
PicRights est une société qui fait parler d’elle sur Internet comme un copyright troll agissant au nom de l’AFP (Agence France Presse). La pratique du copyright trolling a été jugée comme étant un abus de droit par la Cour de Justice Européenne. Les requêtes de PicRights sont donc rarement fondées, souvent abusives et vous ne devez donc pas vous inquiéter. Des jugements des tribunaux français de 2024 montrent toutefois que des risques existent. Lisez donc attentivement cet article. Je me suis fait avoir par PicRights et je partage donc gratuitement mon expérience avec vous.
Si vous n’avez que 30 secondes
PicRights est un « copyright troll » agissant notamment pour le compte de l’AFP.
Même si les risques sont faibles, PicRights poursuit quand même certains dossiers en justice. Ceux qui vous disent qu’il n’y a aucune chance de se retrouver au tribunal vous mentent. En 2024, trois affaires ont été jugées devant les tribunaux français et PicRights a gagné. Les sommes allouées par les tribunaux sont toutefois très inférieures à ce qui était réclamé par PicRights.
Les dossiers présentaient toutefois des failles et je vous invite à bien lire mon analyse dans cet article pour bien comprendre comment ne pas vous retrouver devant le tribunal.
Si vous avez reçu un de leurs emails, veillez à bien suivre ces 4 conseils :
- Vérifiez si vous disposiez des droits pour utiliser l’image incriminée ou si cette dernière est véritablement celle que vous avez utilisée
- Retirez l’image litigieuse si vous ne disposez pas des droits
- Vérifiez si l’image pouvait être qualifiée d’originale et pouvait dès lors bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur.
- Ne répondez jamais à leurs emails et ne confirmez en aucun que l’image était bien présente sur votre site web. Dans un jugement récent du Tribunal de Paris, c’est ce qui a permis à PicRights de gagner.
Surtout ne paniquez pas et ne faites pas l’erreur de payer tout de suite. Ne répondez pas à l’email reçu. Évaluez d’abord la légitimité de la demande et gardez à l’esprit que PicRights sait que les demandes sont abusives et n’auraient dans de nombreux cas aucune chance devant un tribunal. Leur intérêt est de vous faire payer rapidement, pas d’aller en justice. Même si vous êtes dans votre tort, vous pouvez obtenir au moins 50% de réduction sur le montant demandé. Néanmoins soyez conscients que dans de rares cas, PicRights peut vous trainer en justice. J’ai trouvé 3 jugements de 2024 que je vous explique dans cet article.
PicRights et AFP : une machine à cash bien rôdée
Tout commence avec la découverte d’un email de PicRights dans ma boîte de spams un vendredi soir. Mon weekend en sera bouleversé. Ce n’est que plusieurs semaines plus tard que je réaliserai être tombé dans le panneau et comptais désormais au rang des victimes du copyright trolling. PicRights m’a accroché à son tableau de chasse.
Pour vous éviter de faire les mêmes erreurs que moi, j’ai fait beaucoup de recherches et ai interrogé un expert dans le domaine : Me. Jérôme Tassi. Je vous invite à visionner la vidéo du podcast que nous avons réalisé ensemble. Il répondra à toutes vos questions sur PicRights et vous indiquera comment réagir.
Vous pouvez être poursuivis : analyse de 3 jugements de 2024
En 2024, 3 jugements ont été rendus en France concernant des affaires déclenchées par PicRights. Les enseignements de ces 3 jugements sont les suivants :
- Les petites structures non lucratives avec des sites à faible audience utilisant des photos de l’AFP sans autorisation ont peu de raisons de s’inquiéter. A ce jour, aucune affaire n’a été déclenchée devant un tribunal contre une structure de ce type.
- En revanche, les entreprises plus importantes et lucratives devraient considérer la possibilité de négocier en phase amiable si les montants sont raisonnables. A tout le moins, toute entreprise contactée par PicRights doit se garder de reconnaître l’utilisation de l’image.
Voici les 3 décisions de justice que j’ai retrouvées à la date du 15/01/25.
