13 février 2017 644 mots, 3 min. de lecture Dernière mise à jour : 19 mars 2021

Détection des émotions dans la publicité : les consommateurs réticents

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Les publicitaires ont toujours été parmi les professionnels les plus créatifs; non seulement en matière de création de contenu, mais aussi dans l’utilisation des technologies les plus récentes pour rendre leurs messages publicitaires plus efficaces. L’utilisation de l’oculométrie en publicité […]

Les publicitaires ont toujours été parmi les professionnels les plus créatifs; non seulement en matière de création de contenu, mais aussi dans l’utilisation des technologies les plus récentes pour rendre leurs messages publicitaires plus efficaces. L’utilisation de l’oculométrie en publicité remonte à des décennies, alors que les panneaux publicitaires dans nos rues peuvent aujourd’hui être équipés de technologies (capteurs) permettant d’interagir avec les piétons.
M & C Saatchi s’est associé à Clear Channel et Postercope pour lancer une campagne d’affichage basée utilisant l’intelligence artificielle. Cette campagne n’est pas nouvelle (juillet 2015), mais des travaux récents d’Andrew McStay mettent en lumière la réaction des clients à ce processus plutôt invasif de collecte de données.

Des panneaux publicitaires connectés pour mesurer l’émotion des passants

M & C Saatchi et ses partenaires ont utilisé une caméra cachée associée à la technologie microsoft pour analyser les expressions faciales des piétons et adapter en temps réel le message publicitaire affiché. Une vraie relation personnalisée dans un environnement (l’espace public) qui jusqu’à présent ne s’y prêtait pas du tout.
Ce cas d’utilisation pose la question du consentement des utilisateurs, des aspects juridiques derrière un processus opaque de collecte de données et, surtout, du caractère personnel des données collectées sur les émotions des passants (ce qui du coup ferait tomber ce dispositif sous le coup de la régulation GDPR).
Lors de la conférence CPDP 2017 où j’ai rencontré Andrew, il nous a d’abord rappelé que deux approches coexistent dans le monde de la publicité pour mesurer les émotions:

  • Techniques internes: codage des expressions faciales et biofeedback (mesure des signes vitaux)
  • Techniques utilisées en extérieur: le codage facial, mais également l’analyse de la voix et le biofeedback grâce à des dispositifs portables à même le corps (voir par ailleurs le travail de Sensum sur East Coast Rail que nous avons décrit la semaine dernière)

La majorité des consommateurs opposée à la mesure de leurs émotions

Andrew a effectué une recherche assez complexe, mêlant méthodologies qualitative et qualitative, pour comprendre les perceptions des consommateurs sur l’analyse de leurs émotions et leur sensibilité vis-à-vis des modes de collecte (voir à ce sujet notre article sur le concept de vulnérabilité des données). Il a interrogé 2068 personnes au Royaume-Uni et a mené des entretiens qualitatifs avec de plus de 100 experts dans le monde entier.
Lors de la conférence CPDP il a partagé avec l’audience les résultats de l’enquête quantitative et ces derniers sont assez surprenants (du moins quand on considère que l’enquête a été réalisée au Royaume-Uni où les consommateurs sont généralement moins sensibles à la collecte de données personnelles que dans d’autres pays plus conservateurs).
Les résultats montrent que 50% des répondants étaient en désaccord avec ce type de collecte de données; 33% exprimaient un accord conditionné à l’anonymisation des données.
Les résultats par classe d’âge donnent un éclairage supplémentaire intéressant. On constate en effet que 56% des 16-24 ans acceptaient la collecte des données, mais seulement 13% d’entre eux si un lien nominatif pouvait être établi avec la personne ayant fait l’objet de l’analyse.

Conclusion

Même dans une culture très ouverte comme le Royaume-Uni, et même avec les consommateurs les plus jeunes, les résultats de cette étude montrent que les entreprises doivent être attentives au processus de collecte de données et envisager l’anonymisation.
En tout état de cause les recherches d’Andrew McStay démontrent de manière indubitable que les entreprises doivent d’abord effectuer une étude de marché afin de comprendre les attentes des clients, leurs réticences éventuelles, et seulement ensuite procéder à de tels tests.

Cpdp slides from Andrew_McStay


Publié dans Data et IT, Marketing, Recherche.

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