Dans certaines régions il est encore possible de faire des découvertes artistiques majeures en dehors des sentiers battus. C’est le cas de la région des Marches, en Italie, dont le patrimoine artistique se confond avec l’histoire du Vatican. Lorenzo Lotto vous y attend.
Les Marches sont un terrain de chasse rêvé pour les amateurs d’Art ancien. Après vous avoir emmenés sur les traces de Carlo Crivelli en 2019, cette année nous partons à la recherche de Lorenzo Lotto dans les Marches. Une très belle rétrospective a eu lieu en 2018-2019 qui a mobilisé les différentes localités où le passage de Lotto est encore visible. Un site web très bien fait est encore accessible.
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Sommaire
- Introduction
- Lorenzo Lotto à Recanati (5 œuvres)
- Lorenzo Lotto à Jesi (4 œuvres)
- Lorenzo Lotto à Monte San Giusto (1 oeuvre)
- Lorenzo Lotto à Cingoli (1 oeuvre)
- Lorenzo Lotto à Mogliano (1 oeuvre)
- Lorenzo Lotto à Loreto (9 oeuvres)
- Pour finir
Introduction
Lorenzo Lotto (1480-1556) a été formé à Venise par Giovanni Bellini ou Alvise Vivarini. Comme ses contemporains, il sera amené à « s’exiler » à la recherche de patrons et de commandes. Sa 1ère étape sera Trévise (1503-1506). Il effectue son premier séjour dans les Marches de 1506 à 1508, avant de rejoindre Rome jusqu’en 1510 à l’appel de Bramante (l’architecte du Pape). Il aurait travaillé avec le jeune Raphaël dans les appartements du Pape. A partir de 1511 il est de retour dans les Marches (à Jesi) et en repart en 1513 pour s’établir pendant plus d’une décennie à Bergame. De retour à Venise de 1525 à 1532, il effectue ensuite de nombreux déplacements en Vénétie et dans les Marches. En 1549 il revient définitivement dans les Marches (à Loreto) où il sera enterré.
Dans les paragraphes suivants, j’ai choisi de vous présenter les différentes localités dans lesquelles je me suis rendu à l’été 2020 pour comprendre le travail de Lorenzo Lotto. J’ai décidé de respecter un ordre chronologique qui suit le passage de Lotto dans la localité en question, ou la date à laquelle l’œuvre a été finalisée.
Lorenzo Lotto à Recanati
Recanati est la deuxième étape des pérégrinations de Lorenzo Lotto après son départ de Venise. Il se rend pour la première fois dans les Marches afin d’exécuter un retable pour l’église Saint-Dominique (1508). L’art du jeune Lotto est déjà à son sommet technique, même si le traitement est encore empreint de l’influence de ses maîtres vénitiens. C’est le remarquable retable de Saint-Dominique qui est visible au musée de Recanati. Sa facture exceptionnelle me pousse à venir le voir chaque été. On ne peut se lasser de l’infinie minutie dont fait preuve Lotto, ni de la maîtrise toute vénitienne des couleurs. Comment en outre ne pas reconnaître la leçon de Bellini dans la présence de mosaïques (dans les niches derrière les personnages représentés sur les panneaux inférieurs) et le traitement des personnages dans les panneaux supérieurs.
Le musée Villa Colloredo Mels de Recanati (malheureusement peu visité mais incroyablement intéressant) recèle d’autres trésors de Lotto. Tout d’abord deux tableaux qui datent de son second séjour dans les Marches (voir Lotto à Jesi) : une transfiguration monumentale et un Saint-Jean pèlerin dont une copie est visible à l’église Sainte-Anne au centre du village. L’autre œuvre visible, majeure, est l’annonciation de 1529 qui montre une vierge effrayée par l’arrivée de l’ange et un chat s’enfuyant que Balthus n’aurait pas renié. J’ai longtemps eu des difficultés à apprécier ce tableau dont les qualités plastiques m’ont échappé. Il faut reconnaître que le traitement du sujet est particulièrement disruptif pour l’époque. C’est donc cette innovation qui place ce tableau à part dans la production de Lotto. Il est difficile de saisir la portée de cette innovation mais on peut imaginer qu’il y a 500 ans il devait être particulièrement compliqué de s’écarter des « canons » de l’Art sacré. Lotto a su s’extraire de ce carcan pour produire une œuvre plus personnelle qui annonce le maniérisme.
Lorenzo Lotto à Jesi
Jesi est la ville qui marque le retour de Lotto dans les Marches en 1511. Un retour qui sera de courte durée puisqu’il repartira en 1513 pour Bergame. Le retour dans la région est documenté par un contrat du 18 Octobre 1511 pour la réalisation d’une Déposition. Ce tableau est désormais visible à la pinacothèque de Jesi avec d’autres œuvres de Lotto. La fraîcheur des couleurs est encore remarquable et la composition, bien que riche, reste très lisible. En fait de déposition (la croix est visible à l’arrière-plan), il s’agit plutôt d’une mise au tombeau. On ne peut manquer de remarquer le linceul que tient entre ses dents Joseph d’Arimathie et on se souviendra de la mise au tombeau de Rubens où cet élément iconographique est repris.
