22 février 2017 929 mots, 4 min. de lecture

A quand le crash du marché de l’IoT (Internet of Things) ?

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
J’ai assisté au premier jour de l’Unconvention à Bruxelles en janvier et ce que j’y ai vu et entendu m’a fait réfléchir sur à la vraie valeur de l’innovation, celle que les consommateurs retirent de l’utilisation de produits et services […]

J’ai assisté au premier jour de l’Unconvention à Bruxelles en janvier et ce que j’y ai vu et entendu m’a fait réfléchir sur à la vraie valeur de l’innovation, celle que les consommateurs retirent de l’utilisation de produits et services qui se disent innovants.

Porto, smart city ultra connectée 

Lors de la keynote un des intervenants présentait un projet IoT (Internet of Things) à Porto où des capteurs ont été mis en place un peu partout pour rendre la gestion de la ville plus efficace et la vie urbaine plus agréable.
Par exemple des capteurs mesurent les émissions polluantes (ozone et CO2) et se connectent au wifi des bus pour envoyer les données collectées. Plus de 100 containers à ordure sont équipés de capteurs afin d’y détecter le niveau des déchets et aider les autorités à optimiser les trajets des camions effectuant le ramassage. Ces capteurs envoient 722 Mb de données chaque jour.

Des capteurs pour quoi faire ?

Ça a l’air formidable n’est-ce pas ? Que de progrès. Une ville intelligente (« smart city »), pleine de capteurs interconnectés qui permettent une gestion plus efficace et de meilleures conditions de vie. Eh bien, pour moi le terme « smart city » n’est qu’un mot à la mode de plus, un buzzword comme « IoT » (Internet des objets) et « Big Data » peuvent l’être. Beaucoup clament en être des spécialistes, certaines les réclament, mais en réalité personne ne sait vraiment comment créer de la valeur pour le citoyen ou pour le consommateur. Bien sûr, il y a des exceptions. Certains types de capteurs sont vraiment utiles et ont été massivement adoptés (les détecteurs de fumée, par exemple) mais regardons la vérité en face. La plupart des capteurs aujourd’hui font partie d’applications qui ne contribuent que marginalement à la création de valeur pour l’utilisateur. Tout au plus cela concerne-t-il quelques rares technophiles pionniers.

L’IoT crée-t-il vraiment de la valeur pour l’utilisateur final ?

Alors revenons au Portugal à notre bonne ville de Porto. Voici quelques questions que je me suis posées lors de la présentation.
La théorie est séduisante, le cas d’utilisation très attrayant, mais quelle est la valeur nette ajoutée par cette débauche de technologie ? Ces capteurs par milliers, tous interconnectés, vont-ils au final créer plus de valeur qu’ils n’en détruiront ? Pourquoi ne pas faire plus confiance aux habitudes humaines et au bon sens plutôt que d’essayer de tout automatiser ? L’humain est-il si mauvais que ça ?

Au final il faut se rendre compte que tout a un coût. Cette abondance de technologie a un coût que la communauté devra supporter: le matériel, les logiciels, les efforts de R&D, l’entretien de systèmes informatisés aussi complexes. Ne pensez-vous pas que nous courrons le risque de gâcher l’argent public pour un résultat bien mince au final ? Ne risquons-nous de n’optimiser que marginalement quelque chose qui fonctionne déjà bien ? Quelle différence y aura-t-il entre un camion qui ramasse une poubelle à moitié ou à 3/4 pleine ?

Les objets connectés : l’hécatombe des innovations sans valeur

Le cas de Porto, une ville qui se rêve en « smart city » modèle, est symptomatique du manque d’attention que les innovateurs consacrent à la valeur nette ajoutée par la technologie en général et par l’IoT en particulier. La plupart des objets connectés sont voués à l’échec. GfK avait prédit que chaque foyer comprendrait 30 objets connectés à l’horizon 2020 et Gartner, dans sa grande boule de cristal, voyait 26 milliards d’objets connectés en 2020. Tout faux. La plupart des objets connectés sur le marché aujourd’hui répondent aux micro-besoins de micro-segments; ils sont créés par des geeks et des nerds qui oublient d’optimiser leurs coûts pour vendre leurs produits et manque d’expérience marketing. Qui a vraiment besoin d’objets connectés à 200 € qui finiront de toute façon dans un tiroir après quelques semaines. Le seul produit dont l’utilisation est aujourd’hui bien ancrée est la montre connectée ; et même dans cette catégorie les ventes sont décevantes. Elle est loin d’être un produit de masse. Et elle ne le sera pas tant qu’elle ne pourra pas vivre sa vie sans être en permanence reliée à un smartphone.
Si on ajouter les problèmes de sécurité des objets connectés (où leur absence totale de sécurité c’est selon) vous comprenez pourquoi nous sommes encore très loin d’un marché de masse.

Conclusion

Le marché de l’IOT et des objets connectés est une caverne d’Alibaba remplie de produits inutiles qui peinent à séduire même les plus précoces des « early adopters« . Ces produits échouent, comme échoueront les premières tentatives de créer des villes intelligentes ultra-connectées, parce la valeur nette créée est faible voire négative.
Tout ceci n’est qu’une chimère technologique, un rêve que des techno-entrepreneurs essayent de « vendre » aux adopteurs les plus précoces et à certains investisseurs naïfs comme aux plus belles heures de la bullet Internet.
Donnons-nous rendez-vous en 2020 et voyons si les prévisions des GfK et Gartner se sont réalisées. En attendant, si vous voulez vraiment créer quelque chose de valable pour l’utilisateur final, mettez toutes les chances de votre côté et faites une étude de marché.

Image : shutterstock



Publié dans Innovation, Marketing.

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