31 mars 2021 1248 mots, 5 min. de lecture Dernière mise à jour : 3 décembre 2023

Omie : une marque qui prône la transparence totale sur les prix

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
La crise du Covid sonne-t-elle le réveil des consciences et l’aube d’un nouveau jour en matière de consommation responsable ? J’ai en tout cas eu l’impression d’un frémissement après avoir vu le ticket caisse de la plateforme de vente en […]

La crise du Covid sonne-t-elle le réveil des consciences et l’aube d’un nouveau jour en matière de consommation responsable ? J’ai en tout cas eu l’impression d’un frémissement après avoir vu le ticket caisse de la plateforme de vente en ligne Omie ; un ticket de caisse sur lequel sont affichés en toute transparence la marge, le prix payé au producteur, le coût des matières premières.

Dans cet article je m’interroge d’abord sur le contexte global dans lequel s’inscrit cette plateforme. J’analyse ensuite la proposition de valeur d’Omie. Et pour finir j’interviewe son fondateur Christian Jorge.

Sommaire


ticket de caisse OMIE

Le ticket de caisse fourni par la plateforme OMIE affiche en toute transparence les rémunérations des différents maillons de la chaîne de distribution.


Du fair trade à la transparence totale sur la chaîne de valeur

Après avoir observé pendant la crise du Covid l’envolée de la consommation bio, nous parlons dans l’article d’aujourd’hui d’une autre facette de ce changement des comportements, celle d’une consommation qui rémunère justement tous les maillons de la chaîne de valeur.

Derrière ce qui peut s’apparenter à un combat, pointe bien entendu l’ombre de la grande distribution. Les accusations ne sont pas neuves. La grande distribution est depuis longtemps accusée de capter la plus grande part des profits et de « dépouiller » les producteurs, notamment (et surtout), les agriculteurs. La résistance s’est donc organisée, et a pris différentes formes. Historiquement, il y a d’abord eu l’émergence du « fair trade » qui mettait l’accent sur les pays du sud. D’abord cantonné à des organisations « militantes » dans les années 1960, le logo « fair trade » se retrouve désormais sur des produits des géants de l’agroalimentaire. Preuve s’il en fallait que cette consommation militante a dépassé son statut de niche.

Plus récemment, il y a eu des initiatives comme « C’est qui le patron ? » lancée par Nicolas Chabanne. Ce dernier a réussi à imposer en grande distribution une marque militante qui fait de la rémunération juste une composante principale de son marketing.

Mais il faut bien reconnaître que la répartition de la valeur restait un tabou. A l’heure de l’espionnage économique, qui irait exposer à tous ce qu’il gagne ?  C’est pourtant ce qu’Omie, une nouvelle plateforme de vente en ligne, ose faire.


Omie : transparence totale sur les prix … jusqu’au ticket de caisse

répartition valeur produit Omie

La répartition de la rémunération pour un des produits (cookies au chocolat) vendus sur la plateforme Omie.

Je dois l’avouer j’ai été très étonné lorsque j’ai vu le ticket de caisse d’Omie. Il détaille comment chaque acteur de la chaîne d’approvisionnement se rémunère au centime près :

  • le producteur
  • le fabricant
  • le distributeur
  • l’Etat (via la TVA)

Une transparence qu’on retrouve sur la page des produits eux-mêmes comme le montre l’illustration ci-contre.

Il y a même une part réservée à la « transition écologique » qui correspond à une contribution volontaire faite par Omie.

Preuve que cette forme d’activisme sur les prix n’est pas incongrue, j’en ai trouvé un autre exemple dans un supermarché breton (voir photo ci-dessous). Pour un des produits vendus au rayon poissonnerie (des moules pour être précis), la part reversée au producteur est affichée clairement. Je vous le concède, c’est moins visible que chez Omie, mais il faut quand même saluer l’effort.


Omie : une marketplace au positionnement original

Omie a été lancé par un vétéran de l’entrepreneuriat : Christian Jorge. Il a été le co-fondateur de Vestiaire Collective (dont nous avons parlé ici) et Omie est son dernier projet en date.

Le positionnement d’Omie est original puisqu’il repose d’une part sur la transparence des prix, et d’autre part sur ce qu’on pourrait appeler la « sobriété marketing ». Les produits sont simples, les packagings également. On sent qu’il y a une volonté de mettre en avant les produits les moins transformés possibles et de promouvoir une certaine forme de « sobriété alimentaire ».


Qui sont les clients de ces produits « de niche » ?

C’est bien entendu la grande question. Omie affiche clairement des valeurs qui, si elles parlent à beaucoup de consommateurs, n’en restent pas moins des valeurs de niche en matière d’achat. Personne ne peut raisonnablement affirmer être contre la transition écologique, la réduction des emballages ou la juste rémunération des producteurs. Mais « vivre » ces valeurs requiert un effort qui n’est pas à la portée de tous. C’est un peu comme le bio. Tout le monde est pour, mais la consommation bio a mis plus d’une décennie à décoller (voir à ce sujet notre étude de marché du bio ici).

Pour approfondir les ambitions d’Omie, nous avons donc sollicité son fondateur Christian Jorge, dont vous trouverez l’interview ci-dessous.


Christian Jorge Omie

Interview de Christian Jorge, CEO d’Omie

Comment vous est venue l’idée d’Omie ?

Entrepreneur récidiviste, j’aime me dire qu’on peut changer le monde. Et après des heures à décortiquer les étiquettes des produits alimentaires pour trouver les bons produits que je voulais donner à mes 4 garçons…. Et à cette éternelle dualité Qualité / Prix.
J’ai envisagé de partir à l’assaut des produits alimentaire du quotidien en éliminant les intermédiaires inutiles entre ceux qui les font et ceux qui les consomment. => Créer une marque alimentaire qui maîtrise ses produits, fabriquer en rémunérant convenablement ceux qui les conçoivent, livrer en direct au consommateur, sans centrale d’achat, sans grande distribution.
Pour soutenir cette promesse nous donnons 100% de transparence au consommateur : qui gagne quoi, d’où ça vient -en vrai-, comment et avec quoi c’est fait.

Qui sont les clients d’Omie et pourquoi achètent-ils sur la plateforme ?

Des familles, des célibataires… c’est assez large. Des gens qui comprennent que chaque achat contribue à créer un autre demain. Nous proposons une expérience apaisée de l’achat des produits alimentaire du quotidien. Pour chaque produit une référence que nous avons conçue au mieux: pour la santé, pour le goût, pour la justice de rémunération, pour la planète. Et invariablement avec l’optique de proposer des produits à des prix accessibles.

Les valeurs et le positionnement d’Omie ne condamnent-elles pas votre site à ne servir qu’un segment restreint du marché ?

Vraiment pas. Au contraire nous pensons que c’est que le début, que nous allons inspirer. Les millions de Scan sur Yuka démontrent la défiance des consommateurs, le succès de C’est Qui le Patron démontre que le consommateur est sensible à la justice de rémunération. Nous voulons tous manger de plus en plus sain, et de plus en plus respectueux. Nous fédérons déjà aujourd’hui 69 producteurs/transformateurs qui nous accompagnent, bien déterminés à ce que l’initiative prenne de l’ampleur. Leurs outils industriels sont capables de grandir avec nous. Avec notre positionnement prix, permis par le circuit court, nous construisons un projet accessible et populaire.



Publié dans Entrepreneuriat.

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