19 octobre 2018 1188 mots, 5 min. de lecture

Trocotel : une entreprise lancée pour résoudre l’insatisfaction client

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Le site Trocotel est une plateforme participative créée par Etienne Merlo et Jérôme Rouvront, tous deux ex-salariés du groupe Accor. Nous sommes allés interviewer Etienne Merlo afin de comprendre les motivations ayant permis la création de ce site. L’idée de […]

Le site Trocotel est une plateforme participative créée par Etienne Merlo et Jérôme Rouvront, tous deux ex-salariés du groupe Accor. Nous sommes allés interviewer Etienne Merlo afin de comprendre les motivations ayant permis la création de ce site.

L’idée de Trocotel vient d’un constat de terrain

Ces deux salariés étaient chaque jour confrontés au mécontentement de nombreux clients ayant réservé chez Accor mais qui, en raison d’un impondérable, ne pouvaient pas profiter de leur réservation. Les conditions générales de vente (CGV) ne leur permettaient pas d’obtenir un remboursement ou un dédommagement, source donc d’insatisfaction et de frustration se déversant sur les réseaux sociaux. L’image du groupe en prenait un coup. L’idée de Trocotel vient donc de la nécessité de trouver une solution à ce problème.

Comment l’insatisfaction client était-elle gérée avant Trocotel ?

Etienne et Jérôme ont tenté de trouver des solutions alternatives permettant aux clients de ne pas tout perdre et cela sans nuire au groupe. Les « astuces » en question consistaient à demander au client de conserver sa réservation mais de la reporter, éventuellement avec surcoût, mais également de proposer à un ami ou un proche d’en profiter en changeant le nom sur la réservation. Ce concept n’a jamais pu être discuté avec le groupe Accor qui restait inflexible sur ses CGV. Force est de constater également que nombre de clients ne lisent pas les contrats qu’ils signent et se retrouvent ainsi de fait confrontés à ces difficultés.

Le taux de succès de ces deux astuces restait tout de même limité, car trouver un ami ou un proche susceptible de vous remplacer au pied levé est assez difficile. Le décalage dans le temps de la réservation était plus efficace mais avec des contraintes de remplissage des hôtels et des prix qui pouvaient fortement augmenter, ce qui pouvait ne pas satisfaire non plus forcément le client.

Donner ou vendre sa réservation à un ami : l’idée du site était née.

Comment passer d’un constat de terrain (insatisfaction des clients) à une solution pratique : étude de marché ou pas ?

Nos deux cofondateurs avaient déjà une affaire dans la publicité papier qu’ils ont revendue pour passer sur un concept web.

L’idée initiale consistait en  un blog sur lequel les membres pouvaient indiquer avoir une réservation devenue inutilisable et ainsi la proposer à d’autres en recherche de nuitées. Cette solution devait donc passer par une plateforme web, celle-ci permettant de passer du blog dans lequel les gens pouvaient mettre des petites annonces vers un véritable site de partage.

Une version très light de ce site a permis de tester l’accueil et la capacité du produit à intéresser et à pouvoir se développer. On peut donc considérer que c’est cette phase de test  qui a servi d’étude de marché pour la France, pour un coût assez faible mais permettant néanmoins d’avoir une bonne estimation de la demande et de l’intérêt des utilisateurs pour ce concept.

A retenir

Une étude de marché peut se faire dans des conditions réelles en mettant une version prototype à disposition des utilisateurs et en observant leurs réactions.

Cependant, faire évoluer le site requérait des données importantes, celles des volumes des réservations non remboursables perdues chaque année par les clients. Les statistiques de l’INSEE et celles fournies par les groupes hôteliers réservées aux professionnels ont permis de voir que cela représentait environ 1,8 millions de nuitées par an. Sachant qu’en 2014 un seul autre site proposait de revendre sa réservation à un autre membre de la communauté, le volume semblait suffisant pour qu’une entreprise rentable puisse être montée.

Un procès avec Accor et des moments difficiles à traverser

Le site Accor, face à une problématique à laquelle ils n’avaient jamais pu trouver de solution, a tout d’abord décidé de modifier ses CGV pour en exclure les réservations venant de Trocotel, puis a ensuite intenté un procès auprès du tribunal de commerce.

La procédure a été courte et le groupe Accor a perdu face aux arguments de Trocotel, ce qui fait maintenant jurisprudence. Etienne Merlo porte un regard positif sur cette affaire car elle a montré que le concept de Trocotel intéressait les grands groupes, validant en cela le business model.

Le groupe Accor (qui n’a pas fait appel) a rencontré les dirigeants de Trocotel après le procès pour étudier les pistes de collaboration, notamment pour faire face à AirBnB.

Les prochaines étapes du développement de Trocotel. Le risque de concurrence

Nous avons interrogé Etienne Merlo sur le risque d’intégration de ce concept par les grandes plateformes de réservations comme Booking.com.

Etienne considère que ces plateformes ne peuvent se permettre légalement ce genre de proposition, car le statut d’éditeur et celui d’hébergeur ne sont pas nécessairement compatibles d’un point de vue juridique (Leboncoin en a d’ailleurs fait l’amère expérience, ce qui lui a d’ailleurs valu une condamnation), leur business model étant basé sur d’importantes commissions perçues auprès des hôtels affiliés. Un risque important pourrait venir d’une start-up voulant se lancer sur ce créneau.

Le fait d’avoir 4 ans d’existence rend Etienne confiant sur la croissance de Trocotel. Il juge toutefois que la concurrence serait bénéfique, témoignant par-là de l’intérêt du marché pour ce nouveau modèle de transaction.

Les prochaines étapes du développement de Trocotel

Maintenant que le concept est connu des hôteliers français, Etienne Merlo envisage de pouvoir proposer la plateforme en test à l’étranger, en Europe notamment, où le concept n’est pas pourvu. Un concurrent américain existe mais n’a pas forcément vocation à attaquer le marché européen.

Grâce aux médias, une publicité importante a été faite autour de Trocotel. L’émission Capital  a notamment généré une augmentation importante des inscriptions. Certains sites tels LeBoncoin sont désormais intéressés par une collaboration avec Trocotel, ce qui montre que certains acteurs du web, déjà fortement implantés, reconnaissent l’importance du marché et envisagent de proposer cette solution sur leur site. Trocotel se dirige donc vers des partenariats avec des sociétés telles que celle-ci.

L’obtention de 15 à 20% du volume de réservations non remboursables en France par an constitue l’ambition d’Etienne Merlo.

Chiffres-clés

Trocotel a fait 5,5 M€ de CA en 2017 en transformant 50 à 55% des réservations qui se revendaient sur la plateforme. L’objectif à moyen-terme est de doubler ou tripler ce chiffre pour atteindre 2 à 2,5 millions d’utilisateurs d’ici 3 ans, croissance soutenue par l’amélioration de l’interface utilisateur.

Crédits photo : avec l’aimable autorisation de Trocotel



Publié dans Entrepreneuriat.

Donnez votre avis

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *