Copytrack : révélations sur un copyright troll à la limite de la légalité

Dans cet article je vous explique comment vous défendre contre Copytrack. J’ai pu tester leur système, en découvrir les failles, et vous livre tous mes conseils dans cet article. Pour faire cesser leurs pratiques, portez plainte !

Copytrack : révélations sur un copyright troll à la limite de la légalité

Si vous êtes là, c’est que vous avez sans doute comme moi reçu un email de Copytrack. J’ai eu l’honneur d’en recevoir 3 en une semaine et je vais vous expliquer ce que j’ai fait pour me débarrasser de Copytrack. Cet article est également l’occasion de faire une enquête approfondie sur la société qui est derrière Copytrack (RD Legal GmbH), son patron Marcus Schmitt ainsi que sur le fonctionnement de son software et de ses failles. Le contenu de cet article repose entièrement sur mes investigations et sur mon travail. N’hésitez donc pas à le repartager et à le commenter. Et surtout, portez plainte (online et en quelques clics) pour mettre fin aux dérives de Copytrack.

Copytrack : tout savoir en 30 secondes

  • Copytrack est un copyrights troll dont les pratiques sont à la limite de la légalité. Les plaintes s’accumulent contre cette société allemande pour ses pratiques abusives.
  • Il a été prouvé à de multiples reprises que Copytrack essaye d’obtenir des paiements pour des images dont ses clients ne détiennent même pas les droits. Conseil : faites une recherche inversée sur l’image en question. Si l’image est proposée sur plusieurs sites à l’achat, vous n’avez rien à craindre car le client de Copytrack ne possède pas les droits exclusifs sur cette image.
  • Copytrack n’a aucun pouvoir judiciaire ou légal. Son business model est donc de vous mettre sous pression, en multipliant les menaces, pour encaisser 45% de commission sur ce qu’ils vous auront fait payer. Mes expérimentations montrent que si vous ne répondez pas à leur emails, vous ne recevrez aucune relance. Ne faites donc pas l’erreur de répondre !
  • Si vous voulez quand même répondre à Copytrack, exigez d’abord qu’ils vous fournissent toutes les preuves de leur mandat et de la propriété de l’image en question. Plus vous exigerez de documents de la part de Copytrack, moins vous serez rentable pour eux et plus vite ils vous laisserons tranquille. Et surtout, si vous êtes dans votre bon droit, ne leur envoyez rien sans qu’eux vous aient d’abord envoyé leurs preuves.
  • Les poursuites judiciaires intentées par Copytrack sont rares. En Allemagne, Copytrack a perdu tous ses procès, les tribunaux jugeant que le calcul des indemnités n’était pas justifié. En Italie, l’Autorité de la Concurrence a forcé Copytrack a changer ses procédures.
  • Si vous détenez les droits des images pour lesquelles Copytrack vous contacte, vous pouvez agir concrètement pour mettre fin aux activités de cette société : portez plainte et dénoncez leurs pratiques auprès de l’Autorité de la concurrence de votre pays ! J’ai listé à la fin de cet article les adresses où porter plainte en ligne en fonction de votre pays.

Je vous avais raconté mes aventures avec le copyrights troll Picrights. Cette fois-ci j’ai eu à faire à Copytrack (RD Legal GmbH). Et c’est d’un tout autre niveau. Copytrack est sans doute le copyright troll qui pousse le plus loin les limites vers l’illégalité en réclamant de l’argent pour des images qui n’appartiennent parfois pas à ses clients et/ou que vous avez déjà achetées. Nous tombons ici dans des pratiques qui sont très limites et pourraient faire l’objet d’une plainte en justice. D’ailleurs Copytrack a joué sa survie devant l’Autorité italienne de la concurrence suite à un avalanche de plaintes à son encontre.

Le business model de Copytrack : vous forcer à payer le plus vite possible

Le business model de Copytrack est facile à comprendre. Copytrack prend 45% sur toutes les sommes encaissées. C’est marqué noir sur blanc dans ses conditions de vente (voir ci-dessous) :

commission copytrack

Les conditions générales de Copytrack précisent le modèle de rémunération. La société berlinoise prend 45% de toutes les sommes encaissées. Elle a donc intérêt à vous faire payer le plus possible, le plus vite possible.

Leur objectif est donc de vous faire payer le plus vite possible, quitte à réduire substantiellement les sommes réclamées. Vous êtes donc bombardé de courriers menaçants, d’ultimatums. Cette mise sous pression a pour but de vous faire peur.

