2 septembre 2016 751 mots, 4 min. de lecture

Réinventons les moteurs de recommandations

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Les moteurs de recommandation (une série d’algorithmes visant à cibler ce que vous aimeriez voir /acheter / …) sont partout. Ils sont une des émanations du Big Data et vous les utilisez sans le savoir. Le premier moteur de recommandation […]

Les moteurs de recommandation (une série d’algorithmes visant à cibler ce que vous aimeriez voir /acheter / …) sont partout. Ils sont une des émanations du Big Data et vous les utilisez sans le savoir.
Le premier moteur de recommandation est en fait Google (ou tout autre moteur de recherche) dont le but est de vous recommander le contenu le plus pertinent parmi des millions (sinon milliards) de pages possibles.

Ces algorithmes de recommandation font des choix pour vous et excluent de facto le contenu de nombreuses pages qui auraient pu être intéressantes pour vous (êtes-vous déjà allé plus loin que la première page des résultats fournis par Google?). Ces algorithmes agissent donc comme des filtres et en raison des choix qu’ils nous imposent a été inventé le terme de «bulle de filtres» pour décrire à quel point notre liberté est contraintes par ces mécanismes algorithmiques. Nous sommes comme pris au piège dans une bulle.

Dans le billet d’aujourd’hui, nous développons ce sujet et proposons de nouvelles solutions pour échapper aux bulles de filtre.

Décider du niveau de sérendipité

La sérendipité est définie comme

« La faculté de faire des découvertes heureuses par accident »

Dans un monde où l’information est poussée vers nous par des algorithmes, la probabilité de faire ces « découvertes heureuses » diminue. Les moteurs de recommandation fondent en effet leurs recommandations sur des comportements passés, ce qui conduit à maintenir le même type de consommation avec parfois des conséquences alarmantes.

Notre proposition est donc de laisser l’utilisateur décider lui-même du niveau de recommandations qu’il souhaite obtenir, plutôt que de les lui imposer par le biais d’un processus totalement opaque. Étonnamment, après avoir lu très récemment le livre d’Eli Pariser, j’ai découvert qu’il  y proposait une idée très similaire :

« Google ou Facebook pourraient placer un curseur sur une échelle s’étalant de +seulement les choses que j’aime+ à +sujets que d’autres personnes aiment et que je vais probablement détester+ »

Voici exactement le système dont nous rêvons. Un curseur qui (re)donnerait le contrôle à l’utilisateur et lui laisserait choisir la quantité de recommandations qu’il veut voir. Moins vous demandez de recommandations plus la probabilité de découvrir de nouveaux contenus augmente (à ce propos n’oubliez pas de consulter cet article que nous avons consacré à la visibilité des opinions politiques divergentes sur Facebook).

Proposer le contraire

Une option encore plus radicale serait de proposer à l’utilisateur l’opposé de ce qui lui serait habituellement recommandé. Évidemment cela ne s’applique pas aux produits tangibles (qui aimeraient qu’on lui recommande quelque chose dont il n’a aucun besoin), mais plutôt aux contenus (articles, vidéos, podcasts), secteur où les moteurs de recommandations sont d’une importance capitale.

Nous imaginons un écran partagé en deux moitiés : sur le côté gauche les contenus qui seraient naturellement recommandés en fonction de votre profil de consommation ou sur celui de vos pairs (filtrage collaboratif); et sur le côté droit de l’écran des contenus auxquels vous n’auriez normalement pas été exposé à cause de votre profil.

Conclusion

Il n’y a aucune discussion sur le fait que les moteurs de recommandation sont les alliés des stratégies marketing modernes. Pensez seulement à tout ce qu’Amazon et autres e-commerçants parviennent à vous vendre grâce à leurs recommandations.

De plus en plus de préoccupations se font cependant entendre sur les conséquences négatives des algorithmes de recommandation et du Big Data en général. La perte de liberté est par exemple un sujet que nous avons déjà traité ici. Dans ce contexte, promouvoir la sérendipité est essentiel pour atteindre les objectifs libertaires que promettait l’Internet des années 90 (et qui semble être aujourd’hui, à bien des égards, un paradis perdu). La sérendipité (les découvertes heureuses) et la curiosité sont en fait les deux faces d’une même médaille. Si vous ne cherchez rien, les heureuses découvertes sont improbables. Il est donc essentiel de promouvoir également la curiosité.

Les médias ont besoin d’aiguiser cette curiosité, doivent réveiller la bonne curiosité que le philosophe Hume décrivait comme «l’amour de la connaissance». La connaissance et la culture sont les seuls remèdes aux menaces qui pèsent actuellement sur nos démocraties et menacent nos sociétés.



Publié dans Data et IT, Marketing.

1 commentaire

  1. Article intéressant!

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