L’Industrie automobile allemande est dans une situation critique. Les constructeurs allemands jouent leur survie dans un marché qui se rétrécit et où les acteurs, notamment dans la mobilité électrique, sont plus nombreux. Cet article vous offre un panorama complet de la situation.
![Industrie automobile allemande : bilan 2024 et perspectives [Etude]](https://5cc2b83c.delivery.rocketcdn.me/app/uploads/volkswagen-wolfsburg.jpg)
L’industrie automobile a été longtemps considérée comme la « locomotive » de l’économie allemande. Son positionnement haut-de-gamme a été déterminant pour convaincre les clients à l’export (notamment en Chine). Le ralentissement de l’économie chinoise d’une part, et la transition vers les véhicules électriques d’autre part, pénalisent doublement l’industrie automobile allemande. Comme le montrent les statistiques (voir encadré ci-dessous), la proposition de valeur des véhicules allemands ne semble plus être en phase avec les attentes des marchés. Dans cet article nous identifions les 4 symptômes du mal allemand.
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Si vous n’avez que 30 secondes
- Les constructeurs allemands continuent de vendre en très grande majorité des véhicules thermiques alors que la demande s’est portée sur les véhicules électriques sur leurs marchés principaux (notamment la Chine)
- L’abaissement des limites de CO2 en Europe pénalise les constructeurs allemands. Avec les modèles actuellement au catalogue, seul BMW parviendrait à éviter des amendes qui se chiffreraient en milliards d’euros.
- La Chine a été un moteur de la croissance des constructeurs automobiles allemands. Aujourd’hui, les constructeurs allemands y vendent principalement des véhicules thermiques alors que près de 50% des ventes sont électriques.
- Les capacités de production sont surdimensionnées en Allemagne et les coûts du travail trop élevés pour rester concurrentiel. Alors qu’une usine n’est rentable qu’à partir de 80% de capacité utilisée, Volkswagen a par exemple utilisé 61% des capacités de son usine de Wolfsburg en 2023 et seulement 30% de celle de Dresde. Dans l’usine Mercedes de Sindelfingen, la capacité utilisée était de 44% en 2023.
Un contexte mondial difficile pour les constructeurs allemands
Les constructeurs automobiles allemands voient leur position s’éroder dans un contexte mondial marqué par des tensions économiques et une concurrence accrue. Trois facteurs sont en cause :
- La crise énergétique qui a entraîné la hausse des coûts des matières premières et l’inflation
- La demande en baisse
- L’électrification du parc automobile
Les marchés européen et américain sont touchés mais c’est en Chine que la situation est la plus alarmante. Or, c’est le marché le plus crucial pour les marques allemandes. La Chine a été très friande dans le passé des véhicules allemands. Ils étaient le symbole de la réussite. Mais aujourd’hui ce marché a basculé vers une domination des acteurs locaux. BYD vend désormais plus que les marques occidentales et tente de s’implanter (encore timidement) en Europe.
Industrie automobile allemande : statistiques 2024
- Entre 2019 et 2024, les immatriculations en Europe, USA et Chine ont diminué de 9%. Celles des constructeurs allemands ont diminué de 16%.
- Entre 2023 et 2024, on constate un rebond de 2,1% des immatriculations de véhicules neufs en Europe, USA et Chine. Les constructeurs allemands voient leurs immatriculations baisser de 2,1% sur la même période.
- Entre 2019 et 2024, la part des véhicules thermiques a reculé significativement sur tous les marchés : -32% en Europe, -13% aux États-Unis et -41% en Chine.
- En Chine, la part des ventes de véhicules thermiques est de 56,9%. Chez les constructeurs allemands (chiffres de Janvier à Juillet 2024) elle est très largement supérieure : 90,3% pour Volkswagen, 96,7% pour Audi, 84,7% pour BMW, 94,4% pour Mercedes
- Les ventes chinoises devraient encore représenter entre 30 et 45% des résultats avant impôt des constructeurs allemands en 2024
- Les résultats de Volkswagen via ses joint-ventures en Chine devraient s’écrouler en 2024 de €2,6 milliards à €1,3 milliards.
- Les ventes de Porsche ont baissé de 19% au 3ème trimestre 2024. Le recul est de 13% pour Mercedes et 30% pour BMW.
- Les ventes de Mercedes classe S sont en baisse de 19% en Chine en 2024.
- Les usines allemandes tournent en-dessous de leur seuil de rentabilité. Les capacités utilisées sont de 61% à Wolfsburg, 30% à Dresde, 44% à Sindelfingen.
Les 4 symptômes du mal allemand
Nous identifions 4 symptômes des problèmes rencontrés par les constructeurs automobiles allemands.
Véhicules électriques : une offre insuffisante
Les véhicules thermiques continuent de représenter une part disproportionnée des ventes des constructeurs allemands alors que la demande s’oriente vers l’électrique. En Chine par exemple, les véhicules thermiques ne représentent plus que 56,9%. Pourtant, les marques allemandes continuent d’y vendre entre 84,7% (BMW) et 96,7% (Audi) de véhicules thermiques. On peut donc dire que les constructeurs allemands n’ont pas réussi à prendre le virage de l’électrique et que leur offre est en décalage avec la demande.
Quotas de CO2
Les modèles proposés par les marques allemandes ne respectent pas encore les limites de CO2 imposées en Europe, ce qui les expose à des amendes se chiffrant en milliards d’Euros. En 2025, la moyenne doit s’établir à 94g CO2/km pour éviter les amendes. Or aujourd’hui, l’offre des marques allemandes se situe à 115 grammes en moyenne.
