1 juin 2011 659 mots, 3 min. de lecture

Les initiatives d’innovation ouverte (open innovation) échouent

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Un des participants à l’EMAC 2011 (de l’Université d’Amsterdam) présentait hier quelques faits sur les plateformes collaboratives comme MyStarbucksidea et Dell Ideastorm. MyStarbucksIdea a reçu un peu plus de 70000 suggestions et seules 300 environ ont été implémentées; à peine […]

Un des participants à l’EMAC 2011 (de l’Université d’Amsterdam) présentait hier quelques faits sur les plateformes collaboratives comme MyStarbucksidea et Dell Ideastorm. MyStarbucksIdea a reçu un peu plus de 70000 suggestions et seules 300 environ ont été implémentées; à peine 0,4%.

Il est par conséquent légitime de se demander quelle est la valeur de telles plateformes. Et bien honnêtement cette question me turlupine depuis longtemps et l’EMAC2011 a été l’occasion d’avoir une discussion en profondeur avec les meilleurs spécialistes de l’innovation.

Quelques points positifs de ces plateformes méritent d’être mis en avant :

  • les sociétés qui utilisent ces plateformes pratiquent une certaine forme de communication, ce qui est dans tous les cas meilleur que pas de communication du tout
  • les entreprises peuvent récolter des suggestions leur permettant d’améliorer leurs produits et services

Par contre, tous les participants s’accordent sur une série de points négatifs rarement abordés :

  • trouver des « lead-users«  (c’est-à-dire les utilisateurs dont les besoins permettront dans le futur de réaliser des innovations décisives pour l’entreprise) relève de la gageure et est illusoire à moins de développer une méthodologie scientifique pour y parvenir. Le chercheur de l’Université d’Amsterdam a passé plusieurs mois à étudier un forum en particulier, sur un sujet en particulier, et s’est basé sur une étude sémiologique complétée par des entretiens qualitatifs pour identifier 48 « lead-users » potentiels.
  • avec les plateformes collaboratives les entreprises réalisent de plus en plus qu’elles peuvent mettent leurs clients au travail mais quand il s’agit de les récompenser se retirent du jeu. Si ce genre de pratiques continuent d’exister les clients vont forcément se lasser et eux-mêmes se retirer du jeu. Il est nécessaire de mieux comprendre les récompenses (monétaires ou autres) attendues par les différentes typologies de clients en fonction des contextes.
  • toutes les entreprises prennent le train de l’innovation collaborative en marche et lancent leurs propres plateformes ou utilisent des sociétés tierces pour obtenir ce service. Le rythme effréné avec lequel les plateformes participatives se répandent va progressivement rendre cet outil caduque et dépassé. Bientôt les entreprises réaliseront que cet outil ne permet pas plus de se différencier qu’il n’apporte de réelle valeur ajoutée à l’entreprise (par valeur ajoutée j’entends « bénéfices moins coûts »). Réfléchissez un moment … MyStarBucksIdea a sans doute coûté des millions à Starbucks (en développement mais aussi et surtout en coûts humains pour faire vivre la plateforme); 300 idées ont été implémentées. Ça fait quand même cher par idée …
  • une conclusion ressort très clairement de toutes les discussions. Les plateformes participatives ne permettent pas l’innovation radicale mais seulement l’innovation incrémentale, c’est-à-dire celle qui corrige des points mineurs d’insatisfaction.

Mon avis :

Les plateformes participatives online sont un bon outil pour garder le contact avec le client et réaliser des améliorations mineures à ses produits ou services. Mais de telles plateformes ne peuvent en aucun cas permettent d’identifier des lead-users et encore moins de permettre d’aboutir à des innovations radicales. J’ai d’ailleurs la faiblesse de croire que la plupart des sociétés à l’origine des plateformes collaboratives ne savent même pas précisément ce qu’est un « lead-uers » et ont une définition bien à elles de l’innovation radicale.

Plus fort encore, ces plateformes collaboratives peuvent avoir des effets contraires lorsque par exemple des consommateurs émettent des suggestions et que ces dernières ne sont pas converties sur le terrain par l’entreprise. Des émotions négatives se développent alors qui peuvent conduire à du bouche-à-oreille négatif.

Cessons donc de croire aux miracles du tout « online » et apprenons à retrouver des liens réels avec les clients plutôt céder au chant des sirènes.



Publié dans Innovation, Recherche.

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