D’ailleurs, contrairement à des copyrights trolls comme Picrights, Copytrack utilise un vrai modèle de rémunération (appelé MFM) pour chiffrer les dédommagements. Cela ne l’empêche toutefois pas de réduire de manière drastique les demandes de compensation à la moindre négociation. Leur but est simplement d’encaisser de l’argent le plus rapidement possible, avec le moins d’efforts possibles, pour recevoir leur commission de 45%. Cela explique que les procès intentés par Copytrack soient si rares.

Les très rares poursuites intentées par Copytrack se sont révélées infructueuses. En particulier, le modèle de tarification MFM a été rejeté à plusieurs reprises en Allemagne (source). On notera toutefois que dans l’avis sévère rendu par l’Autorité de la Concurrence italienne à l’égard de Copytrack, le modèle MFM n’a pas été abordé. Ceci s’explique simplement par le fait que l’Autorité de la Concurrence n’avait pas été saisie pour cet aspect (il n’y avait pas de litige sur ce point).

Les demandes de Copytrack sont souvent abusives

Les demandes sont souvent abusives, voire illégales, et se caractérisent notamment par l’inversement de la charge de la preuve. Copytrack demande aux personnes / organisations contactées, de prouver qu’elles sont titulaires des droits. C’est approche est totalement abusive et si vous êtes concerné(e) vous n’avez bien entendu aucune obligation d’y répondre. Cette approche résulte directement des faiblesses inhérentes à l’entreprise Copytrack :

  • Copytrack est une société de services informatiques sans aucun pouvoir de coercition : il ne s’agit pas d’un huissier ni d’un cabinet d’avocat et ne peut donc pas vous obliger à répondre. Rappelez-vous que Copytrack n’a aucun pouvoir légal.
  • Copytrack déplace toute la responsabilité sur ses clients : Copytrack est extrêmement négligeant envers ses propres clients. Lorsqu’un compte est créé, aucune diligence n’est faite sur la propriété des images dont le client se revendique l’auteur. Vous pouvez même déclarer ne pas être l’auteur des images sans que Copytrack ne vous avertisse de quoi que soit. En d’autres termes, vous pouvez engager Copytrack pour harceler les utilisateurs d’images dont vous n’avez même pas les droits sans que Copytrack y trouve à redire.
creating a Copytrack account without being owner of the images

L’application de Copytrack permet à ses clients de rechercher de potentielles infractions pour des images sont ils ne sont même pas les auteurs. Copytrack ne demande aucune preuve de propriété.

Il résulte du système mis en place par Copytrack que n’importe qui peut télécharger des images sur leur application, mais sans être titulaire des droits, et chercher à obtenir des compensations. C’est clairement illégal et Copytrack ne fait que déplacer la responsabilité sur son mandant. Les forums sont pleins de témoignages de personnes ayant régulièrement acheté leurs images et qui ont été menacées par Copytrack même après avoir fourni une preuve de leur achat.

Les artistes eux-mêmes, titulaires des droits, ne sont parfois pas au courant des pratiques de Copytrack. J’ai pu contacter l’un d’entre eux, Vitalii Vodolazshyi, qui est l’auteur d’une image que j’ai achetée sur Shutterstock et pour laquelle Copytrack m’a contacté en affirmant que les droits appartenaient à Yayimages. Comme vous pouvez le lire sur l’extrait de ma conversation avec Vitalii ci-dessous, c’est un mensonge pur et simple.

Disucssion on rights of yayimages with vitalii vodolazskyi

La faiblesse du système mis en place par Copytrack, et les abus qui en découlent, expliquent la réputation catastrophique que la société a obtenue. Copytrack fait d’ailleurs beaucoup d’efforts pour éviter de récolter des avis négatifs sur Google. Leur fiche Google a ainsi plusieurs fois disparu mais des internautes vigilants l’ont signalé à Google. D’autre part, Copytrack renseigne sur son propre site web une adresse qui n’est plus la sienne. Et comme si cela ne suffisait pas, Copytrack a même changé de nom pour devenir RD Legal GmbH et effacer ses traces numériques. Heureusement, des internautes veillent et dénoncent ces manœuvres.

Copytrack : une société technologique aux moyens limités

Copytrack n’est pas un cabinet d’avocat ni une autorité judiciaire. Elle n’a aucun pouvoir de coercition. La société joue donc sur un vocabulaire très agressif afin de faire croire qu’elle a ce pouvoir. Mais ses moyens sont au final très limités. Le vocabulaire a d’ailleurs été choisi spécifiquement pour ne pas tomber dans l’illégalité. Le mail que vous avez reçu vous indique ainsi que vous avez probablement (« likely ») porté atteinte aux droits des clients de Copytrack. Il ne s’agit donc pas d’une accusation et vous ne pouvez donc pas, sur la base de cette email, accuser Copytrack d’extorsion. Mais vous n’avez aucune obligation non plus envers Copytrack.

