Certes les taux d’intérêt sont au plus bas. Certes l’épargne des Belges n’a jamais été aussi élevée. Certes le secteur bancaire est sous pression. Et certes bpost ne va pas bien. Mais est-ce vraiment suffisant pour expliquer que Bpost Banque, la banque de la poste belge détenue à 50% par Bpost et à 50% par BNP Paribas, commette des erreurs marketing aussi grossières en décidant, unilatéralement et dans l’ombre, de faire payer à ses clients leurs retraits en espèces à ses propres distributeurs ? Encore une fois une entreprise ne tire pas les leçons du passé et retente sa chance pour gonfler ses marges là où d’autres avant elle se sont déjà cassé les dents. Cela n’est pas sans rappeler l’analyse que nous avons consacrée la semaine dernière à l’initiative de 10 groupes de médias français, reproduisant à l’identique la recette qui a déjà raté à d’autres endroits.
[call-to-action-read id= »5426″] Tant qu’à réutiliser les recettes des autres pourquoi ne pas réutiliser celles qui marchent ? Cette maxime, que Monsieur de La Palice n’aurait pas reniée, sera donc le fil rouge de cet article que j’ai voulu forcément mordant.
Sommaire
- Retour sur les faits et les précédents de l’affaire Bpost Banque
- Pourquoi la réaction des clients et du marché était prévisible
- Conclusion : replaçons la satisfaction client (et le client tout court) au centre des préoccupations
Le slogan « soyons clairs » ne manque pas dans ce contexte de décision unilatérale et opaque de faire sourire
Les faits : Bpost Banque (et avant elle Fortis et ING) s’essaye aux retraits payants.
En toute opacité Bpost Banque (dont le slogan « soyons clairs » ne manque pas dans ce contexte de faire sourire) a décidé la semaine dernière de facturer 50 centimes à ses propres clients lorsque eux-ci effectueraient plus d’un retrait d’argent liquide par mois à un distributeur automatique, y compris si ce distributeur appartenait au réseau de Bpost Banque. Devant le tollé généré tant dans la classe politique (comment aurait-il pu en être autrement à la veille des élections) que dans la sphère de la protection des consommateurs (Test Achats s’est élevé contre cette décision), Bpost Banque a finalement décidé de faire marche arrière. Son communiqué de presse ne manque pas d’ironie :
« La décision de bpost banque de modifier la tarification des retraits aux distributeurs de billets dans la nouvelle formule de compte à vue b. compact, visait avant tout pour répondre à l’évolution des besoins d’une partie de nos clients. Certains d’entre eux utilisent, en effet, quasiment exclusivement les paiements électroniques plutôt que l’argent liquide. Mais nous sommes sans doute allé un peu vite en besogne et nous avons sous-estimé l’attachement de tous nos clients à la gratuité des retraits aux distributeurs de billets. Pour répondre aux inquiétudes exprimées par les clients, bpost banque a donc pris la décision de ne pas appliquer cette tarification. Les retraits aux distributeurs de bpost resteront donc gratuits au-delà du 18 mars. Les autres éléments de la tarification demeurent inchangés »
Pour une banque dont le slogan est « soyons clairs » il faut bien reconnaître que ce communiqué relève de la langue de bois. En Novembre 2018, lorsqu’ING s’était essayé à la même tactique, Joëlle Neeb, l’attachée de presse ING, était beaucoup plus transparente sur les raisons qui avaient poussé la banque belgo-néerlandaise a appliqué cette nouvelle « taxe » :
« Les marges existantes et le « pricing » existant ne sont pas tenables. Nous devons, ici et là, voir où nous pouvons augmenter ou changer certaines tarifications. Et un des choix s’est porté sur le retrait d’argent par les clients « Lion Account » à des distributeurs non-ING »
C’est donc dit. Plutôt que de faire peser l’origine de cette taxe sur les clients comme le fait Bpost Banque (« répondre à l’évolution des besoins d’une partie de nos clients ») ING affirme sans ambages qu’il s’agit bien d’une technique pour sortir du rouge un produit financier low-cost (le compte gratuit) qui était déficitaire. Le destin des comptes gratuits seraient-ils aussi sombre que cela ? Car en 2003 c’était Fortis qui avait joué le rôle de pionnier des retraits payants et qui avait déjà à l’époque déclenché une levée de bouclier. Car ce que Bpost Banque a négligé dans sa décision est une règle essentielle de marketing : les émotions des consommateurs peuvent être dévastatrices.
