25 septembre 2020 1332 mots, 6 min. de lecture Dernière mise à jour : 15 mars 2022

Covid-19 : impact sur le marché du conseil IT et perspectives

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
La crise du Covid-19 a eu un impact énorme sur le marché de l’informatique. Certains pans de ce secteur en ont profité (pensez à tout ce qui tourne autour du télétravail) mais d’autres ont également énormément souffert. C’est le cas […]

La crise du Covid-19 a eu un impact énorme sur le marché de l’informatique. Certains pans de ce secteur en ont profité (pensez à tout ce qui tourne autour du télétravail) mais d’autres ont également énormément souffert. C’est le cas du conseil en IT. D’après une étude de Whoz publiée en Juin 2020, 13% des projets avait été abandonnés et 21% avaient été mis « on hold ». Jean-Philippe Couturier, le CEO de Whoz, revient dans ce podcast sur les résultats de cette étude et nous livre sa vision du marché du conseil IT pour les mois qui viennent et pour l’année 2021.

Statistiques : l’impact du Covid sur les métiers de l’informatique

  • 13% des projets informatiques ont été abandonnés
  • 21% de projets informatiques gelés (Juin 2020)
  • -23% : la baisse des achats de prestations de conseils informatiques en 2020

État du marché du conseil informatique en Septembre 2020

Jean-Philippe Couturier décrit un marché qui est plus vide que d’habitude, entraînant une bataille plus féroce entre sociétés de conseils (ESN et SSII) pour placer leurs consultants. Le marché du conseil en informatique suit la croissance globale d’un facteur 2 ou 3 mais avec six mois de décalage (à cause notamment des raisons structurelles comme les projets au forfait). Six mois après le début de la crise (Mars 2020 – Septembre 2020) on se retrouve logiquement au creux de la vague.
Fort heureusement, l’avenir est un peu plus réjouissant pour des raisons que Jean-Philippe explique très clairement dans ce podcast.


Perspectives du marché du conseil en IT pour 2020 et 2021


La crise a affecté en particulier les freelances de l’IT qui ont été les premiers à souffrir d’une réduction des achats de prestations intellectuelles de l’ordre de 23%. Mais Jean-Philippe Couturier estime également que les freelances seront les premiers à profiter d’une reprise qu’il espère voir poindre à partir de Juin 2021.

La reprise de Septembre 2020 est encore timide (voir les prévisions que nous avions faites en Mai 2020 et qui se confirment). Mais les signaux sont quand même moins négatifs que prévus. L’ampleur de la récession a été revue à la baisse, et un vaccin devient possible sous 6 à 9 mois. Jean-Philippe Couturier croit également en un rebond spectaculaire de la consommation (une « boulimie de consommation ») lorsque le vaccin sera sur le marché. Le taux d’épargne est historiquement élevé, avec 1059 milliard d’Euros qui dorment sur les comptes des Français (source: Banque de France). Utiliser cette épargne pour consommer entraînera mécaniquement une reprise forte (estimée actuellement à 7,4% pour 2021). Les projets de digitalisation des entreprises en seront positivement impactés. Car si la crise nous a bien appris une chose, c’est que nous vivons dans un monde qui sera de plus en plus numérique. La digitalisation des entreprises est donc un passage obligé. J’avais parlé ici d’une « extinction de masse des commerces 1.0 ». Cette prophétie est applicable à toutes les entreprises qui n’ont pas encore pris le virage du digital. Le réservoir de projets IT à mener est donc conséquent.


On a moins de projets au long cours et plus de projets en mode Agile, avec une nouvelle concurrence des plateformes de freelances qui devraient tirer leur épingle du jeu en 2021 à la reprise.

