De temps en temps j’ai la chance de pouvoir me laisser inspirer par d’autres. J’ai la chance de rencontrer de nombreux entrepreneurs venus d’horizons très différents et avec des parcours très divers. Bien qu’ils soient tous spéciaux certains d’entre eux ont une expertise et une vision hors-du-commun. Ma rencontre avec Jean-Luc Colonna d’Istria restera certainement comme l’un des moments les plus inspirants de 2013. Le directeur marketing de Merci, le concept store mondialement célèbre du 111 boulevard Beaumarchais à Paris a eu la gentillesse de me consacrer 2 heures de son temps un samedi après-midi afin de partager avec moi sa vision du commerce de détail d’aujourd’hui et ses réflexions sur la naissance de Merci.
Les débuts de Merci et la vision initiale
Merci est né en Mars 2009 de la vision de Marie-France et Bernard Cohen, fondateurs de Bonpoint. La vision de Marie-France était de rassembler plutôt que de séparer, ce précepte s’appliquant aux objets comme aux personnes. Merci aspire à être un lieu où toutes sortes de gens se mélangent afin de découvrir une large gamme d’objets pour toutes les bourses (de 5€ à 10000€-). L’autre leitmotiv de Jean-Luc est que le shopping tel qu’on le concevait dans les années 90 est mort. Qui veut encore passer une après-midi ou une journée entière à arpenter les rues et à visiter mécaniquement tous les magasins des rues commerçantes ? Le temps est révolu où chercher pour acheter était l’activité principale du samedi.
Les deux principes de bases sont donc là, bien présents : «rassembler plutôt que de séparer » et « le shopping comme activité centrale appartient au passé ». D’eux découlent la vision, forte et structurante, qui reviendra à plusieurs reprises dans ma conversation avec Jean-Luc : réunir des objets et des personnes différentes dans un lieu où l’expérience globale remplace le simple fait de faire du shopping.
La traduction de la vision
Jean-Luc a traduit cette vision grâce à un lieu articulé autour de différents magasins. Une année a été nécessaire à la naissance de la surface de 1500m2, les 6 derniers mois étant dédiés à la transformation et à la rénovation de cet ancienne manufacture de papiers peints dans un coin de Paris qui n’était a priori pas une destination « IN ». Douze mois de travail acharné donc avec un risque très élevé d’échec en raison de la localisation et des montants enjeu.
Le concept store est articulée autour d’un magasin qui réalise 90% des revenus de l’ensemble du groupe et de 3 restaurants (dont un salon de thé, un restaurant rapide au rez-de-chaussée et un plus classique au sous-sol). Une équipe de 60 personnes est nécessaire pour faire tourner cette entreprise très complexe où des activités très différentes sont réunies sous un même toit, sans la possibilité de tirer parti des économies d’échelle (sauf entre les 3 restaurants). Malgré cela, Merci a atteint le seuil de rentabilité en 2012 grâce à ce que Jean-Luc dépeint comme une stratégie Low-Cost. Une attention de tout instant est accordée à la gestion de la trésorerie et Jean-Luc me donnait ce samedi-là l’exemple de travaux de peinture qui dans n’importe quel autre magasin se feraient le dimanche et se paieraient au prix fort. Pas de travail dominical ici ; les clients de passage ce samedi-là acceptent sans broncher la présente de l’échelle et du peintre.
La ligne directrice du concept store est que tous les produits doivent être égaux et qu’aucun d’entre eux (ni aucun créateur) ne doit se voir accorder de privilèges (ce principe est également valable pour les journalistes qui ne reçoivent aucune réduction ni produits gratuits). Le produit est roi et les investissements n’ont pas été consacrés à la mise en œuvre de matériaux coûteux (marbre, etc …) mais plutôt dans la structure du magasin lui-même et dans le recrutement d’un personnel de qualité (notamment les acheteurs sur lesquels repose la pression de trouver les objets qui plairont). Le résultat est une audience incroyable de 5000 visiteurs par jour (1 million par an) sans aucun effet de saisonnalité (la fréquentation est en moyenne la même toute l’année)
Les résultats
Merci a atteint l’équilibre en 2013 avec 15m € chiffre d’affaires, soit moins de 4 ans après son lancement. Le projet est maintenant rentable même si, comme l’admet Jean-Luc, le pari était osé. Les investissements initiaux étaient énormes et ce projet n’aurait pas pu être lancé par des entrepreneurs désargentés. Il fallait avoir les poches profondes pour se permettre une telle liberté (liberté que les banques n’aiment pas par définition en raison des risques associés et de la difficulté de prédire l’avenir).
Conseils pour votre stratégie marketing
Avant de tirer les leçons de ce tête-à-tête, je tiens à remercier à nouveau Jean-Luc pour son temps. Si ma rencontre avec Enric Ruiz Geli a été le point le plus inspirant de 2012, rencontrer Jean-Luc se classera sans doute aussi haut lors de la rétrospective de 2013.
La principale leçon que je tire est l’importance de la vision initiale. J’ai été impressionné de voir à quel point la vision qui a conduit à la création de Merci était fortement ancrée et parfaitement articulée. Tout semblait tellement clair.
Je peux dire avec beaucoup d’humilité que je rencontre de nombreux entrepreneurs, mais très peu d’entre eux sont en mesure d’expliquer clairement leur vision initiale et pourquoi cette dernière mérite d’y consacrer des efforts. Les entrepreneurs démarre généralement sur la base d’un constat, après avoir identifié un besoin ou une amélioration mineure. Il est très rare qu’une approche globale (et réaliste, j’insiste sur ce point) précède la genèse de l’entreprise.
Publié dans Marketing, Stratégie.