avenir tout court ?


Ce que Baudrillard a écrit à propos de la société de consommation

L’essai de Baudrillard a été écrit au moment où, en France, la consommation fut tirée par l’émergence des supermarchés. Carrefour a commencé son expansion dans les années 1959/1960 et Auchan en 1961 ; à cette époque sont apparus également les premiers centres commerciaux que Baudrillard décrit comme temples où la consommation est sanctifiée.

Baudrillard critique les comportements des consommateurs et le lecteur peut rapidement avoir l’impression qu’il se moque d’un comportement qu’il assimile à celui d’animaux. Pourtant, ma conviction est que ce que l’on pouvait voir comme de la moquerie est en fait une description ethnographique bien réelle de nos comportements. Ce que nous observons dans les « sociétés développées » n’est finalement pas si différent d’un comportement de peuple « primitif » (notez les guillemets). Comme dans toute société, nous donnons à quelques objets des significations mystiques et secrètes. Dans les sociétés développées par exemple, des objets sont collectionnés, amassés, pour la puissance et la signification sociale qu’ils confèrent (en tout cas c’est ce que nous pensons). Ne pensez-vous pas que cela relève du mysticisme ? Lecteurs de ce blog, pensez-vous vraiment que l’accumulation de sacs à main, chaussures, bijoux (ça marche aussi avec les smartphones et les voitures, ce qui évitera qu’on me taxe de misogyne) va vraiment vous rendre plus puissant(e), ou va vous élever dans la hiérarchie sociale de votre groupe ? N’est-ce pas là du fétichisme pur ?


Nous avons atteint un point de non-retour

La société de consommation nous a fait entrer dans un cercle dont je crains nous ne pourrons plus jamais nous échapper, sauf par la mort.
Les objets que nous pouvons acheter (parfois à crédit) nous aident à construire notre identité et à construire une image vers le monde extérieur. Nous existons grâce à notre consommation et les entreprises nous vendent, à profit, notre dose quotidienne de cette drogue qui nous garantit d’exister.
C’est une situation Win-Win : nous achetons aux entreprises notre raison d’être. Qui voudrait s’arrêter de consommer et par là cesser d’exister en tant qu’individu ? Contrairement à d’autres cultures, nous avons perdu notre identité de groupe. Nous sommes seuls, dans un océan de capitalisme, à lutter pour exister et prouver à nos pairs notre supériorité. Quelle vanité ! Les objets deviennent talismans et les consommateurs « modernes » sont réduits à l’état d’être primitifs.


Qui est le grand perdant ?

Les entreprises ne sont certainement pas les perdantes. Pas encore.

Sur le long terme, nous serons les perdants de cette roulette russe. Nous maintenir dans ce rêve artificiel a un coût. Le coût des ressources que nous consommons.

Imaginez un trou noir. Le trou noir représente notre folie. Au final nous serons absorbés, littéralement avalés par ce trou noir. Nous avons atteint un point de non-retour et vous vous demanderez peut-être si tout cela a encore un sens. Malheureusement ce sens subsistera aussi longtemps que le comportement de tous n’aura pas changé. Et ce changement, je le crains, ne se produira jamais.



Publié dans Marketing.

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