4 janvier 2017 1045 mots, 5 min. de lecture Dernière mise à jour : 13 mars 2020

Satisfaction client, expérience client et Big Data : quels liens ?

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
L’amélioration de l’expérience client est la priorité n°1 des dirigeants d’entreprises (voir Lemon et Verhoef 2016). Dans le même temps le Big Data est à l’agenda de toutes les grandes sociétés. Comment le Big Data peut-il contribuer à créer une […]

L’amélioration de l’expérience client est la priorité n°1 des dirigeants d’entreprises (voir Lemon et Verhoef 2016). Dans le même temps le Big Data est à l’agenda de toutes les grandes sociétés. Comment le Big Data peut-il contribuer à créer une expérience client qui assurera la rétention des clients ?
Tel le sujet de l’article d’aujourd’hui où nous remettrons en question l’utilité de Big Data dans le monde  numérique d’aujourd’hui (oui, nous oserons le faire!).

Qu’est-ce que l’expérience client ?

Nous n’allons pas inventer une définition de plus de l’expérience client. Il y en a déjà assez. Nous allons plutôt reprendre la définition donnée par deux éminents scientifiques : Katherine Lemon (Boston College) et Peter Verhoef (Université de Groningue) dans le dernier numéro du Journal of Marketing, la revue académique de référence en matière de marketing. Dans leur article, Lemon et Verhoef (2016) soutiennent que

«l’expérience globale du client est un construit multidimensionnel qui fait intervenir des composantes cognitives, émotionnelles, comportementales, sensorielles et sociales».

(en anglais dans le texte «  »the total customer experience is a multi-dimensional construct that involves cognitive, emotional, behavioral, sensorial and social components ».

L’expérience client ne démarre donc, ni ne s’arrête avec l’acte d’achat du produit ou du service. L’expérience client est un parcours qui commence bien avant l’achat et finit bien après.

Que sait-on sur la satisfaction client en 2020 ?

La satisfaction client est une des thématiques qui a fait l’objet du plus de recherches en marketing depuis les années 1970. Nous avons voulu faire un point précis sur le sujet et avons convié Moshe Davidow, un des chercheurs les plus connus dans ce domaine, pour un podcast (en anglais). Retrouvez-le dans le podcast ci-dessous. Il vous y explique l’origine des recherches sur la satisfaction, l’état actuel des recherches et la montée en puissance de construits comme la fidélisation client et l’expérience client.

L’expérience client peut-elle être mesurée ?

Lemon et Verhoef expliquent qu’il n’existe pas d’échelle d’expérience client validée (voir également notre dernier billet sur le sujet). Par conséquent, seule une mesure partielle est possible. Certaines entreprises se concentreront sur l’expérience de marque, d’autres sur la satisfaction, la fidélisation ou le bouche-à-oreille, d’autres encore sur la qualité du service.
Les progrès récents dans le domaine ont conduit à mesurer des aspects particuliers de l’expérience client. Klaus et Maklan (2013) proposent par exemple de diviser l’expérience client en 4 construits : la «tranquillité d’esprit», les «moments de vérité», le «focus sur les résultats» et l’«expérience du produit».
Une chose est claire toutefois. La «voix du client» est la seule façon, à ce jour, d’obtenir une mesure des dimensions complexes à l’œuvre dans la construction de l’expérience client. En d’autres termes le client doit avoir droit à la parole et son feedback explicite doit être collecté.
Cela étant dit, comment satisfaction client et expérience client s’articulent-elles avec les objectifs que les technologies Big Data permettent d’atteindre ?

Le Big Data est repose sur la production de données

Les technologies Big Data s’appuient sur l’analyse et l’exploitation des corrélations entre les signaux et les traces laissées par les utilisateurs. Aujourd’hui, la plupart de ces signaux et des pistes sont de nature implicite, comme nous l’avons expliqué dans un autre article.
Comme le dit Antoinette Rouvroy (2013):

« [dans le traitement Big Data] chaque élément est ramené à sa nature la plus brute, c’est-à-dire être tout à la fois abstrait du contexte dans lequel il est survenu et réduit à « de la donnée ». Une donnée n’est plus qu’un signal expurgé de toute signification propre – et c’est bien sûr à ce titre que nous tolérons de laisser ces traces, mais c’est aussi ce qui semble assurer leur prétention à la plus parfaite objectivité : aussi hétérogènes, aussi peu intentionnées, tellement matérielles et si peu subjectives, de telles données ne peuvent mentir ! »

Étant donné que les améliorations apportées à la modélisation Big Data reposent sur la quantité de données et que les capacités de stockage des données sont devenues sans limite, le premier défi à relever pour les entreprises est de produire des données. Si la production de données est devenue une priorité, la question essentielle à se poser est de savoir si les comportements humains peuvent toujours être transformés en données, si un signal peut être produit en toutes circonstances (voir d’ailleurs l’article que nous avions consacré à la mesure « hormonale » de la satisfaction client).

Conclusion: Le Big Data peut-il être utilisé pour mesurer ou améliorer l’expérience client?

Je pense sincèrement que le « Big Data » est inutile si vous voulez mesurer ou améliorer l’expérience client. Comme nous l’avons vu plus haut, l’expérience client est multisensorielle et nécessite, si l’on veut la mesurer, d’utiliser des échelles de perception (encore faut-il que ces échelles existent et soient validées).
Pour que ces échelles de perception produisent des résultats, les clients doivent être interrogés. Leur feedback explicite est nécessaire. Or, le Big Data repose essentiellement sur des données implicites, faciles et peu coûteuses à collecter. Un premier problème se pose donc.
Pour finir, aucune donnée implicite ne peut être recueillie de manière fiable sur les émotions ou les sens. On devra toujours compter sur des « proxys », c’est-à-dire sur une mesure indirecte essayant d’approximer un construit complexe.
Pour toutes ces raisons j’estime que le Big Data n’ait utilisé aujourd’hui que dans une perspective court-termiste. Les vrais défis des entreprises ne peuvent pas être être résolus avec le Big Data seulement; un savant mix de recherche qualitative, conduisant à une modélisation raisonnée et raisonnable teintée d’éthique sont plus que jamais nécessaires. Le Big Data réduit aux considérations statistiques n’a pas d’avenir.

image : shutterstock



Publié dans Data et IT, Marketing, Recherche.

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