Il ne s’agit au final que d’une entreprise technologique dont les racines se confondent avec celles de son fondateur, Marcus Schmitt. Comme vous pouvez le voir sur la diagramme ci-dessous (source), Marcus Schmitt est non seulement le dirigeant de RD Legal GmbH (le nouveau nom de Copytrack) mais également celui de Media-Ident Group GmbH, une société de services informatiques. Media-Ident commercialise 2 outils dont l’un, Copyident, renvoie en fait à l’application Copytrack.

the business network of Copyptrack's CEO Marcus Schmitt

Il n’y a d’ailleurs aucun doute sur le fait qu’il y a une confusion des genres ici puisque le siège de Media-Ident (Dresdener Strasse 31, 10179 Berlin, Germany) est le même que celui qui était utilisé précédemment. La société Copytrack a déménagé mais son ancienne adresse est encore visible dans ses documents légaux qui n’ont plus été mis à jour depuis 2021 (voir ci-dessous).

Dans les conditions générales de Copytrack, l’adresse indiquée est la même que Media-Ident, l’autre société de Marcus Schmitt

 

J’ai testé Copytrack : un système automatisé loin d’être parfait

Comme je l’ai expliqué plus haut, Copytrack a été créé par Marcus Schmitt dont les compétences sont à la fois dans l’informatique et également dans la demande d’indemnités. Il a en effet été le patron de flightright.com entre 2012 et 2014 avant de lancer Copytrack en 2015 et Media-Ident en 2019. Cette dernière société a annoncé des acquisitions dans le domaine de la reconnaissance d’images, preuve qu’il s’agit d’un filon rentable.
Copytrack est donc un software dont les robots parcourent le web de manière automatisée à la recherche des images uploadées par ses clients. Cette automatisation est d’ailleurs le talon d’Achille de Copytrack puisque de nombreuses demandes sont reçues par des organisations qui disposent de tous les droits nécessaires pour exploiter les images, voire qui en sont les auteurs. Pourquoi ? Parce que Copytrack ne fait aucune vérification en amont.

J’ai pu créer un compte sans aucune vérification autre que mon adresse email et y uploader des images sans aucun contrôle. Pour cet exercice j’ai uploadé 33 images dont j’étais l’auteur.

Comme vous pouvez le voir sur la capture d’écran ci-dessous, le système a identifié ce qu’il appelle un « hit », c’est-à-dire l’utilisation de cette image sur un site web (le mien). Il est remarquable de constater que l’adresse physique du site est totalement erronée et est confondue avec l’adresse de l’hébergeur (OVH à Roubaix).

hit in copytrack application
Copytrack délègue alors la responsabilité au client de déterminer si l’utilisation qui est faite de l’image est légale ou illégale. Copytrack sait d’ailleurs comment motiver ses clients : le système affiche en effet sur la page d’entrée du site votre rémunération potentielle (voir capture d’écran ci-dessous).

dashboard of the copytrack app

Voici ce que voit un client de Copytrack quand il se connecte à son espace. Le montant des sommes à récupérer est clairement mis en avant.

Mes conclusions sur l’outil de tracking Copytrack sont les suivantes :

  • la détection est très perfectible. Sur les 33 images uploadées, seule 1 a fait l’objet d’une détection (alors que toutes mes images avaient été publiées sur mon site web)
  • la date de mise en ligne de l’image détectée est fantaisiste. L’article où apparaît l’image date du 13/11/2023 et Copytrack affirme quie l’image est en ligne depuis « au moins » le 17/01/2025
  • l’adresse du « contrevenant » est confondue avec l’adresse de l’hébergeur
  • lorsque le client décide que l’utilisation de l’image est illégale, Copytrack ne fait aucune mise en garde ni ne demande de preuves que le client est bien titulaire des droits
  • le montant potentiel que le client peut obtenir est affiché sur la page d’entrée et incite à reconnaître comme illégales un maximum d’utilisations, même lorsque ces dernières ne sont pas frauduleuses.

Voilà comment on construit un système qui peut être détourné.

Comment se débarrasser de Copytrack ?

Pour vous débarrasser de Copytrack vous devez comprendre et exploiter les faiblesses de la plateforme.

