24 février 2017 607 mots, 3 min. de lecture

Les influenceurs en 2017 : plus rien à voir avec ceux d’il y a 20 ans

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
En regardant la télévision l’autre jour j’ai y vu un court reportage sur un rassemblement d’influenceurs dans un lieu branché de la capitale française. Je dois avouer que le reportage était assez divertissant ; les réactions des personnes présentes étaient en […]
En regardant la télévision l’autre jour j’ai y vu un court reportage sur un rassemblement d’influenceurs dans un lieu branché de la capitale française. Je dois avouer que le reportage était assez divertissant ; les réactions des personnes présentes étaient en effet assez drôles. De jeunes gens partageaient en commun leur âge (moins de 18 ans) et leur capacité à rassembler les foules virtuelles. Leurs réponses au journaliste qui les interrogeait étaient particulièrement savoureuses. Le pauvre journaliste essayait en vain de leur arracher une explication tangible de leur activité. 
A un adolescent qui expliquait « Je suis un influenceur », le journaliste, bienveillant et volontairement naïf, demanda « Qu’est-ce que cela veut dire ? ». « Ben, vous voyez, j’influence des gens, quoi … Je fais des vidéos et d’autres personnes les regardent ». C’est limpide.
 
Au vu des réponses de ce jeune homme, il est évident qu’il n’avait qu’une vague idée de la charge qui pesait sur ses épaules, des espoirs mis en lui par la marque qui le conviait à cette soirée très spéciale. Et pourtant son importance ne saurait être sous-estimée car son expertise et sa médiation apparaissent fondamentales pour atteindre une cible marketing très recherchée : les 12-24 ans. Ces influenceurs 3.0 sont d’ailleurs les mieux placés aujourd’hui pour relayer les messages des marques.
 
Les influenceurs d’aujourd’hui sont pourtant loin d’avoir le même ADN que ceux d’il y a 10 ou 20 ans. Le changement est radical.
Il y a 20 ans influencer les autres était réservé à des personnalités, des personnages importants et/ou charismatiques: politiciens, acteurs, scientifiques de haut vol. Leurs discours, leur sérieux, leurs connaissances, leur valaient d’être respectés, écoutés, suivis. Le sérieux de leur discours était la base de leur crédibilité. Pour reprendre les théories de Robert Cialdini, un professeur de Harvard resté célèbre pour ses travaux sur la persuasion, on pourrait dire que ces personnes faisaient autorité grâce à la qualité de leur discours.
 
Aujourd’hui, les «influenceurs» n’influencent plus grâce au sérieux de leurs arguments, à la qualité intrinsèque de leur discours. Leur influence est conféré par leur capacité à divertir, leur aptitude à parler la même langue que les fans de leur génération, une tâche hors de portée de la plupart des marketers classiques. Cette capacité à communiquer avec une sémantique particulière, à créer un style unique, leur confère un monopole de la communication vers les 12-24.


En bref

Il est frappant de voir à quel point les gênes de l’influence ont muté ces dernières années avec l’avènement des réseaux sociaux. Alors que la capacité à influencer était l’apanage des experts, des érudits, il y a 20 ans, la capacité à divertir et à parler le même langage est aujourd’hui tout aussi (sinon plus) importante. Plus besoin d’intermédiaires pour parler aux jeunes, segment devenu clé pour les marques. Les réseaux sociaux ont enlevé tous les filtres qui faisaient de la communication un exercice codifié, stéréotypé et par là réservé aux spécialistes. C’est à la fois rassurant mais également inquiétant car la « part de cerveau » disponible, notre capacité à être attentifs, est désormais captée par des contenus intrinsèquement moins informatifs. N’est-ce pas là l’avènement de la médiocrité que je dénonçais dans un billet en 2016 ?
Image : shutterstock




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