Bpost Banque suscite l’ire de ses clients
Belfius, qui a axé toute sa communication sur son taux de satisfaction (même si on peut avoir des doutes sur la méthode de mesure du taux de satisfaction), doit bien rire en pensant au cas Bpost Banque. En voilà une qui a négligé les principes les plus essentiels du marketing : si vous voulez garder vos clients (la fidélisation) faites en sorte qu’ils soient satisfaits.
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Et si vous croyez que de petits frais ajoutés ici et là passeront inaperçus et seront donc indolores vous vous trompez. Car au final 50 centimes c’est bien peu, non ? Et les 6 centimes réclamés en 2003 par Fortis étaient encore plus insignifiants. Et pourtant ces montants dérisoires ont déclenché un raz-de-marée médiatique et un rétropédalage à chaque fois. Alors comment expliquer que les réactions soient aussi vives ?
Une mesure rationnelle qui est comprise de manière émotionnelle
Le problème est que nous ne sommes plus ici dans le domaine du rationnel. Le porte-parole de Bpost Banque a beau répéter que dans le cas d’un retrait au distributeur “Le coût réel est supérieur à 50 cents » et que « nous ne le répercutons pas entièrement au client”, la réaction du consommateur est de l’ordre de l’émotionnel. Dès lors, aussi minime que soit la contribution demandée au client et aussi rares soient les clients qui seront touchés par cette mesure (1 client sur 10 d’après Bpost Banque), le tollé est général.
Une injustice perçue par le consommateur
Car d’un côté le client est mis de plus en plus à contribution (ça a commencé avec le Home Banking il y a plus de 10 ans) ce qui soulage la charge de travail des banques et allège leur structure de coûts (Keytrade Bank l’a bien compris qui rémunère 5 centimes ses clients pour les opérations effectuées). De l’autre par contre on lui demande de payer pour retirer son propre argent ce qui bien entendu est perçu comme une injustice. Le consommateur se dit donc, à juste escient, qu’il prête son argent à la banque, doit travailler pour elle (en faisant lui-même ses opérations) et qu’en plus il est pénalisé financièrement lorsqu’il veut jouir de ce qu’il a gracieusement confié à son institution bancaire. L’équation est simple à comprendre et le résultat prévisible.
Quelle solution ?
Tous les éléments sont donc réunis pour une réaction épidermique et pour un désastre marketing prévisible. Quelle eut été la solution : assumer la portée de ses actes bien entendu ! Si une banque propose un produit gratuit elle DOIT s’attendre à attirer des clients non rentables et à perdre de l’argent sur une bonne partie d’entre eux (que Bpost Banque vienne me voir pour apprendre les bases de l’ABC Costing si cette matière n’est pas maîtrisée);
En guise de conclusion : priorité à la satisfaction client
C’est mon credo depuis le lancement de mon entreprise IntoTheMinds : le succès dans les affaires découle naturellement de la satisfaction et de la fidélisation de la clientèle. Bpost Banque a oublié l’essentiel en annonçant une mesure (la facturation des retraits aux distributeurs) sans replacer le client au centre. Le client a donc perçu une injustice terrible qui va durablement affecter l’image de Bpost Banque; d’autant plus terrible sans doute que les clients de Bpost Banque ne sont pas parmi les plus argentés et méritent plus que d’autres d’être protégés. Si Bpost Banque souhaite un cours de satisfaction client, que ses responsables n’hésitent pas à me contacter.
Crédits image : shutterstock
Publié dans Marketing.