6 novembre 2020 2567 mots, 11 min. de lecture Dernière mise à jour : 8 février 2021

Focus groups à distance : différentes méthodes à connaître

Par Lorène Fauvelle Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Cela fait de nombreuses années que les chercheurs se penchent sur l’utilisation des moyens de communication modernes (chat, téléphone, vidéoconférences, etc.), et pour leur poids sur les études qualitatives, les focus groups. La crise sanitaire du covid-19 nous pousse à […]

Cela fait de nombreuses années que les chercheurs se penchent sur l’utilisation des moyens de communication modernes (chat, téléphone, vidéoconférences, etc.), et pour leur poids sur les études qualitatives, les focus groups. La crise sanitaire du covid-19 nous pousse à repenser nos méthodes de travail et de recherche. Vous trouverez dans cet article un aperçu des différentes méthodes pour conduire des focus groups à distance.

Sommaire

Introduction

Il existe différentes méthodes permettant de réaliser une étude qualitative. Nous vous conseillons de lire l’article que nous avons dédié à la comparaison entre entretiens individuels et focus groups. Cela vous permettra de choisir la forme la plus adaptée pour la phase qualitative de votre étude.
Plusieurs méthodes et moyens de communication ont été testés et analysés par les chercheurs depuis l’émergence des TICs. Après analyse de la littérature publiée à ce sujet, on distingue différents types de focus groups à distance (synchrones et asynchrones).

Les divers tests réalisés et disponibles dans la littérature nous permettent d’obtenir une vue d’ensemble de ces pratiques, les pour et les contre de chacune d’entre-elles et de les comparer aux focus groups en face-à-face. Dans la dernière partie de cet article, nous vous conseillerons sur la méthode à privilégier en fonction de votre projet et son degré de maturité.



Rapide retour sur les focus groups

Les focus groups sont particulièrement utile pour confronter une analyse, un concept, un design, etc., à différents profils de consommateurs. Ils permettent à vos interlocuteurs d’interagir et ainsi de nourrir une discussion plus approfondie puisque challengées par les idées et commentaires d’autrui.
Ce type d’entretiens vise notamment à confirmer ou infirmer les conclusions de votre première étude et des construits que vous avez développés.

Pour autant, les focus groups peuvent être difficiles à réaliser et sont susceptibles de subir des biais. Les organiser avec des consommateurs reste plutôt aisé, ce qui n’est pas le cas lorsque vous souhaitez faire participer des professionnels, étant donné leur agenda souvent très chargé. Les focus groups traditionnels ont également un certain coût lié au transport des participants, aux technologies à mettre en place pour assurer la bonne capture de l’audio voire de la vidéo de la session.

Pour tout type de focus group, un modérateur, neutre et expérimenté, est un atout de taille pour assurer la bonne conduite des focus groups et la validité des résultats.
En ce qui concerne le recrutement de participants, un minimum de 3 à 4 participants et un maximum de 7 à 8 est conseillé, que ce soit en face-à-face ou à distance. Notons que pour les focus groups à distance, nombreux chercheurs conseillent de recruter au-delà des besoins car ils ont expérimenté de nombreuses annulations de dernière minute. Nombreux sont ceux qui estiment que le fait que le focus group soit en ligne réduit l’implication et la volonté de tenir un engagement, ce qui expliquerait le taux plus élevé de no-show.



Les focus groups à distance synchrones

Comme leur nom l’indique, ce format de focus group à distance restent synchrones et peut prendre plusieurs formes en fonction des outils et méthodes utilisés. Il est essentiel de commencer par préciser que les chercheurs sont unanimes sur l’importance à donner à la technique. Il s’agira de choisir le canal de communication le plus adapté à la forme du focus group que vous choisirez et de fournir des instructions d’utilisation claires aux participants (Hinkes, 2020). Plusieurs études soulignent l’importance d’assurer la sécurité des données des participants. Ce point est d’autant plus essentiel depuis la mise en place des GDPR.