- Dans le jugement de Tribunal de Paris du 27 juin 2024, la société DK Ambassador, accusée de contrefaçon, n’a pas été condamnée pour violation de droits d’auteur, faute d’originalité de la photo, mais a dû payer 585,75 € pour un comportement jugé parasitaire et 3 000 € pour frais d’avocat. L’argumentation du tribunal s’est notamment basée sur la reconnaissance par DK Ambassador dans un échange avec PicRights de l’utilisation de l’image.
- Dans le jugement du Tribunal de Lille du 29 mars 2024, une ordonnance de mise en état a contraint la société Extreme Tennis à payer 2 000 € de dédommagements pour des questions de procédure, mais l’affaire sur le fond reste à juger.
- Dans le jugement du Tribunal de Marseille du 19 décembre 2024, la société ERM Automatismes Industriels a été condamnée à payer 800 € pour préjudice économique, 800 € pour les frais d’avocat et les frais de procédure, car la photo utilisée a été jugée originale, soulignant ainsi l’importance de l’effort créatif.
Ces décisions confirment donc que les poursuites concernent principalement des entreprises avec un profil commercial important, et non les petits sites non lucratifs. En outre, les sommes réclamées par PicRights en justice n’ont jamais été accordées par les tribunaux. Lorsqu’il y a condamnation, les sommes allouées sont beaucoup plus faibles.
Qu’est-ce que le copyright trolling ?
Le copyright trolling est une activité commerciale qui vise à obtenir, souvent par la menace, des compensations financières pour l’utilisation de matériel soumis au droit d’auteur. Le copyright trolling s’exerce la plupart du temps pour le compte de tiers.
Des sociétés, souvent opaques, utilisent des robots pour scanner les sites web et découvrir des utilisations non autorisées d’images pour lesquelles elles estiment que la législation en matière de droits d’auteur s’applique. Des pressions psychologiques sont ensuite exercées pour obtenir le paiement de compensations financières sans commune mesure avec le prix d’une licence d’utilisation normale. Dans cet article nous parlons du cas de PicRights, un copyright troll bien connu, mais il y en a d’autres.
PicRights : comment le cauchemar du copyright trolling a commencé
Tout a donc commencé un vendredi soir par la découverte d’un email dans ma boîte de spams. Cet email était intitulé « Validation de licence d’image, Image Licence Validation for Agence France-Presse » et son contenu ressemblait très fort à une tentative d’escroquerie (« scam » en anglais).
Dans cet email, une obscure société suisse, PicRights, agissant soi-disant pour le compte de l’AFP (Agence France Presse) me menaçait de poursuites pour l’utilisation d’une photo soumise, d’après eux, à la législation sur le droit d’auteur.
Je reproduis ci-dessous un extrait de l’email reçu. Je précise d’emblée que ceci est fait à titre de citation, conformément à l’article 10.1 de la convention de Berne.
Qui est PicRights ?
L’email me paraissait un peu trop bien rédigé pour être une simple escroquerie comme celles qu’on est habitué à retrouver dans ses spams. J’ai donc fait directement quelques recherches sur Internet et ce que j’y ai découvert m’a horrifié.
PicRights avait son siège au-dessus d’une pizzeria
Lorsque j’ai reçu le mail de Picright, mon premier réflexe a été de faire une recherche sur Internet. A l’époque, j’ai obtenu près de 1200 résultats avec le mot-clé « AFP PicRrights ». Les premières pages étaient pleines d’histoires épouvantables de personnes appelant à l’aide après avoir été menacées par PicRights. Les forums sont également remplis de témoignages de personnes apeurées. Leur lecture m’a convaincu que ce à quoi j’avais affaire n’était pas un simple « scam ». Il s’agissait de copyrights trolling par une société existant bel et bien.
Un petit tour sur Google Maps m’en a appris plus sur cette fameuse société PicRights. Elle était domiciliée au 16 Albisstrasse à Adliswil, une petite bourgade de 16000 âmes du Canton de Zurich. Elle a depuis changé d’adresse et occupe des bureaux plus classiques au bord d’un joli lac.
