5 octobre 2016 805 mots, 4 min. de lecture

Restructurations bancaires : vraiment la faute à la digitalisation ?

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
ING: 3500 emplois supprimés. Axa: 650 emplois supprimés. BNP Paribas Fortis: 1000 emplois supprimés. Comme le Financial Times (article payant) le souligne, quelques 100.000 emplois seront supprimés dans le secteur bancaire en 2016. La raison invoquée invariablement est la digitalisation […]

ING: 3500 emplois supprimés. Axa: 650 emplois supprimés. BNP Paribas Fortis: 1000 emplois supprimés. Comme le Financial Times (article payant) le souligne, quelques 100.000 emplois seront supprimés dans le secteur bancaire en 2016.

La raison invoquée invariablement est la digitalisation qui rend certaines fonctions caduques, notamment celles qui étaient au contact des clients dans les agences. Et je suis bien d’accord avec le fait que la digitalisation a radicalement changé le monde des affaires et bouleversé les habitudes des consommateurs. Ceci a contraint les entreprises à adapter. J’ai d’ailleurs expliqué le rôle de la digitalisation dans le secteur de l’assurance lors d’une émission radio et d’un débat télévisé.
Pourtant, il me semble que quelques nuances soient de mise pour le secteur bancaire qui utilise -un peu trop- allégrement l’excuse de la digitalisation pour justifier des milliers de suppressions d’emplois.

La digitalisation est seulement une excuse

Je pense que les banques sont en partie responsables de la situation dans laquelle elles sont aujourd’hui. La digitalisation est un piège et elles n’ont rien fait pour l’éviter.
Lorsque les comportements des clients ont commencé à changer, lorsque le rythme de la vie a commencé à brutalement s’accélérer au tournant de ce siècle, les banques ont été lentes à s’adapter. Les heures d’ouverture des agences sont restées plus ou moins les mêmes, le service s’est réduit à peau de chagrin (il fallait réduire les coûts) et les clients, mécontents, ne sont allés à leur agence locale qu’en traînant les pieds.
Lentement le souvenir du visage du guichetier s’est effacé et avec lui est devenue superflue la nécessité de voir un visage humain et d’être accueilli par une personne en chair et en os. L’étape suivante n’était que logique. Moins vous ressentez d’attachement à quelque chose ou à quelqu’un, plus facile est le passage à une alternative. Cette alternative a été offerte par la démocratisation des smartphones.

Cette alternative s’appelle « banque en ligne ». Elle s’appelle « Home Banking ». Elle s’appelle de plus en plus « application mobile ».

Les banques sont obnubilées par les mauvais indicateurs

Plutôt que de resserrer les liens avec leurs clients, les banques les ont juste laisser se distendre. Plutôt que d’attirer le client elles ont tout fait pour le repousser, l’ont même incité à ne plus venir en agence (rappelez-vous de KeyTrade bank qui payait ses clients lorsqu’ils faisaient des virement eux-mêmes).

Aujourd’hui, la satisfaction des clients dans le secteur bancaire ne se mesure plus en termes de qualité de service en agence, en terme de qualité relationnelle avec un employé. Non. Elle se mesure en termes de temps de réponse de l’application mobile (voir par exemple la présentation donnée au Data Innovation Summit par Ursula Dongmo).

Mon point est que les grandes banques ont chassé les clients. Elles n’ont rien fait pour mieux les connaître. Elles se les sont mis à dos en les grugeant, à grand coups d’indicateurs internes forçant les employés à vendre toujours plus des produits dont les clients avaient toujours moins besoin. Regardez l’exemple édifiant de Wells Fargo. Son PDG, John Stumpf, lors de son audition par les sénateurs américains, n’a que difficilement reconnu que l’indicateur qu’il vendait aux actionnaire était le « nombre de produits par clients », ce qui a poussé la banque à ouvrir 2 millions de faux comptes.

La satisfaction des clients dans les banques : vous me faites rire !

Avec de telles pratiques, ne soyez pas surpris que les clients s’envolent vers des cieux meilleurs. Et pourtant, les banques revendiquent haut et fort le taux de satisfaction ses clients. Vous me faites rire !
Quand j’entends Belfius revendiquer fièrement un niveau de 95% de satisfaction client, je sais déjà que ces résultats sont aussi biaisés que la question posée lors du récent referendum organisé par Victor Orban en Hongrie.
Qu’est-ce qu’un client fidèle d’une banque aujourd’hui? Un client qui a oublié qu’il y avait un compte ou qui ne veut pas s’embêter à le fermer. Voilà la réalité !

J’ose affirmer que le service et la satisfaction client ont été mal gérés par les banques. Aujourd’hui, la digitalisation est seulement une excuse pour licencier des milliers de personnes et faire oublier les défaillances coupables des dirigeants de ces mêmes banques.
Je ne dis pas que la digitalisation était évitable. Elle suit les tendances sociétales. J’affirme toutefois que l’impact de la digitalisation n’a pas été géré correctement et que des milliers d’emplois auraient pu être sauvés si les banques avaient promu la seule composante non remplaçable : la qualité de service fournie par un être humain.

Image: Shutterstock



Publié dans Marketing.

Donnez votre avis

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *