10 avril 2012 751 mots, 4 min. de lecture

Low-cost et super profits : l’émergence de nouveaux business models

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
En période de crise économique il est bien connu que la sensibilité aux prix s’accroit. Une conséquence visible de cet état de fait est le succès des entreprises low-cost telles que Ryanair, Aldi, Colruyt et Ikea. Elles en viennent à […]

En période de crise économique il est bien connu que la sensibilité aux prix s’accroit. Une conséquence visible de cet état de fait est le succès des entreprises low-cost telles que Ryanair, Aldi, Colruyt et Ikea. Elles en viennent à dominer les concurrents plus anciens et il n’y a qu’à regarder la carte du ciel européen pour voir l’effet disruptif sur les compagnies aériennes. Comme jamais auparavant l’industrie du transport aérien se consolide autour de quelques gros acteurs, ne laissant aux plus petits que la faillite (sans toutefois que les plus gros comme Air France – KLM, Lufthansa, ne parviennent à inscrire autre chose que des pertes sur leurs comptes de résultat). Je n’ai pas peur de dire que cette phase de consolidation est autrement plus perturbante que celle qu’avaient connu les Etats-Unis ; sa magnitude est autrement supérieure.

Il n’y a pas si longtemps les spécialistes du low-cost affirmaient qu’il fallait avoir de l’ADN « low-cost » pour pouvoir se revendiquer de ce business model. En d’autres termes vous n’aviez d’autre alternative que de « naître » low-cost ; le devenir n’était pas possible, voire pas permis. Cela peut êtr vrai dans certaines industries, comme le transport aérien justement, mais Renault a prouvé le contraire avec la publication de ses dernières résultats.

Regardez franchement l’industrie automobile française. C’est un champ de ruines. PSA a perdu 500m€, doit s’allier à General Motors pour son augmentation de capital ; Renault-Nissan s’en tire mieux grâce à sa filiale japonaise mais ne produit plus qu’un quart de ses véhicules dans l’hexagone et a échoué misérablement sur le segment du haut-de-gamme. Les fabricants français ont longtemps cru, à l’instar de leurs concurrents allemands, que le segment du haut-de-gamme était le plus rémunérateur. Ils ont eu tort. Voici deux exemples plutôt parlants : Citroën a lancé sa C6, un modèle auquel sont abonnés les ministres et autres secrétaires d’Etat. Heureusement d’ailleurs qu’ils sont là pour en acheter car la ligne de production, dimensionnée pour 30000 véhicules par an, n’en débite que péniblement 500. Le résultat financier est catastrophique puisque l’amortissement des coûts fixes fait perdre 15000€ à Citroën sur chaque exemplaire vendu.

Le deuxième exemple est encore plus interpellant. Bien que Renault a annoncé près de 2 milliards d’euros de bénéfices (1 milliard venant de sa filiale Nissan), sa marge opérationnelle n’est que de 2,4%. Celle de sa filiale low-cost, Logan, est quant à elle de 6% ce qui indique que les bénéfices viennent en majorité de ses voitures low-cost (dont les ventes sont les seules à progresser d’ailleurs). Quel paradoxe !

Mon avis :

Le CEO du groupe Fiat, Sergio Marchionne, a défrayé la chronique en clamant à qui voulait l’entendre qu’en raison des surcapacités de production en Europe il n’aurait d’autres choix que de fermer des usines dans un futur proche. Pour être honnête il s’agissait d’un secret de polichinelle et il fallait avoir fait l’autruche depuis la fin des années 90 pour être surpris par cette annonce.

Ce qui serait maintenant intéressant de savoir c’est ce que feront des groupes comme PSA et Renault. Après son partenariat avec GM, PSA a l’intention de partager des composants, une mode instaurée déjà il y a bien longtemps et pas seulement par Volkswagen. Rappelez-vous du Fiat Ulysse et de la Peugeot 806. Mais que va donc faire Renault ? La marque au losange va-t-elle finir par fermer toutes ses usines françaises et ne produire que dans les pays de l’Est, nouvel eldorado d’une industrie automobile à bout de souffle ? Va-t-elle y renforcer ses capacités de production et se désengager de ses segments les moins rentables ? La troisième option que je vois serait un pari à long terme sur la voiture électrique, le programme stratégique le plus osé de Renault. Les usines françaises pourraient être maintenues sous perfusion jusqu’à ce que les modèles électriques puissent y être produits à grande échelle, tout en renforçant ses positions sur le low-cost dans les usines roumaine et marocaine du groupe. La transition serait alors toute trouvée pour les ouvriers français qui apprendraient à assembler des moteurs électriques plutôt que des moteurs à essence. L’avenir nous le dira.



Publié dans Stratégie.

Donnez votre avis

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *