8 septembre 2017 776 mots, 4 min. de lecture Dernière mise à jour : 27 octobre 2023

Signs of the Times : un projet artistique sur les recommandations algorithmiques

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Les recommandations ont envahi notre expérience digitale; elles n’ont jamais été aussi présentes. Mais personnes n’avaient imaginé transposer ces outils algorithmiques à un contexte hors-ligne. Deux artistes basés en Nouvelle-Zélande, Scott Kelly et Ben Polkinghorne, ont choisi de créer de […]

Les recommandations ont envahi notre expérience digitale; elles n’ont jamais été aussi présentes. Mais personnes n’avaient imaginé transposer ces outils algorithmiques à un contexte hors-ligne. Deux artistes basés en Nouvelle-Zélande, Scott Kelly et Ben Polkinghorne, ont choisi de créer de recommandation dans le monde réel.

Le résultat est une expérience qui ouvre les yeux sur l’omniprésence des algorithmes. Intitulée « Signs of the Times » (« Signes du temps » avec un jeu de mot sur « signs » qui signifie également « panneau » en anglais) cette expérience artistique replace la recommandation dans un contexte plus global qui interroge. Que ferions-nous sans les moteurs de recommandations ? Bien que la peur des bulles de filtres existe (nous avions essayé d’y apporter quelques nuances dans cet article), le constat de Reuters dans son dernier rapport sur les médias numériques est sans appel :

« Les chambres d’écho et les bulles de filtre sont sans aucun doute réelles pour certains, mais nous constatons également que, en moyenne, les utilisateurs des réseaux sociaux, des agrégateurs et des moteurs de recherche sont exposés à plus de diversité que les non-utilisateurs ».

La question de savoir si la bulle de filtres existe ou non n’est pas celle qui est posée par Scott Kelly et Ben Polkinghorne. Leur perspective artistique met en lumière l’existence même de recommandations dont la majorité des utilisateurs ignore en fait l’existence. Le manque d’éducation sur le Big Data et sur l’informatique conduit nos concitoyens à ignorer l’impact des machines dans leurs comportements numériques. Voici le vrai problème: la transparence. Non seulement les algorithmes doivent eux-mêmes être plus transparents dans leur fonctionnement, mais leur seule présence sur un site web doit également être visible pour l’utilisateur. C’est le défi de la décennie à venir.

Ben Polkinghorne a eu la gentillesse de nous accorder une interview sur « Signs of the Times ».

IntoTheMinds : Quel est le message que vous souhaitez transmettre avec votre travail?

Ben Polkinghorne : Que nous devrions être conscients des décisions prises en notre nom sans notre consentement. Ces algorithmes sont présents partout. Souvent ils sont utiles. Vous pourriez aimer ces chaussures ou vouloir regarder ce film. D’autres fois, ils sont plus dissimulés. Ils vous proposent des contenus qu’ils pensent que vous pourriez aimer, ce qui a l’effet indésirable de vous garder dans une bulle cognitive. Il convient également de souligner que le monde en ligne et hors ligne sont en train de fusionner; par exemple Alexa entre dans notre salon et Siri dans notre poche. Nous devons faire attention.

Dans le même temps, nous n’essayons pas de faire peur. Nous pensons juste qu’une observation ponctuelle devait être faite.

ITM : Les recommandations sont-elles nécessairement mauvaises?

BP : Vous pourriez argumenter que les armes à feu ne sont pas mauvaises. Cela dépend de ceux qui les utilisent et dans quel but. Sur le plan personnel, les recommandations ont enrichi nos vies respectives. Nous imaginons qu’elles continueront à le faire. C’est juste quelque chose à prendre en compte, que nos décisions commencent à être prises en notre nom. Ce n’est peut-être pas effrayant maintenant, mais qu’adviendra-t-il dans environ 10 ans? Aurons-nous encore notre mot à dire ou les algorithmes nous dicteront-ils ce que nous voudrons faire ?

ITM : Dans votre travail, les recommandations ne cachent pas la « Big Picture » comme on dit an anglais. Elle ne sont qu’un élément mineur du paysage. Votre travail est-il un manifeste contre la prédominance des recommandations en ligne ? Aimeriez-vous que les recommandations prennent moins de place sur les sites web ?

BP : C’est difficile à dire. Parfois, les recommandations peuvent être vraiment utiles. D’autres fois, elles sont un obstacle. Tout est fonction du contexte. Si je veux acheter un acheter un éplucheur de pommes de terre pourquoi essayer de me vendre un batteur à oeufs ?

ITM : Si vous pouviez modifier la façon dont les recommandations en ligne fonctionnent, que feriez-vous ?

BP : Les recommandations pourraient être associées au profil social des personnes qui ont acheté les choses qui sont recommandées ? Qui sont ces gens ? Frank du Michigan ? Kylie de Sydney ? Ces algorithmes sont basés sur des données. Pourquoi ne pas soulever le voile sur ces données et révéler les informations brutes ? Nous espérons que M. Bezos ne lise pas cela car ce n’est pas nécessairement une bonne chose, mais ce serait un développement intéressant.

Jeff, tu es là ? Nous aimerions savoir si tu as vu notre projet.

 

 

Images : copyrights Scott Kelly et Ben Polkinghorne



Publié dans Data et IT.

Donnez votre avis

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *