Chocolats de Pâques : la tradition menacée par l’inflation ?

Dans cet article j’examine la dynamique du marché du chocolat de Pâques. Cette tradition est bien ancrée en Europe mais elle subit des pressions inflationnistes importantes. Les chiffres des dernières années montrent toutefois qu’elle est assez forte pour résister.

Chocolats de Pâques : la tradition menacée par l’inflation ?

Alors que les prix de l’alimentaire n’augmentent plus en moyenne, les produits chocolatés eux continuent à atteindre des sommets. Ils sont poussés par les cours records du cacao. La question se pose donc de savoir si cette hausse est de nature à mettre en danger le marché des chocolats de Pâques. Dans cet article, j’aborde brièvement la situation sur le marché du cacao avant d’approfondir la dynamique du marché des chocolats de Pâques.

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Le cacao bat des records : la faute au dérèglement climatique ?

Le cours du cacao a été multiplié par 6 entre 2023 et 2024 et a dépassé 10.000$ la tonne fin Mars 2024. Logiquement les prix des produits chocolatés ont augmenté, mais pas aussi spectaculairement que ceux de la matière première (voir tableau ci-dessous).

Produit Augmentation Mars 2024 vs Mars 2023 Augmentation Mars 2024 vs Février 2024
Chocolat en tablette 7,1% 1,5%
Poudres petit déjeuner 8,8% 1,1%

La cause principale de cette explosion des cours du cacao est le réchauffement climatique. Il a entraîné une baisse de la production en Côte d’Ivoire et des craintes des marchés sur l’approvisionnement. Cette hausse ne bénéficie toutefois pas aux producteurs locaux dont les prix de vente sont restés inchangés. C’est sans doute le reflet qu’une partie de la hausse est purement de nature spéculative. Rappelez-vous le cours de l’huile de Tournesol qui avait été multiplié par 3 au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine (mars 2022).

Le marché du chocolat de Pâques

Même dans un contexte où l’inflation touche divers secteurs, les chocolats de Pâques restent incontournables. Leur taux de pénétration a augmenté de 3,5 points (55,8% en 2023 par rapport à 52,3% en 2019 pour la France).

Indicateur 2019 2022 2023
Pénétration 52,3% 55,4% 55,8%
Quantités achetées par acheteur 0,97 kg 1,08 kg 1,04 kg
Fréquence d’achat en nombre 1,8 1,9 1,9
Quantités achetées par acte 0,52 kg 0,56 kg 0,54 kg
Dépenses par acheteur 18,80 € 20,80 € 22,40 €
Dépenses par acte 10,17 € 10,78 € 11,66 €
Prix moyen au kg 19,45 € 19,27 € 21,61 €
Prix moyen par article 3,72 € 3,70 € 4,01 €

Les quantités achetées restent stables (0,52 kg en 2019 contre 0,54 kg en 2023) mais les dépenses par achat augmentent très sensiblement, sans doute poussées par l’inflation structurelle d’une part, et celle spécifique au cacao d’autre part. Cela se reflète dans le prix moyen au kilo qui a connu une hausse significative (21,61 € en 2023 contre 19,45 € en 2019).

Malgré ces difficultés, la tradition de Pâques reste forte. Il semble que les consommateurs soient prêts à payer pour la maintenir.

Les chiffres témoignent de cette tendance :

  • Le chiffre d’affaires pour la campagne de Pâques 2023 a atteint 357 M €, ce qui représente une augmentation de 15% par rapport à 2022.
  • La quantité achetée a connu une légère baisse de 2%, mais le prix moyen au kilo a grimpé à 24,30 €, soit une augmentation de 17% par rapport à l’année précédente.

Les industriels innovent pour sécuriser leurs ventes

Les indicateurs macroéconomiques ne sont pas au beau fixe depuis la crise Covid. Les industriels du chocolat redoublent donc d’inventivité pour faire acheter les consommateurs. L’enjeu est important puisque les chocolats de Pâques destinés aux enfants représentent 79% des ventes. Même en temps de crise, les parents sont prêts à faire des efforts pour le bonheur de leurs bambins.

Pour répondre à ces attentes, des marques comme Lindt ont innové avec des éditions limitées et des produits spéciaux qui ont contribué à une croissance significative des ventes en 2023. Ferrero, de son côté, a également su rebondir et proposer des innovations dans le top 10 des ventes. Cette dynamique est illustrée par l’augmentation de la part de marché de Lindt qui s’est établie à 18,8%, ainsi que par le retour en force de Ferrero avec 41% de la part de marché.

Les marques ont donc ajusté leur stratégie en proposant des formats plus petits et accessibles (merci la shrinkflation !), tout en jouant sur les éléments de surprise et les éditions limitées pour conserver l’engagement des familles. Mondelez, par exemple, maintient sa place sur le marché grâce à des prix accessibles et une offre adaptée aux attentes familiales.

Avec des initiatives telles que des publicités télévisées et une présence renforcée en digital et sur l’e-commerce, les marques cherchent à maximiser l’attention des consommateurs durant les six semaines précédant Pâques. L’enjeu est de maintenir les niveaux de vente malgré le contexte économique défavorable.

Le fossé s’agrandit avec les chocolats haut de gamme

Lors du weekend de Pâques, j’ai rendu visite à différents chocolatiers parisiens afin de mieux comprendre la dynamique du marché. Ce que j’ai vu a conforté mon impression qu’un fossé se creuse entre le bas de gamme (produits industriels vendus en supermarchés) et le haut-de-gamme. A l’instar de la pâtisserie dont les représentants les plus médiatisés attirent les foules et pratiquent des prix stratosphériques, le chocolat est également en voie de « prémiumisation ».

Les Patrick Roger, Pierre Marcolini et autre Jacques Genin avaient sans doute montré la voie. Ces derniers mois on assiste à l’éclosion de jeunes talents qui s’engagent directement dans le très haut de gamme : Jade Genin (la fille de Jacques), William Artigue, Aurélien Rivoire, Maxime Frédéric …. Le cas de Maxime Frédéric est d’ailleurs intéressant puisqu’il travaille pour Louis Vuitton (voir vidéo ci-dessus). Les marques de luxe investissent de plus en plus dans la gastronomie et les créations. C’est une manière d’aller à la rencontre d’un nouveau public et d’étendre le territoire de la marque.

boutique Patrick Roger de la Rue des Archives à Paris.

Patrick Roger a été l’un des pionniers du chocolat ultra haut de gamme. Ses boutiques mettent en scène ses  produits de manière spectaculaire. Ici la boutique de la Rue des Archives à Paris.

 


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