Apparemment toutes les activités se déroulaient à partir d’une petite maison de village (voir image ci-dessus). Chose plus surprenante, c’est à cette même adresse qu’on retrouvait également un restaurant italien, le Piccolino. Comment une société aussi omniprésente que PicRights pouvait-elle être hébergée dans un restaurant ? Tout devient beaucoup plus clair lorsqu’on regarde cette image, publiée par un utilisateur sur Google Street View. Au 1er étage du restaurant on trouve un « business center ». PicRights est donc sans doute une coquille vide, dont l’adresse légale est située au 1er étage d’un restaurant faisant office de boîte aux lettres. C’est rassurant.
Une galaxie de petites sociétés dans différents pays
PicRights est un enchevêtrement de petites sociétés enregistrées dans différents pays. En épluchant les documents légaux (et publics), j’ai pu reconstituer la structure de Picrights.
Tout semble centré autour de la société PicRights Europe GmbH et de la famille Höfinger. PicRights Europe est en effet contrôlée par SIXMÜHLE Verwaltungs qui appartient au couple Höfinger. La structure autrichienne est détenue quant à elle par Mediapro Mediamarketing qui appartient au couple Höfinger et à ses enfants.
Que faire quand vous recevez un email de menaces de PicRights ?
Mais venons-en au cœur du problème : comment réagir après la réception d’email de PicRights ?
Mon interview de Me. Jérôme Tassi et mes lectures de ces dernières semaines m’ont amené à décrire une réaction en 3 étapes :
1- La requête de PicRights est-elle justifiée ?
La première question à se poser est de savoir si PicRights peut effectivement vous réclamer quoi que ce soit, en d’autres termes si vous avez reproduit indûment une image. Trois options sont possibles :
- Vous disposiez des droits pour reproduire cette image et dans ce cas l’affaire s’arrête là
- L’image pour laquelle PicRights revendique des droits n’est pas celle que vous avez utilisée et tout s’arrête.
- Vous avez effectivement utilisé une image sans avoir les droits, et à ce moment-là il est temps de lire le prochain paragraphe.
2- Retirez l’image
Si vous avez utilisé une image sans avoir payé une licence, retirez immédiatement l’image litigieuse de votre site. Lisez le prochain paragraphe avant de faire quoi que ce soit.
3 – Évaluez vos options avant de payer
Les requêtes faites par les copyrights trolls sont souvent abusives. Avant de payer il faut donc vous interroger sur le caractère original de l’œuvre reproduite.
Les tribunaux sont très stricts pour reconnaître le caractère original d’une œuvre et ainsi appliquer le droit d’auteur. Or, PicRights revendique souvent des droits pour des images qui ne sont, factuellement, pas originales au sein du droit d’auteur. Si vous êtes dans ce cas, vous avez peu à craindre (et PicRights le sait).
Le droit d’auteur : une législation tatillonne
PicRights revendique le droit d’auteur pour réclamer un dédommagement. Les menaces de poursuites sont donc basées sur l’hypothèse que les tribunaux reconnaîtront le caractère original de l’œuvre reproduite. Or, il n’y a rien de moins sûr comme nous l’explique Me. Jérôme Tassi, avocat au barreau de Paris spécialisé dans la protection intellectuelle, dans cette vidéo.
Droit d’auteur : l’image que vous avez utilisée était-elle vraiment originale ?
Dans mon cas, l’image utilisée n’avait rien d’original et il est peu probable qu’un tribunal aurait validé la demande de PicRights. Une recherche dans Google montre en effet (voir ci-dessous) que plusieurs images du même type ont été prises par différents photographes sans qu’aucune originalité ne puisse être revendiquée en matière de cadrage, d’éclairage ou de post-traitement. Il est probable que tous les photographes présents étaient réunis au même endroit et ont donc été contraints d’adopter le même angle de vue.
Je vous invite donc à faire cette vérification. Si vous êtes sportif, n’hésitez pas à demander à PicRights de prouver le caractère original de la photo pour laquelle ils réclament une indemnisation. Ça devrait les calmer.