1 juin 2016 901 mots, 4 min. de lecture Dernière mise à jour : 6 février 2023

Bpost / PostNL : une fusion qui vient de loin

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
La poste belge (bpost) était en négociations pour racheter son homologue néerlandais (PostNL). Bien que ce rachat soit désormais enterré, on peut s’interroger sur les raisons qui ont motivé Bpost et sur les conséquences potentielles que ce rachat / fusion […]

La poste belge (bpost) était en négociations pour racheter son homologue néerlandais (PostNL). Bien que ce rachat soit désormais enterré, on peut s’interroger sur les raisons qui ont motivé Bpost et sur les conséquences potentielles que ce rachat / fusion auraient eu pour les employés des 2 entreprises. Rappelons en outre que ces conséquences ne s’éloignent pas puisque le CEO de Bpost, Koen Van Gerven, a déclaré être à l’affût d’autres rachats.

Dans cet article, nous prenons une perspective historique sur l’évolution de Bpost et analysons 4 étapes cruciales qui selon nous ont permis d’aboutir à la situation que nous connaissons aujourd’hui. L’étape 4 est plus particulièrement consacrée aux raisons opérationnelles de cette acquisition. Nous avons d’ailleurs publié un article spécifique à ce sujet.

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Étape 1: Bpost entre en bourse

Le premier épisode de cette saga a commencé le 21 Juin 2013, lorsque bpost a été côté pour la première fois à la bourse. A cette époque, il s’agissait de la deuxième plus grande introduction (IPO ou Initial Public Offer) de l’année.

Son PDG de l’époque, Johnny Thijs, avait transformé la société moribonde en une entité très rentable en un peu plus en un peu plus de 10 ans. Les bénéfices n’ont fait que croître depuis sa prise de fonction et au moment de l’introduction, l’État belge s’est engagé à maintenir une participation majoritaire (51,01%) pour une période de 2 ans après l’introduction.

Étape 2: Bpost, une entreprise à faire du cash

Un moment très important dans l’histoire récente de bpost est la démission de Johnny Thijs. C’est sur fond de limitation des salaires des patrons d’entreprises publiques que le ministre Labille a poussé Thijs à la démission.

Peu après son départ une vague de licenciements a suivi qui n’a pas épargné les cadres supérieurs de l’entreprise (notamment le patron de la branche internationale Peter Somers licencié soudainement). Ces licenciements ont à cette époque ébranlé l’ensemble de l’entreprise dans laquelle a régné (et règne encore) un climat anxiogène entretenu par les plans de départs volontaires. Sans Thijs, Bpost est devenu une organisation purement financière dont la logique opérationnelle a été reléguée au second plan.

 

Étape 3: Garantir à l’Etat un pactole maximum

Le prix des actions Bpost a augmenté de près de 70% (de 15 € à 25 € aujourd’hui) depuis son introduction en bourse. Cette performance remarquable a été obtenue grâce à des économies très agressives, notamment une diminution importante de la main-d’œuvre. Cette stratégie axée sur les résultats financiers n’avait qu’un but : satisfaire les actionnaires et en premier lieu l’État qui est ainsi à la tête d’un pactole bienvenu en ces périodes de vaches maigres.

 

Étape 4: Rassurer les actionnaires

Le marché postal n’est pas en grande forme; la digitalisation est passée par là et le volume de courrier ne cesse de diminuer (4% par an au bas mot). Heureusement il reste un créneau porteur, celui des colis dopé par la croissance du commerce en ligne. Le marché des colis est cependant très compétitif: il y a des acteurs locaux, des entreprises globales (DHL / Deutsche Post, Fedex / TNT) et des entreprises postales qui se font concurrence entre elles.

Dans un contexte pareil, qui tient plus de l’océan rouge que de l’océan bleu, comment Bpost peut-elle assurer à ses actionnaires un futur prometteur ? Voilà bien le rôle de l’acquisition de PostNL.

Nous avons traité en détail dans un article spécifique des motivations opérationnelles derrière cette acquisition. Elles sont au nombre de 4 :

  • Se débarrasser de son plus gros concurrent
  • Acquérir le plus grand réseau de distribution des Pays-Bas et offrir de nouvelles perspectives de commerce transfrontalier à ses clients
  • Augmenter son pouvoir de négociation face aux géants du e-commerce qui n’ont de cesse de mettre les opérateurs postaux en concurrence pour compresser les coûts
  • Réaliser des économies d’échelle (au niveau des flux sortants et des flux entrants internationaux)

 

Conclusion

Quand vous replacez l’annonce de l’acquisition de PostNL par Bpost dans une perspective historique, vous vous apercevez que tout cela était prévisible. Bpost a été transformé par Johnny Thijs en une machine à cash, qui a livré des marges élevées au prix d’efforts qui ont notamment conduit à diviser le nombre d’employés par deux. Cette logique est arrivée aujourd’hui à son terme. Les rationalisations financières ont mis à mal l’excellence opérationnelle de l’entreprise (elle a d’ailleurs dû réembaucher des employés suite à un plan volontaire de départ qui a connu trop de succès, signe que tout ne va pas bien dans l’entreprise).

Les exigences des actionnaires ne peuvent être satisfaites qu’en allant chercher de la croissance et des profits ailleurs. Toutefois il n’est pas sûr que les postiers belges ne continuent pas à faire les frais de cette logique financière. Les économies d’échelle pourraient bien conduire à la relocalisation de certaines activités aux Pays-Bas. Le centre de tri de Brucargo est à notre sens le premier dans la ligne de mire.

 

Photo : Jarretera / Shutterstock.com


Publié dans Marketing, Stratégie.

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