30 octobre 2017 840 mots, 4 min. de lecture

Stratégie marketing : quel rôle pour la ferme urbaine de Delhaize

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Les supermarchés Delhaize sont connus pour une stratégie marketing basée sur la différenciation : ils proposent des produits plus haut de gamme et un assortiment plus large que leurs concurrents. C’est l’ADN de Delhaize. Delhaize a également investi depuis plusieurs […]

Les supermarchés Delhaize sont connus pour une stratégie marketing basée sur la différenciation : ils proposent des produits plus haut de gamme et un assortiment plus large que leurs concurrents. C’est l’ADN de Delhaize.
Delhaize a également investi depuis plusieurs années dans son image de marque et essaye de se positionner comme une marque respectueuse de l’environnement. L’ouverture de sa ferme urbaine (« Urban Farm ») sur le toit du Delhaize Boondael (Bruxelles) est une des pierres angulaires de cette stratégie (voir également leur expérience, moins heureuse, du Cube il y a quelques années).
J’ai eu le plaisir d’être invité par Delhaize pour visiter cette ferme urbaine et j’ai vraiment adoré.

360 m² dédiés à la production locale

Le 18 Octobre 2017 Delhaize a annoncé l’ouverture de sa ferme urbaine (Urban Farm) dans un quartier résidentiel du sud de Bruxelles.
Un an de travail a été nécessaire à l’équipe de Delhaize pour réaliser concrètement ce projet (sans compter le travail en amont pour toutes les formalités administratives).
Le potager urbain installé sur le toit du magasin de Boondael permet de cultiver des légumes sur 360m² qui sont alors disponibles en circuit court, vendus à des prix qui se situent entre ceux des produits classiques et ceux du bio.

La question du retour sur investissement

Voici la question que personne ne veut se poser. Pourtant elle est importante. Alors, comment Delhaize va-t-il rentabiliser cet investissement ? Je vois trois façons de réaliser cette analyse.

1) la perspective produit

Les légumes produits sont vendus en magasin. Lors de ma visite seule les salades étaient en vente à 0,99€ pour 70 grammes. Même avec 360 m² de production, vous réaliserez rapidement que cela n’est guère rentable compte tenu de l’investissement initial. La responsable presse de Delhaize m’a fait savoir qu’il était prévu de produire d’autres types de légumes – plus chers – (tomates cerises par exemple) à l’avenir. Mais même dans ce cas on ne peut que difficilement imaginer Delhaize atteindre le seuil de rentabilité.

2) la perspective « branding »

Du point de vue de Delhaize cet investissement est sans doute plus judicieux. Il contribue à renforcer le positionnement de Delhaize et au final contribuer à augmenter la valeur de la marque en cas de « fit » avec les attentes des consommateurs.
Ce n’est d’ailleurs pas le premier projet de ce genre pour Delhaize. L’année dernière, Delhaize a lancé un projet visant à remplacer les étiquettes sur les potirons par un procédé de gravure au laser. En 2017 Delhaize a proposé à la vente des « légumes moches » (pour en savoir plus sur le marché des fruits et légumes moches cliquez ici).
Construire un positionnement marketing prend des années et de tels investissements sont évidemment risqués. Sachant que Denis Knoops (ancien PDG de Delhaize qui était le moteur de ces projets) a quitté l’entreprise après le rachat par Ahold, on peut dès lors se demander quel avenir leur sera réservé au sein du nouveau groupe (qui est très axé sur la rentabilité).

3) la perspective sociale

Enfin, il y a aussi une dimension sociale.
Le supermarché Delhaize Boondael est construit dans une zone urbaine dense. Comme vous pouvez le voir sur les photos ci-dessous, il y a des maisons et des immeubles à appartements tout autour. Ce n’est peut-être pas le tissu urbain le plus dense de Bruxelles mais ce n’est pas la campagne non plus.
D’après la responsable presse de Delhaize les habitants du quartier se sont impliqués dans le projet. Delhaize prévoit en effet à terme d’ouvrir la ferme urbaine aux habitants du quartier grâce à une deuxième entrée indépendante située à l’arrière du supermarché.
Tisser des relations avec le voisinage peut également être considéré comme un objectif en soi, un objectif qui peut peut conduire à une plus grande fidélisation de la clientèle. Au final, pourquoi des clients amoureux de leur supermarché et de ses projets iraient faire leurs courses ailleurs ? La Ferme Urbaine deviendrait alors un instrument de satisfaction et de fidélisation qui apporterait une valeur ajoutée immédiate.

Conclusion

Trois perspectives différentes sur le projet Urban Farm de Delhaize permettent d’analyser un investissement qui pourraient sembler peu rentable à première vue.

A moyen et long terme ce projet (surtout s’il est suivi par d’autres) pourrait aider Delhaize à se différencier davantage et à mieux fidéliser sa clientèle.
Après la crise de 2008 Delhaize a beaucoup souffert de son positionnement plus haut-de-gamme et n’a jamais vraiment réussi à convaincre ses clients qu’il pouvait être aussi bon marché que Colruyt, Aldi ou Lidl. L’argument du prix le moins cher n’était pas dans l’ADN de Delhaize.
Être différent est une stratégie marketing en soi à laquelle le projet de Ferme Urbaine (Urban Farm) contribue donc de manière exemplaire.



Publié dans Stratégie.

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