18 septembre 2019 1047 mots, 5 min. de lecture

FMCG : des comportements d’achats de plus en plus hétérogènes

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Dans notre dernier article nous avons montré comment de nouveaux outils, basés sur la « data », permettent aux grands groupes de FMCG de rester en phase avec les évolutions du marché et les attentes des consommateurs. Dans l’article d’aujourd’hui nous vous […]

Dans notre dernier article nous avons montré comment de nouveaux outils, basés sur la « data », permettent aux grands groupes de FMCG de rester en phase avec les évolutions du marché et les attentes des consommateurs. Dans l’article d’aujourd’hui nous vous révélons les effets de l’évolution du marché FMCG (« Fast-Moving Consumer Goods » c’est-à-dire les biens de consommation courante) sur les habitudes d’achat des consommateurs. Une récente étude (août 2019) de l’Université de Chicago lève en effet le voile sur un phénomène totalement inattendu : la montée en puissance de la consommation de niche.

La croissance moyenne annuelle des grandes sociétés de biens de consommation (FMCG) est passée de 4,5 % en 2007-2012 à 0,4 % en 2013-2018

Des grands groupes sous pression

Commençons par dresser le tableau. On assiste tout d’abord à une chute de la croissance des grandes sociétés de biens de consommation (FMCG). Elles sont passées de 4,5 % en 2007-2012 de croissance moyenne annuelle à 0,4 % en 2013-2018. C’est la conséquence logique d’une consommation qui n’augmente plus et d’une situation hégémonique remise en cause par des marques plus jeunes et plus agiles. Les grandes marques de FMCG ont ainsi perdu 2,4 points de pourcentage
de parts de marché aux Etats-Unis. Dans le cas d’Unilever par exemple, 50% des secteurs d’activités font face à un recul des parts de marché.
Dans des situations d’urgence pareilles on retrouve donc logiquement le chemin des études de marché et on repart en quête d’un lien, distendu, avec le consommateur.
Intéressons-nous maintenant aux facteurs qui expliquent cette mutation importante du secteur FMCG.

Nous achetons de moins en moins comme notre voisin

C’est LA grande conclusion de l’étude de l’Université de Chicago : notre caddie ressemble de moins en moins à celui du voisin. Cette conclusion, très générale, se matérialise de deux manières :

  • concentration des dépenses des ménages sur quelques produits
  • dilution des dépenses par produit

Si ces deux conclusions peuvent a priori sembler contradictoires, en fait elles ne le sont pas. Les ménages concentrent leurs dépenses sur quelques produits mais ces produits sont de plus en plus différents entre les ménages.

12 ans de consommation passés au crible

Pour parvenir à ces conclusions les deux auteurs, Brent Neiman et Joseph Vavra, ont analysé 12 années de données de consommation de 170000 ménages américains. L’analyse de 700 millions de transactions leur a permis de déterminer un nouveau modèle économétrique expliquant ces modes de consommation. D’un point de vue méthodologique on relèvera l’utilisation dans l’étude de l’indice de Herfindahl, un indice de concentration généralement utilisé par les autorités américaines pour détecter (et combattre) la naissance de situations insuffisamment concurrentielles (oligopoles). C’est d’ailleurs la première fois que je tombais sur une étude marketing.

Une multiplication des niches dans le secteur de l’alimentation

Les produits lancés par Molino Spadoni au salon SIAL 2018

Les produits lancés par Molino Spadoni au salon SIAL 2018

Le phénomène de multiplication des produits de niche est particulièrement visible dans le secteur de l’alimentation. Si vous suivez nos analyses de ce marché, vous vous souvenez peut-être de quelques-unes des tendances marketing que nous avions relevées. Celle des aliments à sensation au SIAL 2018 confirmait ainsi que les produits habituels se déclinent en de plus nombreuses variétés. Comme l’ont titré plusieurs magazines à la suite de la publication de cette étude, le consommateur veut toujours plus de sortes de ketchup. Lors de notre visite au SIAL 2018 nous avions, parmi de multiples exemples, relevé les pâtes Spadoni à la farine de Teff ou celles aromatisées au curcuma et gingembre. Cette tendance à la « variétisation » est également visible sur les produits les plus courants (huiles et vinaigres) que les retailers mettent en rayon afin de redynamiser un rayon et d’augmenter les marges.

gamme de vinaigres Ponti

Les nouveaux goûts dans la gamme de vinaigres Ponti, de nouvelels développement qui correspondent parfaitement au phénomène de « variétisation » observable dans tout le secteur des FMCG.

En fin de compte, des sociétés, de taille parfois modeste mais dynamiques innovent, et mettent sur le marché avec des moyens limités des produits nouveaux que les consommateurs apprécient, auxquels ils s’habituent, et qui obligent les grandes marques à suivre la tendance. Il s’agit d’un cercle par forcément vertueux pour l’entreprise puisque les blockbusters d’hier, ceux qui faisaient la rentabilité d’une entreprise et son attractivité pour les investisseurs, voient leur position dominante attaquée. Armées de nouveaux outils pour étudier le marché et être au plus près des tendances, les grandes marques lancent à leur tour de nouvelles variétés, renforçant un peu plus l’éclatement de la consommation et la création de niches.

Jean-Christophe Hubert

Le Belge Jean-Christophe Hubert (photographié ici au SIAL 2018) a lancé Millésime Chocolat, une startup qui a fait du « bean-to-bar » sa marque de fabrique. Il s’agit typiquement d’un produit de niche qu’une grande multinationale n’aurait pu lancer qu’avec beaucoup de difficultés.

Quel impact pour les grandes marques de FMCG et pour les retailers ?

Ce phénomène de création de niche, que les marques renforcent implicitement, conduit forcément à des coûts d’étude, de développement, et de marketing plus élevés. La structure de coûts des géants des FMCG les met sous pression et on doit s’attendre à une baisse de leur rentabilité qui entraînera, à moyen-terme, des recherches d’économies et donc des licenciements importants.
De l’autre côté du spectre cette situation crée également de nouveaux challenges pour les retailers. Dans un monde où le consommateur veut toujours plus de choix (mais où la consommation n’augmente plus), comment proposer toujours plus de variétés dans un espace dont les limites sont fixes (le magasin) ?
Je pense qu’au-delà des 5 tendances du retail dont nous avions déjà parlé en début d’années, celle-ci risque de se manifester également dans un futur proche.

Image d’illustration : shutterstock



Publié dans Marketing.

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