Parmi les autres œuvres de la pinacothèque de Jesi, on ne peut manquer la « légende de Sainte-Lucie » dont les scènes sont arrangées d’une manière tout à fait unique. En effet la lecture de ce tableau commence dans la prédelle, se poursuit sur le tableau principal, et se finit dans la prédelle. Lotto a inventé une manière tout à fait unique d’indiquer au spectateur l’ordre des scènes. Il a placé des « roues » sur chacune des scènes pour indiquer le sens de lecture.
La déposition et la légende de Sainte-Lucie sont assurément les plus beaux tableaux visibles à Jesi. La Madone des roses (« Madonna delle Rose ») est une œuvre plus tardive (1526) où l’influence vénitienne est visible. La Visitation de 1531 est plus difficilement lisible (car mal restaurée), et de l’Annonciation (1526) il ne reste que deux panneaux latéraux.
Lorenzo Lotto à Monte San Giusto
Qui se douterait que dans ce gros bourg de 7500 habitants se cache, au sein d’une église minuscule, un chef d’œuvre ? C’est pour la minuscule église Santa Maria della Pietà in Telusiano que Lotto a peint en 1529 une crucifixion qui occupe tout le mur de la nef. Une œuvre tellement monumentale qu’on pourrait penser l’église construite autour.
Vous serez sûrement seul(e) lors de votre visite. L’église est assez sombre. Munissez-vous d’une pièce de 2€ pour illuminer le tableau. Le spectacle est saisissant. Les couleurs du retable semblent insuffler une énergie nouvelle à l’église.
Lorenzo Lotto à Cingoli (« La Madone au Rosaire »)
Le thème de la Madone du Rosaire est devenu célèbre après la bataille de Lepante. La victoire du 7 Octobre 1571 fut en effet attribuée à Notre-Dame-du-Rosaire par le pape Pie V. Il n’empêche, l’iconographie de la Vierge protectrice et des 15 mystères du Rosaire était déjà traitée avant 1571.
Le tableau monumental de Lorenzo Lotto, réalisée pour la confraternité du Rosaire de Cingoli en 1539, est toujours visible, près de 500 ans après sa création, dans cette même petite ville. Hébergée jusqu’en 2016 dans la pinacothèque communale, la toile est désormais visible dans une salle de la mairie (« Sala degli Stemmi » ou salle des blasons). Pour y accéder, appelez la mairie ou adressez-vous à la bibliothèque communale dont le responsable dispose des clés. Il vous guidera volontiers pendant les horaires d’ouverture de la bibliothèque. Si la visite est gratuite, pensez quand même à laisser une petite offrande pour aider à la préservation de la toile. Les visiteurs sont peu nombreux et les tremblements de terre laissent également des traces financières dans les comptes des petites communes italiennes.
Lorenzo Lotto à Mogliano
C’est désormais au musée d’Art Sacré de Mogliano (4500 habitants) qu’il faut se rendre pour admirer la Madone en gloire (« Madonna in gloria e santi ») peinte en 1548. Le tableau était auparavant dans l’église Santa Maria di Piazza, fermée depuis le tremblement de terre de 2016. Le tableau se présente encore avec son cadre d’origine (comme celui de Monte San Giusto). La toile présente une iconographie très particulière. La présence d’un mur circulaire, ne laissant dépasser que quelques monuments, rend ce tableau très singulier et difficile à interpréter.
Il est indispensable de téléphoner auparavant car le musée n’est ouvert que sur rendez-vous. Remarquez, devant le tableau, une vitre circulaire. Cette dernière est placée au-dessus de la nef de l’église ! Le musée est donc situé sur l’église.
Lorenzo Lotto à Loreto
Lorenzo Lotto a fini sa vie à Loreto et y a entretenu sa foi (il se fera d’ailleurs enterrer en habit de dominicain). Dans la Basilique, une plaque nous rappelle les qualités extraordinaires de ce peintre (la plaque est située à l’entrée gauche, derrière la porte principale, et est donc difficilement visible).
Les œuvres de Lotto sont visibles à deux endroits. Dans la basilique elle-même se trouve un Saint-Christophe accompagné de Saint Roch et Saint Sébastien. Attardez-vous sur le tableau pour y découvrir la signature du peintre sur un parchemin orné d’un énigmatique œil.
Dans le musée de la basilique se trouvent 8 œuvres supplémentaires dont l’adoration de l’enfant Jésus, sans doute la plus belle de toutes. Christ et la femme adultérine (1548-1550) est un très beau tableau également, dans une composition assez béllinienne en ce qui concerne la disposition des personnages. La pièce du musée où sont rassemblés les tableaux de Lotto contient également un fac-similé de son émouvant « Libro delle spese ».
Pour finir
Le « tableau de chasse » ne saurait être complet sans signaler les œuvres qui se trouvent à Ancône :
- le retable de la hallebarde (1539) à la pinacothèque municipale (attention aux horaires d’ouverture très spéciaux)
- l’Assomption (1550) à l’église San Francesco Alle Scale
Signalons également le Saint Roch (1549) présent dans les collections du musée national des Marches à Urbin.
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