17 juin 2019 1106 mots, 5 min. de lecture

EMAC 2019 : 5 axes de recherche marketing sur la publicité ciblée

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Lors de la conférence EMAC de cette année à Hambourg, j’ai été invité par les professeurs Bernd Skiera et Klaus Miller (tous deux affiliés à l’Université de Francfort, Allemagne) à partager mes réflexions sur la recherche marketing en matière de […]

Lors de la conférence EMAC de cette année à Hambourg, j’ai été invité par les professeurs Bernd Skiera et Klaus Miller (tous deux affiliés à l’Université de Francfort, Allemagne) à partager mes réflexions sur la recherche marketing en matière de publicité en ligne et en particulier à mettre en valeur l’articulation entre cette dernière et le respect de la vie privée.  
Dans l’article d’aujourd’hui, je mets ma présentation à disposition et développe plus avant mes réflexions dans l’espoir qu’elles aideront les universitaires à trouver de nouvelles voies intéressantes pour leurs études futures.

Publicité en ligne : que de choses se sont passées depuis 1994

La première publicité en ligne (pour AT&T) a fait son apparition en octobre 1994 et le but qu’elle affichait était explicitement de faire cliquer les visiteurs (c’est ce qui était marqué dessus). Et il semble que cela ait fonctionné (la nouveauté du procédé a suscité la curiosité et on ne reverra pas de sitôt un taux de clics aussi élevé). Depuis 1994 il faut bien dire que la publicité en ligne a bien évolué, passant d’une publicité pour tous à une publicité ciblée à la faveur d’une diminution des coûts de stockage et de processing. Les données sont désormais collectées partout sur tout le monde, réconciliées et partagées entre de gigantesques plate-formes de gestion de données nommées DMP pour « Data Management Platforms » qui comptent parfois des informations sur des centaines de millions de personnes (Adobe affirme que sa DMP contient plus d’un milliard d’utilisateurs).

Focus sur la publicité vidéo

Les bannières, dont le contenu est aujourd’hui adapté au profil de l’utilisateur sur la base de données partagées via les DMP, restent la principale forme de publicité ciblée aujourd’hui. La question que je me suis posée est la suivante : la disponibilité des données ne serait-elle pas le moteur de la majeure partie de la recherche scientifique dans ce domaine au détriment d’objets d’études plus pertinents mais dont les données seraient moins accessibles. La question demeure donc de savoir si la disponibilité des données doit guider la recherche scientifique ou si les chercheurs doivent se concentrer sur ce qui déterminera les comportements futurs.

Recherches futures en matière de publicité en ligne

Dans mon intervention je suis revenu sur 5 pistes de recherche qui me semblent prometteuses pour la publicité en ligne.

Publicité ciblée et satisfaction des utilisateurs

Une augmentation de la satisfaction des utilisateurs est souvent citée par les professionnels du secteur pour justifier l’introduction de la publicité ciblée. Mais que savons-nous vraiment sur cette fameuse satisfaction client ? Pas grand-chose au final et c’est pour cela qu’il s’agit d’un axe de recherche très prometteur dont les implications théoriques et managériales sont multiples. Il existe bien quelques études qui montrent que les utilisateurs auraient tendance à préférer la publicité ciblée à la publicité non ciblée. Dans leur excellent travail, Zhu et Hang (2016), par exemple, ont montré que la perception des utilisateurs de la pertinence de la publicité était effectivement corrélée à une utilisation accrue. En d’autres termes, la personnalisation de la publicité semble augmenter la « satisfaction ». Cependant, la réalité est plus complexe et plus nuancée que cela (et les professionnels du secteur mettent ces nuances de côté). La première nuance est que l’utilisation accrue est négativement affectée par la perception d’atteinte à la vie privée provoquée par la publicité ciblée (voir les résultats ci-dessous). Pour faire de la publicité ciblée il faut en effet récolter des données sur l’utilisateur en question. Deuxièmement, les résultats ont été obtenus dans un cadre quelque peu « artificiel » et, malgré leur intérêt, devraient être confirmés dans des conditions réelles.

Résultats obtenus par Zhou et Hang (2016) sur la satisfaction par rapport à la publicité ciblée

Publicité ciblée et protection de la vie privée

Poursuivant le point précédent sur la satisfaction des utilisateurs, nous arrivons sur un deuxième axe de recherche prometteur : la vie privée. Un meilleur ciblage ne peut être atteint qu’avec plus de données. Il y a donc une sorte de compromis à faire entre le respect de la vie privée et la « précision » du ciblage. Ce compromis doit être étudié et le modèle proposé par Zhou et Hang (2016) doit être testé dans d’autres conditions. Je pense que ceci est d’autant plus logique à l’heure des alliances entre entreprises de toutes sortes pour partager les données de leurs utilisateurs. Nous avons ainsi parlé la semaine dernière de la Belgian Data Alliance qui va partager des données sur des millions d’utilisateurs en Belgique afin de faire de la publicité ciblée.

Quels indicateurs de performance clés pour la publicité vidéo ?

L’avenir de la publicité est dans les vidéos. Cependant, la plupart des recherches académiques se concentrent encore sur la publicité « statique » (bannières) et le principal indicateur de performance utilisé est le CTR (Click-Through-Rate). La recherche universitaire doit se concentrer davantage sur la publicité vidéo et proposer de nouveaux indicateurs de performance pour, par exemple, être capable d’inférer la satisfaction des utilisateurs.

Efficacité de la publicité vidéo en contexte

Pour poursuivre sur les idées développées dans le paragraphe précédent, la définition de nouveaux indicateurs de performance clés liés à la vidéo permettra de mesurer l’efficacité de la publicité vidéo ciblée. Mais cette efficacité doit être mesurée et analysée en fonction du contexte, c’est-à-dire en tenant compte de la vidéo même à laquelle la publicité est « attachée » (que ce soit avant, après ou pendant la vidéo). Certains types de contenus déterminent la manière dont les publicités sont vues. Les séries ont par exemple un pouvoir d’attraction élevé qui empêche les utilisateurs de décrocher malgré la publicité. Il est donc crucial de comprendre le contexte avant de tirer des conclusions.

Utilisation des métadonnées

Enfin, mieux comprendre le contexte impliquera nécessairement plus de métadonnées, ce qui généralement un problème chez les producteurs de contenus et par ricochet pour les plateformes de diffusion de vidéos. J’incite les chercheurs en marketing à initier ou renforcer leurs liens avec les chercheurs spécialisés en NLP (Natural Language Processing) afin d’obtenir une meilleure catégorisation des contenus vidéo grâce à aux algorithmes.



Publié dans Recherche.

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