Focus groups text-based

Ce format de focus group à distance est basé sur l’utilisation d’outils de communication écrite, principalement des chats en ligne. Cela permet de garantir la synchronicité entre les interventions des répondants. Ce format est apprécié pour sa garantie de l’anonymat des répondants qui utilisent un pseudonyme et permet d’éviter les biais ou influences liés à l’appartenance à un groupe.
Comme pour tous les focus groups à distance la connexion internet est un point crucial qui peut nuire au bon déroulement de la session. A cela s’ajoute la capacité des participants à suivre une conversation sur un chat et à taper sur leur clavier (ordinateur ou téléphone), pour les focus group synchrone basé sur la communication écrite. En effet, cette capacité n’étant pas la même pour tous, cela peut influer sur leur participation (fréquence des commentaires, qualité de la participation…).
Les différentes sources analysées révèlent que ce type de focus group à distance impacte positivement la rapidité de l’analyse : aucune transcription n’est à effectuer. Toutefois, certains commentaires sont définis comme difficiles à analyser car il n’est pas toujours clair à quoi ceux-ci se réfèrent (le commentaire d’un participant ? si oui, lequel ? la question directement ?).

Photo by JESHOOTS.COM on Unsplash

crédits : Photo by JESHOOTS.COM on Unsplash

De manière générale, les études publiées révèlent que les résultats atteints sont sensiblement similaires entre les focus groups à distance synchrone basés sur le texte et les focus groups traditionnels en face-à-face. Plusieurs études soulignent toutefois que cette méthode offre moins de verbatims : les contributions des participants sont systématiquement plus courtes via les chats, en comparaison avec un focus group en présentiel. Notons également que les participants ont, dans ce contexte, la possibilité d’étoffer leurs réponses via des recherches en ligne par exemple. Le modérateur n’a aucune perception du degré d’implication des participants.
L’absence de communication non-verbale et para-verbale est mentionnée à plusieurs reprises comme perturbante, tant dans la modération du focus group que dans l’analyse des contributions. En effet, les intonations, les hochements de tête, les regards, etc., font partie des éléments d’analyse et permettent notamment au modérateur de savoir quand passer à la question suivante par exemple.

Focus groups audio-based

Les focus groups à distance basés sur l’audio peuvent prendre deux formes : par téléphone ou via un logiciel type Skype sans pour autant que les participants n’activent leur caméra.
Cette forme de focus groups à distance se trouve à mi-chemin entre les focus groups synchrones via les chats et ceux via vidéoconférences. En effet, ils assurent l’anonymat et l’absence de biais relatifs à l’appartenance sociale.
Ce format de focus group à distance ne permet aucune analyse ni prise en compte de la communication non-verbale des participants (posture, gestuelle, etc.) mais peut faire l’objet d’une analyse de la communication para-verbale (intonation, rythme, etc.) qui s’avère être un point essentiel de la communication.
Le degré d’implication des participants est également un point crucial ici puisqu’il ne peut être défini ou mesuré. Dans certains cas, le modérateur avait la possibilité de pouvoir envoyer un message à un participant en particulier pendant le déroulement de la session ce qui, dans le cas exposé, s’est avéré utile pour pousser le participant à s’exprimer.
Les focus groups à distance basés sur l’audio n’offrent, certes, pas la facilité de transcription des chats, mais permettent une fois de plus de garder l’anonymat complet des participants. Cela est un avantage considérable pour confronter les opinions de profils très différents et qui auraient potentiellement soufferts de biais si la session avait eu en présentiel.
Les entretiens et focus groups par téléphone peuvent être une alternative de choix pour atteindre les populations les moins à l’aise avec l’utilisation des TICs ou n’y ayant pas accès, comme les personnes âgées par exemple.

Focus groups video-based

Les focus groups à distance via vidéoconférences sont ceux qui se rapprochent le plus des focus groups traditionnels en face-à-face. En effet, la présence de la vidéo permet l’analyse et la prise en compte d’éléments para-verbaux mais également non-verbaux (mouvements du corps, de la tête, mimiques, etc.). Notons toutefois qu’une partie reste tout de même invisible au modérateur.
La majorité des logiciels permettant ce type d’interactions dispose d’un outil permettant d’enregistrer à la fois l’audio et la vidéo de l’échange et d’analyser ces données également. En contrepartie, la présence de la vidéo annule les avantages évoqués précédemment liés à l’anonymat des participants.



Les focus groups à distance asynchrones

Ce type de focus group est également basé sur la communication écrite, cette fois de manière asynchrone. Cela réduit le besoin pour les participants d’être habiles avec leur clavier (ordinateur ou téléphone), sans pour autant annuler le besoin que ces derniers soient à l’aise avec la technologie utilisée.

Stewart et al. (2016) précisent que les réponses sont souvent plus longues et plus élaborées que via les méthodes synchrones puisque les répondants ont le temps de construire et d’étoffer leur propos. Notons toutefois que les échanges par écrit manquent parfois d’information sur le contexte et sur l’état d’esprit des participants.

