11 février 2022 1204 mots, 5 min. de lecture Dernière mise à jour : 15 mars 2022

Et si le metaverse ne se réalisait pas ?

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Le metaverse a été le néologisme à la mode fin 2021. Annoncé en grande pompe par Mark Zuckerberg qui y voit l’avenir de l’internet, le metaverse pourrait n’être au final qu’une vaste escroquerie intellectuelle. Les prophéties des géants de la […]

Le metaverse a été le néologisme à la mode fin 2021. Annoncé en grande pompe par Mark Zuckerberg qui y voit l’avenir de l’internet, le metaverse pourrait n’être au final qu’une vaste escroquerie intellectuelle. Les prophéties des géants de la tech ne sont en effet pas toujours auto-réalisatrices. La monnaie virtuelle de Facebook, les enceintes connectées, les lunettes connectées, sont autant de « révolutions » qui n’ont pas eu lieu. Elles ont englouti les espoirs des investisseurs à la recherche de la nouvelle tendance de fond. Le metaverse, déjà bien moins populaire que son ancêtre « second life », pourrait bien n’être qu’un artifice destiné à entretenir une bulle technologique. La vision du metaverse de Mark Zuckerberg, j’en suis persuadé, ne se réalisera pas.

Sommaire


L’être humain est toujours attiré par la solution la plus simple

Dans un article récent publié sur Medium, Joël Stein fait le parallèle entre l’avenir du metaverse et celui de la 3D. Lancée au cinéma dès 1953, elle n’a connu que des succès sporadiques au gré de la sortie de films emblématiques (Les Dents de la Mer, Avatar). Stein attribue cet échec à la couche technologique qui « complique » l’expérience. Les individus seraient attirés par la simplicité de l’expérience même si le produit n’est pas parfait. En d’autres termes, il faut qu’il y ait le moins de « friction » possible, que l’expérience soit la plus simple possible à vivre, pour qu’elle soit « consommée ».

Dans la vidéo, YouTube s’est ainsi imposé comme la plateforme de référence malgré l’indigence de certains contenus. Tik Tok s’attire les faveurs des jeunes avec des clips dont la qualité est loin des canons du cinéma. L’histoire primera toujours sur l’emballage.

Il faut se résoudre à accepter que, pour les utilisateurs, la simplicité et l’histoire sont plus importantes et priment sur les artifices (3D, 4D, 4K, 8K, …). L’expérience doit être simple et c’est exactement ce que YouTube propose. Netflix l’a bien compris également et caresse le rêve, depuis sa création, de lancer le meilleur contenu pour un utilisateur sans action de sa part.  Les algorithmes de recommandation sont la pierre angulaire de cette stratégie qui vise à diminuer la distance entre le contenu et le consommateur.


3 ans et puis s’en vont : les enceintes connectées ne font plus recette

Cette recherche de simplicité explique en partie l’échec des enceintes connectées. En 2019 déjà je m’interrogeais sur l’engouement autour de ces appareils. Que pouvaient-ils bien apporter comme valeur ajoutée à leurs utilisateurs ? Il sera toujours plus simple de passer une commande avec son smartphone qu’en utilisant une enceinte connectée.

Après la folie des premiers mois et l’effet de Noël, l’intérêt s’estompe (voir graphique ci-dessous). Regardez par exemple comment évoluent les recherches online pour 2 des enceintes connectées les plus célèbres : Google Home et Amazon Echo. Année après année le pic de Noël diminue et en 2022 l’intérêt est au plus bas. Au final, le phénomène des enceintes connectées aura mis 4 ans pour s’écrouler.

volume de recherche online pour 2 modèles d'enceintes connectées : google home et amazon echo

Malgré les prédictions les plus optimistes, je pense que le metaverse va suivre les traces des enceintes connectées.


Le metaverse n’est-il qu’un univers construit pour les investisseurs ?

Je ne crois pas à la généralisation du metaverse. En tout cas pas sous la forme que rêve Zuckerberg et encore moins avec un casque de VR vissé sur la tête. Une révolution planétaire à l’échelle de ce qu’a été le smartphone ou Facebook n’aura pas lieu. Il suffit pour s’en convaincre de prendre 2 aspects en compte : les barrières à l’utilisation du metaverse d’une part une perspective historico-technologique d’autre part.


Des barrières à une utilisation généralisée

Évoluer dans le metaverse envisagé par Zuckerberg n’aura rien de simple. Il y a l’équipement tout d’abord (ordinateur, casque de réalité virtuelle) et la « navigation » dans cet univers parallèle ensuite.  « Rentrer dans le metaverse » ne peut pas se faire sur un coup de tête. L’équipement restera toujours un obstacle. Contrairement au smartphone, votre casque de réalité virtuelle ne pourra pas vous accompagner partout.

Mark Zuckerberg a pris des précautions oratoires ces dernières semaines, avançant que la création de sa vision du metaverse prendrait au moins 10 ans. Il tempère ainsi l’impatience des investisseurs toujours à la recherche de rendement. Son intervention du mois de Décembre 2021 aura en tout eu le mérite de mettre le mot « metaverse » à la mode. Les recherches sur Google ont bondi (voir ci-dessous).

popularité du mot clé metaverse sur google

J’avais il y a quelque mois dénoncé la double bulle technologique et financière dans laquelle nous nous trouvions. Ces dernières semaines m’ont donné raison. Netflix a perdu plus de 20%, Meta a reculé de 25% … les investisseurs ont besoin de caresser de nouveaux rêves pour réinvestir et le metaverse est cette nouvelle poule aux Å“ufs d’or. En vantant les mérites du metaverse, Zuckerberg veut gagner du temps et donner de l’espoir aux investisseurs.

Le metaverse est évalué par Goldman Sachs à un marché de 8000 milliards de dollars. Cet enthousiasme est communicatif. Des startups se lancent tous les jours, les entreprises dépensent des millions pour des terrains virtuels, … La peur de rater la prochaine révolution est un puissant motivateur pour investir et alimenter l’innovation.


Le metaverse est déjà bien moins populaire que Second Life

Mais il se pourrait bien que le metaverse ne soit pas la révolution globale annoncée. Il suffit pour s’en convaincre de regarder 10 ans en arrière. A cette époque, « Second Life », l’ancêtre du metaverse, a aussi connu son heure de gloire. A y regarder de plus près, 2 conclusions s’imposent. D’abord, l’engouement était largement plus élevé pour « second life ». Ensuite, cet engouement s’est rapidement effacé.

comparaiso des volumes de recherche pour second life et pour metaverse


Le metaverse n’aura pas lieu

Les enceintes connectées sont restées des gadgets dont les utilisateurs se sont lassés. La réalité virtuelle, à l’image de la 3D, restera une technologie de niche mais il est illusoire de penser qu’elle se démocratisera. Nous ne vivrons pas dans le metaverse comme le rêve Mark Zuckerberg car l’expérience proposée aura toujours quelque chose de compliquée. Nous ne vivrons pas dans le metavers parce que l’expérience « physique » aura toujours quelque chose de plus que l’expérience virtuelle. Le metavers sera bien entendu essayé, trouvera des applications auprès d’un public averti, mais ne s’imposera pas comme une technologie de masse.

Cet échec annoncé est sain. D’une part parce qu’il fragilisera Meta et contribuera à faire dégonfler la bulle technologique. D’autre part parce ce que les échecs de ce type nous rappellent que ce sont au final les utilisateurs qui gardent le pouvoir de décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Publié dans Innovation.

Donnez votre avis

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *