24 janvier 2014 908 mots, 4 min. de lecture

Vous ne devinerez jamais à partir de quoi Mondavi fabrique ses lunettes de soleil

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Étendre votre gamme dans de nouvelles catégories de produits est certainement une stratégie de croissance et de profits qui peut fonctionner. Beaucoup l’ont utilisé. Cependant les objectifs à court et moyen-terme ne doivent pas faire oublier la stratégie à long […]

Étendre votre gamme dans de nouvelles catégories de produits est certainement une stratégie de croissance et de profits qui peut fonctionner. Beaucoup l’ont utilisé. Cependant les objectifs à court et moyen-terme ne doivent pas faire oublier la stratégie à long terme et, notamment, que l’extension de la gamme ne doit pas se faire au détriment de l’esprit de la marque.

Nous examinons aujourd’hui le cas de Mondavi, un domaine viticole qui commercialise depuis peu des lunettes de soleil.

 

Des lunettes fabriquées à partir du bois des barriques

L’idée m’a été soufflée par l’excellent site Creapills (qui a été relancé récemment par Maxime Delmas sur la base de son site éponyme, déjà bien connu). Mondavi est renommé pour ses excellents vins dont la réputation s’étend bien au-delà de la Californie. Comme dans beaucoup de domaines les fûts en chêne sont utilisés pour vieillir les vins et Mondavi a eu l’idée de transformer ces barriques, après utilisation, en lunettes de soleil. Ces dernières ont été créés par le designer (également basé en Californie) Woodzee et seront vendus 120$. Voilà pour les faits.

 

Mondavi va-t-il échouer ?

Une extension de marque à travers des produits connexes est une stratégie délicate : elle peut réussir brillamment ou se retourner contre vous. Tout dépend du statut de la marque et de sa maturité sur le marché.

Regardez par exemple Pierre Cardin, une marque française de mode haut de gamme. En France, la qualité perçue a diminué après les nombreuses extensions réalisées sous contrats de franchise aux quatre coins du monde. Alors que la marque était marquée par un esprit « haute couture », une stratégie de franchise incontrôlée a visé à extraire un maximum de revenus d’une marque considérée comme une vache à lait (cash cow) par ses propriétaires .

La même chose risque-t-elle d’arriver à Mondavi ? Je pense que non. Malgré l’extension de la marque dans une catégorie de produit sans lien aucun avec le « core business », un élément permet d’établir un lien étroit avec le monde du vin .

 

L’hédonisme assure un lien affectif

Mondavi est avant tout une marque de connaisseurs, de personnes qui aiment et apprécient le vin (ou qui veulent le faire croire aux autres).

La consommation de vin englobe une dimension hédoniste qui est étroitement liée à l’émotion. Ceci a pour conséquence que les comportements d’achat y sont moins corrélés aux prix que dans le cas d’autres biens de consommations. Quand on y réfléchit, le vin est un produit vraiment unique. Les bouteilles sont toutes les mêmes (il n’y a aucune différenciation) et pourtant le prix des produits varie de 5 € ou moins à 5000 € ou plus. Pouvez-vous me donner un autre exemple d’un autre produit indifférencié présentant une telle amplitude de prix ?

Le prix d’un vin est le prix de l’émotion et c’est pourquoi une extension de la marque Mondavi dans un objet réalisé à partir d’un matériau comme le bois des barriques sera certainement couronnée de succès. Le bois de chêne est en effet un rappel émotionnel de l’identité de la marque et de la genèse du vin.

 

Conseils pour votre stratégie marketing

J’adore cette initiative de Mondavi. Plutôt que de revendre ses vieux tonneaux à vil prix à d’autres producteurs moins argentés, ils utilisent la matière première pour la transformer en un objet émotionnel et à encore plus haute valeur ajoutée. Le danger serait de penser que cette stratégie peut être reproduite indéfiniment.

Mondavi a en fait deux options: soit créer une petite ligne d’objets fabriqués à partir du même matériau et, ce faisant, capitaliser sur l’aspect « collector » qui marche d’ordinaire si bien (pensez par exemple au succès de Panini). La seconde option serait de trouver d’autres matières premières à utiliser pour créer d’autres modèles de lunettes de soleil. Le but, avec l’une ou l’autre stratégie, est de rester cohérent.

La première option me semble être le plus intéressante. Il y a une multitude de petits objets qui pourraient être fabriqués à partir du bois des barriques et qui pourraient ainsi être anoblis. Beaucoup d’objets sont devenus banals et leur donner du cachet grâce à un matériau « noble » est efficace pour susciter un nouvel engouement. En plus d’apporter une nouvelle source de revenus ces objets représenterait également un produit d’appel pour les nouveaux clients afin d’entrer dans l’univers de la marque. Toutes les marques de luxe ont en fait une stratégie basée sur une expérience client « par étape ». Louis Vuitton vend par exemple des porte-clés, de petits objets de maroquinerie qui sont autant d’opportunités pour fidéliser les jeunes clients jusqu’à ce qu’ils aient les moyens de dépenser plusieurs milliers d’euros pour un sac à main. Pourquoi Mondavi ne ferait-il pas la même chose ?

 



Publié dans Marketing.

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