Ce format induit que la discussion s’étende sur une plus longue période étant donné les temps d’attentes entre les différentes interventions.



Avantages et inconvénients des différentes méthodes

Méthode Avantages Inconvénients
Focus groups en face-à-face Dynamique de groupe

Coût

Difficulté de rassembler les participants (distance, agendas chargés)

Lenteur des processus (recrutement, discussion, analyse)

Focus groups à distance

Pas de transport (praticité)

Réduction des coûts

Environnement connu par les participants

Possibilité d’impliquer des profils particuliers et difficiles à toucher ou géographiquement dispersés

Connexion internet impérative

Compétences des participants à utiliser le logiciel/site/outil choisi

Attention dérivée

Aucune assurance de l’identité du participant

Degré d’implication du participant

Focus groups à distance synchrones (texte)

Anonymat

Discussion autour de sujet sensibles facilitée

Transcription automatique (export de la discussion)

Compétences à taper sur un clavier

Absence de communication non-verbale et para-verbale

Perte d’informations contextuelles

Difficultés de d’expression (langue parlée)

Focus groups à distance synchrones (audio)

Discussion autour de sujet sensibles facilitée

Enregistrement facilité et gratuit

Absence de communication non-verbale

Perte d’informations si plusieurs participants parlent en même temps

Difficultés de d’expression (langue parlée)

Focus groups à distance synchrones (vidéo)

Analyse de la communication verbale, non-verbale et para-verbale

Enregistrement facilité et gratuit

Pas d’anonymat

Perte d’informations si plusieurs participants parlent en même temps

Difficultés de d’expression (langue parlée)

Focus groups à distance asynchrones (texte)

Anonymat

Construction des réponses

Transcription automatique (export de la discussion)

Pas de limite de temps

Réflexion prolongée

Aucune assurance de l’identité du participant

Absence de communication non-verbale et para-verbale

Perte d’informations contextuelles

Durée allongée

Choisir la méthode adaptée

Bien entendu, les focus groups en face-à-face seront à privilégier pour les groupes et profils ne disposant pas de connexion internet. Öz (2016) dépeint les focus groups en ligne comme dévoilant moins d’informations détaillées sur les opinions, ressentis et avis des participants, par rapport aux focus groups en face-à-face. L’étude confirme toutefois la diminution des barrières sociales via les focus groups à distance.

Ainsi, lorsque vous souhaitez toucher des populations géographiquement dispersées, des personnes pour qui les déplacements s’avèrent compliqués ou qui sont difficiles à toucher, privilégiez les focus groups à distance. Cela vous permettra également de réduire les coûts de l’étude.
Les focus groups à distance via communication écrite assurent le niveau maximum d’anonymat et permettent notamment de créer des groupes de discussion très hétérogènes. Ils peuvent être très intéressants à mettre en place pour confronter les opinions de profils extrêmement différents, mais également pour les discussions autour de sujets sensibles.

Stewart et. al (2016) analysent également une option que nous n’avons pas évoqué précédemment : l’utilisation de mondes virtuels comme support du focus group. Cette option requiert toutefois une connaissance et une aisance de l’utilisation de ce type de logiciels afin que cela n’influence pas négativement l’étude (attention portée vers l’utilisation de la plateforme plutôt que sur la discussion).

Il est important de souligner que les focus groups à distance rendent difficiles les tests produits puisque les répondants ne peuvent toucher et visualiser ces derniers. Il est toutefois possible d’utiliser certains stimuli : vidéos, présentation, images, etc. pour aider les participants à visualiser certains points ou éléments de design par exemple.

Dans l’étude menée par Matthews et al. (2018), les chercheurs et participants s’accordent à dire que l’implication personnelle dans la discussion est plus forte en face-à-face qu’en ligne. De plus, les interactions ont été définies comme plus enrichissantes via des méthodes audio et vidéo que des méthodes par écrit.

La domination de la discussion par certains participants est un point récurrent auquel il faut faire attention. Les focus groups en face-à-face induisent traditionnellement que les participants interviennent chacun leur tour. Or, les focus groups à distance rendent ce processus plus compliqué. Les discussions par écrit peuvent être dominées par ceux qui tapent plus vite ou encore par les voix plus imposantes pour les focus groups audio et vidéo.

Sources

Images d’illustrations : Shutterstock



Publié dans Marketing.

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