Jean-Philippe Couturier, CEO Whoz



Les secteurs qui souffrent, et ceux qui ont besoin de conseils IT


Tourisme, automobile, aéronautique, transport, retail non-alimentaire (voir notre analyse ici) sont des secteurs qui ont beaucoup souffert de la crise. Certains (aéronautique, automobile) étaient de gros consommateurs de conseils IT et ont réduit drastiquement la voilure. On a également assisté à des recadrages unilatéraux des contrats de consultance IT. ING par exemple a réduit de force la durée du travail (de 5 jours / semaine à 4,5 jours) et les tarifs ont été rabotés de 20%.

Malgré tout, Jean-Philippe Couturier relève que, au plus fort de la crise, les clients et les prestataires de conseils informatiques se sont aussi serré les coudes. Les délais de paiement pour les freelances ont par exemple été raccourcis par certaines grandes entreprises afin de ne pas accentuer les difficultés financières déjà présentes.

La transition vers le télétravail (qui risque de durer de fait encore plusieurs mois avant d’être définitivement adopté par les entreprises) crée un appel d’air pour les expertises liées notamment à la cybersécurité. N’oublions pas non plus que les nouveaux modes de travail s’accompagnent d’une refonte des processus métier et de nouvelles exigences en termes de stockage et de processing à distance (voir à cet effet notre article sur l’impact du covid dans les médias).


Le conseil en IT à la veille d’un changement de business model ?


La crise du Covid a poussé le marché du conseil en IT dans ses retranchements. Jamais auparavant autant de consultants en IT ne se seront retrouvés en intercontrat, et de freelances sans mission. Les missions de conseils IT sont devenues plus courtes, la mise en concurrence plus féroce, les prix plus tendus. A cela s’est ajoutée la possibilité de télétravailler. Alors que les clients exigeaient une présence sur site avant la crise, le travail à distance est désormais la norme. Cela entraîne, de facto, une concurrence accrue. Plus besoin en effet d’un ancrage local pour pouvoir proposer un consultant IT : le périmètre géographique de la concurrence s’est élargi. Cela exerce une pression sur les prix bien entendu, mais également sur le mode de facturation. Alors que la facturation par blocs d’une journée était la règle (« en régie »), un fractionnement de la facturation des prestations IT devient possible :

on va aller sur des quarts de journées, des demi- journées, et donc d’une part, c’est une façon de parcelliser le staff. Ces sociétés [de services informatiques] sont, de mon point de vue, des acteurs majeurs de la transformation digitale de leurs clients, mais elles peinent, elles, à se transformer.

Avec des consultants qui travaillent à distance et qui sont susceptibles de servir plusieurs clients sur une journée, comment serait-il encore possible de facturer des forfaits journaliers ? Le « timesheeting », qui repose encore sur la confiance pourrait bien être une pratique du passé si des outils de contrôle venaient à être imposés. Nous assistons à un début de flexibilisation du travail de consultance qui pourrait bien, lui aussi, se trouver « uberisé » à terme.


Le marché de l’emploi IT : comment rester dans la course


Les incertitudes et la pression se font donc de plus en plus sentir sur le marché de l’IT. Avec la crise, les projets à faire aboutir seront choisis avec plus de recul, les coûts d’exécution passés à la loupe. Les hyper-spécialistes seront toujours demandés, ainsi que des généralistes qui maîtrisent de nombreux domaines.

On aura toujours besoin de spécialistes et de généralistes […] Je crois, moi, à un besoin de compétences qu’on appelle horizontales, et de compétences verticales. On aura des généralistes qui maîtriseront beaucoup de tout et on aura des spécialistes qui seront des hyper-spécialistes, qui maîtriseront beaucoup […] de quelque chose de spécifique. Je crois qu’on a besoin, pour faire travailler des spécialistes, d’avoir des généralistes. […]

Il faudra, pour rester dans la course, se former en permanence, apprendre et pratiquer les nouvelles technologies. Le rythme d’obsolescence des connaissances ne sera jamais aussi élevé que dans le marché IT actuel, où le rythme de l’innovation est élevé et l’offre de prestations intellectuelles est très supérieure à la demande. Les clients ont désormais le choix, et ils ne vont pas se faire prier pour choisir les meilleurs.


 



Publié dans Data et IT.

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