10 novembre 2021 803 mots, 4 min. de lecture Dernière mise à jour : 15 mars 2022

Alerte sur le détournement de la propriété intellectuelle

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Le détournement de la propriété intellectuelle est un problème qui nous vient de Chine et qui se développe rapidement en Europe. Ce détournement consiste pour une marque chinoise à tenter d’acquérir des droits de propriété intellectuelle sur des produits contrefaits. […]

Le détournement de la propriété intellectuelle est un problème qui nous vient de Chine et qui se développe rapidement en Europe. Ce détournement consiste pour une marque chinoise à tenter d’acquérir des droits de propriété intellectuelle sur des produits contrefaits. Me. Jérôme Tassi, que nous avions déjà reçu dans l’affaire picrights, nous éclaire sur ce phénomène en accélération. En observateur avisé depuis plusieurs années, il nous parle de plusieurs exemples édifiants et nous en révèle les raisons.

Le détournement de la propriété intellectuelle

Détourner la propriété intellectuelle s’apparente, dans le cas des société chinoises, à un parasitage. Ces sociétés contrefont des objets, des marques, des logos parfaitement légitimes et essayent de déposer leurs modèles contrefaits auprès de des instances européennes. Si elles passent entre les mailles du filet de office de la protection de la propriété intellectuelle d’une part, et que la marque légitime ne fait pas de veille, l’entreprise chinoise se retrouve avec un titre de propriété légitime sur un modèle contrefait.



En 2020, la Chine a réalisé 29000 dépôts de propriété intellectuelle en Europe.



La Chine est n°1 au classement des dépôts de propriété intellectuelle en Europe

Le détournement de la propriété intellectuelle va de paire avec le développement des entreprises chinoises sur le continent européen. Avec 3200 dépôts, la Chine était en 2016 au 7ème rang des pays en nombre de dépôts en Europe. En 2020, la Chine est au premier rang avec 29000 dépôts. En d’autres termes, la Chine est devenu la nation la plus active en Europe en matière de protection de la propriété intellectuelle. Même si les coûts en Europe sont, comme le rappelle Me. Jérôme Tassi, relativement abordable (à partir de 850€), il n’en reste pas moins que les coûts engendrés ne sont pas anodins. Il ne serait pas improbable que cette « montée en puissance » de l’Empire du Milieu soit le reflet d’un souhait politique coordonné.

ORIGINAL COPIE
1 LEGO original trooper COUNTERFEIT lego TROOPER
2 Fingerlings Original Counterfeit Fingerlings contrefaçon
3 bateau Lego original counterfeit ship Lego bateau contrefaçon
4 Adidas shoe model counterfeit Adidas shoe
5 Logo TÃœV Rheinland original counterfeit TÃœV Pheintand
6 fridge SMEG original counterfeit SMEG fridge

 


Exemples de détournement de propriété intellectuelle

Les Chinois ne manquent pas d’imagination pour copier les créations les plus connues des marques européennes. Les jouets sont bien entendu des cibles de choix pour ces pirates de la propriété intellectuelle.

On ne peut être que surpris devant la tentative de protéger la copie du « Trooper » de Lego dont la ressemblance avec l’original est plus que frappante.

Les « Fingerlings« , de petites créatures qui se fixaient au bout des doigts, ont été lancées sur le marché en 2017 par WooWee, une société canadienne. Les copies chinoises n’ont pas tardé. Les Chinois n’ont même pas cherché à se différencier lors du dépôt (voir exemple 2).

Plus curieux, les Chinois tentent également de protéger des copies de frigo (voir l’exemple 6 du frigo SMEG) ou falsifient des logo. Dans l’exemple 5 la marque « TÃœV Rheinland » devient « TÃœV Pheintand » et le slogan « geprüfte Sicherheit » (sécurité contrôlée) devient une mauvaise imitation phonétique (« geprutta Sicharhoit »).


 

Pourquoi les entreprises chinoises essayent-elles de « protéger » leurs contrefaçons ?

Les Chinois tentent de protéger leurs contrefaçons pour limiter les risques de « take down » d’une part, et tromper les douanes d’autre part.

Le « Take down » c’est lorsqu’une plateforme de e-commerce supprime une référence du catalogue à la demande des ayants-droits. Pour éviter cela, le contrefacteurs chinois utilisent leur dépôt de propriété intellectuelle pour « prouver » leur bon droit et s’opposer au « take down ». Ce dernier ne peut alors être obtenu par la marque lésée que via une décision de justice, ce qui engendre des coûts et un délai que la marque chinoise utilise pour poursuivre ses activités illégales.

La protection intellectuelle d’un objet contrefait est également utilisée pour induire les douaniers en erreur. Les mentions « marque déposée » ou « modèle déposé » sont en effet des indices de bonne foi.


Comment se protéger de ce parasitage ?

Ce parasitage de la propriété intellectuelle est compliqué et coûteux. Il y a quelques années les marques se contentaient de faire saisir les contrefaçons et les détruisaient. Aujourd’hui, la lutte s’étend devant les tribunaux puisqu’il faut attaquer les dépôts en nullité. En 2020, Lego a du ainsi faire entre 20 et 25 recours en nullité.
Il s’agit donc d’un coût supplémentaire pour les marques ; un coût dont elles ne retirent absolument rien comme le rappelle Me. Jérôme Tassi.



Publié dans Stratégie.

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