BMW est le seul constructeur à respecter la règle actuellement. Mercedes et Audi peuvent compter sur le lancement de nouveaux modèles en 2025 afin d’améliorer leur moyenne.
Le marché chinois n’est plus un eldorado
Le marché chinois ne permet plus de dégager de plantureux bénéfices, ce qui met les constructeurs en danger. Les parts de marché des constructeurs allemands continuent de reculer, même dans le segment premium. Au 3ème trimestre 2024 par exemple, le recul des ventes est de 13% pour Mercedes, 19% pour Porsche et même 30% pour BMW.
Surcapacités en Europe
Les usines européennes sont en surcapacité et font face à des coûts de main d’œuvre trop élevés pour rester concurrentielles. Les capacités de production utilisées en Europe sont très en dessous des seuils de rentabilité. L’usine Volkswagen de Wolfsburg a atteint péniblement 61% en 2023 ; celle de Dresde à peine 30%. Les chiffres de Mercedes ne sont guère plus brillants puisque le complexe de Sindelfingen tourne à 44% de ses capacités. Audi a annoncé la fermeture de son usine de Bruxelles d’où ne sortaient que 80.000 modèles Q8 et d’autres fermetures, temporaires ou définitives, sont à craindre.
Le problème chinois
La Chine, qui représentait autrefois une vache à lait pour les marques allemandes, a connu un retournement spectaculaire. VW, BMW et Mercedes voient leurs parts de marché dans le pays chuter, dépassées par des constructeurs locaux tels que BYD. La situation en Chine est tellement grave qu’elle justifie que nous y consacrions un paragraphe spécifique.
Le marché chinois a radicalement changé, avec une demande croissante pour des véhicules électriques abordables. L’industrie chinoise (subventionnée) y excelle. En outre, les politiques protectionnistes de la Chine favorisent la production et l’achat de véhicules électriques fabriqués localement. Et pour couronner le tout, le ralentissement économique chinois et un renforcement des contrôles sur les dépenses dans les biens haut de gamme redirigent les achats vers le milieu de gamme.
L’évolution du marché chinois l’oriente radicalement vers les véhicules électriques. Les statistiques 2019-2024 sont claires :
- Véhicules électriques : +501%
- Plug-In Hybrides (PHEV) : +1478%
- Véhicules thermiques : -41%
Bien que le marché chinois s’oriente complètement vers l’électrique, l’offre des constructeurs allemands reste, elle, axée sur le thermique. Ils risquent donc de devenir obsolètes.
Sur la période Janvier 2024-Juillet 2024, les ventes de véhicules thermiques ne représentent plus que 56,9% en Chine. Et pourtant, les ventes des marques allemandes en Chine continuent d’être très majoritairement axées sur les moteurs thermiques. Ces derniers représentent ainsi 90,3% des ventes de Volkswagen, 96,7% des ventes d’Audi, 84,7% des ventes de BMW et 94,4% des ventes de Mercedes. La demande et l’offre ne semblent pas du tout alignées.
Pour finir, les Chinois ne se contentent plus de faire des voitures bon marché. Ils s’attaquent aussi au segment premium qui constituait la réserve de valeur des constructeurs allemands jusque-là. Pour ne citer qu’un exemple, Li Auto a dépassé les marques allemandes sur le segment des SUV’s électriques. Li Auto a été fondé en 2015. Cela vous donne une idée du potentiel.
La marque chinoise Li, créée en 2015, s’est fait une spécialité des SUV électriques et a déjà dépassé les marques allemandes sur ce segment.
Quelles solutions pour stopper l’hémorragie ?
Alors que les ventes chutent, les marges bénéficiaires des constructeurs allemands s’effondrent. Les coûts fixes ne peuvent plus être amortis comme avant et la main d’œuvre est hors de prix en Europe. En Allemagne, une heure de main d’œuvre coûte 62€ en moyenne.
En plus, le contexte fait s’accroître la pression accrue sur les prix, et tous les constructeurs européens doivent investir massivement dans la transition énergétique pour éviter les amendes. Les nouveaux acteurs de l’industrie automobile (c’est-à-dire les marques chinoises et Tesla) sont dans une position bien plus favorable et taillent donc des croupières.
Les marques comme VW et Mercedes doivent non seulement repenser leur stratégie sur le marché chinois, mais aussi adapter leur offre en Europe et aux États-Unis pour rester compétitives face à la montée en puissance des véhicules électriques. On peut toutefois légitimement se demander s’il est encore possible de sauver l’industrie automobile traditionnelle. Les bouleversements actuels rendent la transition de plus en plus compliquée et cette situation n’est pas sans rappeler le dilemme de l’innovateur décrit par Clayton Christiensen.
Conclusion
Les constructeurs automobiles allemands sont confrontés à une crise sans précédent en 2024, prise dans une tempête de défis externes allant de la concurrence féroce des fabricants chinois à l’obligation d’évoluer vers l’électrification. Les chiffres témoignent d’une baisse importante des ventes et d’une perte de part de marché, tandis que la rentabilité souffre également. Il reste à voir comment les entreprises comme Volkswagen, BMW et Mercedes adapteront leurs stratégies pour faire face à ces bouleversements et assurer leur survie dans une industrie en pleine mutation.