Ne répondez pas et vous ne recevrez plus d’emails de Copytrack

Comme j’ai reçu 3 courriers de la part de Copytrack, cela m’a permis de tester le fonctionnement de leur système. J’ai donc soumis 3 types de réponses différentes :

  • une demande exigeant des preuves de du mandat de Copytrack et de la propriété de l’image
  • un message sibyllin dans lequel je refusais de payer
  • pas de réponse

Le premier enseignement c’est que lorsque vous ne répondez pas (cas n°3), vous ne recevez pas de relances. En fait, le système ne sait pas à qui il envoie des emails. Si vous répondez, vous lui donnez l’indication que l’adresse qu’il a trouvée fonctionne vraiment. Si vous ne répondez pas, il est perdu.

Exigez des preuves

Rappelez-vous que le business model de Copytrack est basé sur une commission de 45%. Pour qu’un dossier soit rentable, il faut donc qu’ils y investissement le moins de temps possible. A partir du moment où vous leur demandez de légitimer leur position et de prouver qu’ils ont bien le droit de représenter le détenteur des droits, vous leur imposez un travail. Leurs conditions générales précisent que les mandants sont dans l’obligation fournir immédiatement les informations prouvant qu’ils sont titulaires des droits. Cela est nécessaire lorsque justement un utilisateur demande des preuves.

Or, ce travail supplémentaire leur coûte de l’argent. C’est donc une excellente stratégie pour leur faire perdre leur temps et les inciter à clôturer votre dossier (voir un exemple de cette tactique ici).
Dans cet article publié par un avocat, c’est du reste le conseil qu’il donne : exiger de Copytrack les preuves de leur mandat et les informations concernant le(s) titulaire(s) des droits sur l’image avant d’envoyer quoi que ce soit. C’est la meilleure manière de perturber leurs processus automatisés et cela les incitera à vous laisser tranquille car vous deviendrez une cible non rentable.

exerpt of the Terms and Conditions of Copytrack

Dans ses conditions générales, Copytrack spécifie bien que ses clients doivent pouvoir lui fournir immédiatement les documents originaux prouvant qu’ils sont titulaires des droits.

Vérifiez l’originalité de l’image

99% des images pour lesquelles Copytrack réclame des indemnités ne présentent aucune originalité. Un tribunal ne leur donnera donc jamais raison et ils le savent. Leurs demandes frisent d’ailleurs parfois le ridicule. Rendez-vous compte qu’ils me réclamaient 724,50€ pour l’image ci-dessous.

Copytrack n’a pas eu honte de me réclamer 724,50€ pour ce dessin d’un panneau d’interdiction.

Si l’image n’est pas une photo, Copytrack n’a aucune chance d’obtenir un dédommagement. Même dans le cas d’une photo, leurs chances sont minces également car cela dépend de l’originalité de cette dernière. Le cas de Varamedia illustre parfaitement que l’originalité est difficile à démontrer. Cette société, accusée injustement par un Copyrights Troll, s’est fait représenté par un avocat qui a pu contrer tous les arguments en matière d’originalité. Le troll n’a pu jamais donné de nouvelles.

Que faire pour mettre fin à l’activité de Copytrack ?

Les pratiques douteuses de Copytrack déclenchent depuis des années la fureur des internautes. Je vous laisse en juger à travers les plus de 500 avis déposés sur Trustpilot.

  • La première chose que vous devez faire est de laisser le plus d’avis négatifs possibles. Il faut alerter les autres victimes potentielles.
  • La seconde priorité est d’avertir les autorités de votre pays et les associations de défense des droits des consommateurs. Cette approche a prouvé son efficacité en Italie. Plusieurs entreprises avaient porté plainte contre Copytrack qui a du se défendre devant l’Autorité de la Concurrence et a joué sa survie. La société berlinoise a du faire toute une série de concessions pour le marché italien avant de pouvoir continuer à opérer  car elle craignait sans doute de finir comme Photoclaim. Cette procédure a sans doute coûté un montant élevé à Copytrack mais l’issue somme toute favorable a réjoui les avocats de Copytrack, Luciano Vasques et Claudio Pezzi (voir publication Linkedin ci-dessous). Marcus Schmitt, le patron de Copytrack semblait lui aussi satisfait.
Copytrack lawyers on Linkedin

Les avocats de Copytrack étaient heureux d’avoir pu sauver leur client des griffes de l’autoriété italienne de la concurrence.

Comment porter plainte contre Copytrack ?

Voici une liste des sites où déposer plainte :

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