9 janvier 2013 1181 mots, 5 min. de lecture Dernière mise à jour : 6 novembre 2023

Les Causses, un exemple de commerce de proximité à succès

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Je me sens parfois privilégié. Je fais un travail merveilleux, j’ai des clients formidables (si si) et je vois défiler des dizaines d’entreprises différentes qui enrichissent ma vision de l’entrepreneuriat et du marketing. C’est un entrepreneur inspiré et inspirant que […]

Je me sens parfois privilégié. Je fais un travail merveilleux, j’ai des clients formidables (si si) et je vois défiler des dizaines d’entreprises différentes qui enrichissent ma vision de l’entrepreneuriat et du marketing. C’est un entrepreneur inspiré et inspirant que j’ai rencontré lors de mon passage mensuel à Paris. Alexis, c’est son prénom, m’a consacré une heure pour m’expliquer la genèse de son projet et son parcours, atypique, d’entrepreneur.

L’histoire d’Alexis Roux de Bezieux

Mon dernier voyage à Paris m’a donné l’opportunité de rencontrer Alexis Roux de Bezieux, un entrepreneur trentenaire qui a lancé avec succès le magasin « Les Causses » près de Pigalle. Les Causses est un magasin d’alimentation de proximité qui joue sur le haut-de-gamme combiné à l’accessibilité (aussi bien en termes d’horaires qu’en termes financiers).

Après avoir étudié le droit, Alexis commença par travailler comme auditeur chez Arthur Andersen. Son intérêt pour le marketing le poussa à pousser la porte de L’Oréal. Cette dernière ne s’ouvrit toutefois pas car d’après son propre aveu il était déjà trop expérimenté pour se fondre dans le moule du géant des produits de beauté. L’avenir l’oréalien ne semble sourire qu’aux jeunes diplômés (et encore).

La frustration est cependant un bon moteur qui booste la créativité. Inspiré, Alexis s’est alors tourné vers l’écriture d’un ouvrage consacré aux épiciers de quartiers. Cet opuscule à vocation sociologique visait à redonner ses lettres de noblesse à un métier sous-estimé et à réévaluer le rôle sociétal de ceux qui le pratiquaient. L’Arabe du Coin préfacé par Eric-Emmanuel Schmitt, mettait le doigt sur les liens ténus qui existaient entre habitants d’un même quartier urbains et le rôle de l’épicier de quartier au sein de ce tissu sociétal en déliquescence. La densité urbaine est semble-t-il inversement proportionnelle à la solidité des liens entre habitants. C’est dans ce constat et ces réflexions qu’Alexis puisa l’inspiration pour son aventure entrepreneuriale, pour ce qui allait devenir « Les Causses » ; un ilot d’humanité au sein de la jungle des villes comme dirait Bertold Brecht.

Le concept

Bien qu’on puisse débattre de la nouveauté du concept (que je trouve ressembler à celui de l’Epicurien), ce qui m’a interpellé a été l’esprit du magasin.

Tout d’abord le concept ne respire pas – trop – la recherche marketing. Trop de marketing donne l’impression du faux. Le magasin est certes bien organisé, propre, mais tolère une certaine forme de « chaos organisé », par exemple ce petit ilot de produits devant la porte qui, d’un point de vue fonctionnel, semble être un obstacle pour le client. La caisse a été voulue en retrait, et pas à la sortie pour permettre aux passants de « rentrer pour voir », sans forcément acheter. Ces quelques exemples de choix militants, alliés à une conception de la qualité de service très américaine (dans tout ce qu’elle a de positif et dont les Européens ont encore beaucoup à apprendre), fait des Causses un magasin très attachant.

Ce point de vente reste toutefois positionné clairement dans le haut-de-gamme, puisque le ticket moyen y est de 12€ et que 90% de la clientèle se situent dans une zone de chalandise de 150m et montre une fréquentation élevée (5 à 6 fois par semaine pour certains).

Les résultats

Les Causses a réussi à capturer une clientèle locale et fidèle, qui revient à cause des produits et parce qu’il n’est pas inhabituel d’être appelé par son nom ou son prénom par les employés. Avec un CA attendu de 1,2m€ pour une surface d’à peine 100m² (80m² au rez-de-chaussée et 20m² en sous-sol pour le rayon vins), vous pouvez aisément vous rendre compte que la moyenne est excellente et bien au-dessus des standards du secteur.

J’ai fait de manière un peu opportune, je l’avoue, un parallèle entre le parcours d’Alexis et celui d’autres entrepreneurs belges qui ont bien réussi. Vous vous souvenez peut-être de ce billet que j’avais écrit il y a quelques mois sur le parcours des fondateurs de la chaîne Guapa en Belgique et des Tartes de Françoise (cette dernière marque ayant d’ailleurs essayé de s’exporter, avec un succès plus mitigé, à New-York). L’exemple d’Alexis illustre bien qu’il n’est pas forcément nécessaire d’être du métier pour réussir ; au contraire j’ai la faiblesse de croire que certaines qualités s’apprennent ailleurs et peuvent être transposées à une large palette de secteurs d’activités.

Un grand bravo donc et en route pour Les Causses 2.

Conseil n°1 pour votre stratégie marketing

Les leçons à tirer des Causses sont multiples : influence du design, de l’agencement. C’est sur la qualité de service que j’ai décidé de m’arrêter et de concentrer mon attention. Ce qui pourrait être une évidence ne l’est toutefois pas dans la pratique : la qualité de service est rarement estimée et pratiquée à sa juste valeur. Alors qu’elle accapare l’attention des grands groupes qui y consacrent beaucoup de ressources, la qualité de service demeure un domaine peu contrôlé et peu contrôlable dans les PME.

Si vous êtes vous-même entrepreneur, interrogez-vous : mesurez-vous la qualité de service ? Savez-vous comment influencer la perception de la qualité de service ? Savez-vous dans quelle mesure elle influence votre chiffre d’affaires et votre bénéfice ?

Conseil n°2 pour votre étude de marché (à Bruxelles, en Belgique, ou ailleurs)

Alexis a abordé son étude de marché de manière très pragmatique. En passant de longues heures à mesurer le flux de passants devant le local qu’il souhaitait investir, et en observant le comportement des clients, il a montré qu’il était possible de tirer des données fiables avec peu de moyens. Cette approche présente un double avantage. Tout d’abord elle ajoute de la valeur objective à votre business plan en montrant à votre banquier que vous vous basez sur des chiffres réels. Deuxièmement, elle ajoute de la valeur subjective en faisant transpirer vers l’extérieur que vous vous êtes impliqué dans la récolte de données en effectuant des tâches pas forcément gratifiantes sur l’instant mais tellement enrichissantes. C’est dans l’effort qu’on reconnaît l’envie d’entreprendre. Le succès n’est que plus beau lorsqu’on a souffert et sué pour l’atteindre.



Publié dans Entrepreneuriat.

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