11 décembre 2019 800 mots, 4 min. de lecture Dernière mise à jour : 15 mars 2022

Chez Sephora on peut faire son shopping sans être dérangé

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Le consommateur devient de plus en plus indépendant et a de moins en moins besoin des vendeurs pour ses achats. Sephora l’a bien compris qui a même mis au point un système ingénieux pour que les clients ne soient pas […]

Le consommateur devient de plus en plus indépendant et a de moins en moins besoin des vendeurs pour ses achats. Sephora l’a bien compris qui a même mis au point un système ingénieux pour que les clients ne soient pas dérangés pendant leurs courses. C’est un peu paradoxal puisque cela va à l’encontre de la plupart des croyances en la matière, qui veulent que le contact entre les vendeurs et les clients facilitent les ventes. Mais il faut bien avouer que les comportements changent.  Est-il venu le temps où les vendeurs seront superflus ?

Sommaire

Un consommateur de plus en plus autonome

La digitalisation a émancipé le consommateur. Le smartphone est devenu un conseiller distant, fidèle, derrière lequel se réfugier pour faire face à toutes les situations nouvelles. Que ce soit pour choisir un restaurant, vérifier un prix ou se décider offline pour acheter online (le showrooming), le smartphone est devenu un allié. Bien plus exhaustif et bien moins partisan que les vendeurs, il est privilégié dans de nombreuses situations et permet aux consommateurs de faire leurs choix. Il participe en outre de la transformation du secteur du retail, soumis à une pression sur les marges. Il permet en effet de remplacer les vendeurs et facilite la généralisation des parcours clients autonomes.
De fait les caissières disparaissent au profit des solutions de self-scanning, et les magasins autonomes se développent (comme par exemple Amazon Go). Le contact humain en points de vente disparaît donc progressivement et les clients ne semblent pas s’en plaindre. Le personnel du point de vente est souvent vu comme un facteur ralentissant l’acte d’achat. Le consommateur en recherche d’efficacité va donc naturellement éviter les vendeurs. 

La bonne idée de Séphora

Cette recherche d’autonomie et d’efficacité, le rejet de la pression du vendeur, sont sans doute quelques-uns des facteurs qui ont poussé Sephora à innover. La photo prise par une abonnée twitter dans un magasin Sephora non identifié (voir ci-dessous), montre deux sortes de paniers : les paniers rouges signalent aux vendeurs que vous souhaitez être assisté(e), les noirs que vous souhaitez faire votre shopping sans être dérangé(e). Ce faisant Sephora répond clairement à un besoin d’une certaine catégorie de clients (voir notamment l’analyse ci-dessous) mais pose une autre série de questions. En effet, ce système enlève toute liberté d’initiative aux vendeurs qui se trouvent donc pénalisés. Sans exagérer, on peut même estimer que le choix imposé au client soumet aussi le vendeur, qui perd ainsi une partie de sa raison d’être.


D’autres initiatives similaires ?

paniers innisfree à SingapourInnisfree, une chaîne de produits de beauté coréens, a semble-t-il précédé Sephora puisque dès 2016 une photo apparaissait sur Reddit montrant une initiative similaire.


Études marketing : le point sur les attentes du consommateur en point de vente

Delacroix et Guillard (2016) ont réalisé une étude qualitative (17 interviews en profondeur) qui révèlent plusieurs types de situations engendrant l’anxiété du consommateur :
proximité physique avec le personnel de vente (notamment si un contact physique se produit)
longueur des échanges
répétition des interactions conduisant à une plus grande proximité
nouveaux environnements pour lesquels les codes ne sont pas encore acquis (pensez par exemple à une salle de sport dans laquelle vous vous rendez pour la première fois)
Delcroix et Guillard parlent également d’un « coût relationnel » lors de la rencontre d’un vendeur et d’une préférence, pour les clients souffrant d’anxiété sociale, de relations neutres et distantes.
D’autres études, comme celle de Musgrove (2011), ont investigué des situations particulières au sein des points de vente. Ainsi la présence de vendeurs à l’entrée d’un magasin fait s’exercer un sentiment de pression sur les clients qui entrent. Le plaisir et l’excitation des clients s’en trouvent négativement affectées. L’étude de Musgrove est une thèse de doctorat complète sur le sujet. Elle est en libre accès e nous l’incluons ci-dessous pour ceux qui voudraient approfondir ce sujet.
Enfin Haas et Kenning (2014) ont étudié un modèle comportemental plus général, dans lequel la consultation du vendeur par le client repose sur des éléments situationnels et des éléments individuels. Ils donnent ainsi une image claire de ce qui pousse le client à aller vers le vendeur.

 

Hailers-retail salespeople- approach-avoidance reaction-musgrove


Publié dans Marketing.

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