18 mai 2011 1012 mots, 5 min. de lecture

Le positionnement marketing de Blancpain (groupe Swatch)

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Blancpain est une de mes marques de montres et de luxe préférées malgré, ces dernières années,  quelques changements dans la ligne de produits qui peuvent faire l’objet d’un débat. Blancpain est tout d’abord une marque avec une histoire ; pas […]

Blancpain est une de mes marques de montres et de luxe préférées malgré, ces dernières années,  quelques changements dans la ligne de produits qui peuvent faire l’objet d’un débat. Blancpain est tout d’abord une marque avec une histoire ; pas seulement une tradition horlogère qui remonte au 18ème siècle, mais également une histoire entrepreneuriale plus récente lorsque l’entreprise a été reprise par le fameux Jean-Claude Biver (pour 22000 Francs Suisses à l’époque, revendue à Swatch pour $43m ensuite). Aujourd’hui Blancpain est le résultat d’un positionnement subtile qui joue à la fois sur une histoire de près de 280 ans ainsi que d’une réussite entrepreneuriale étonnante lorsque Biver fit le pari de mettre en avant les montres mécaniques à une époque où le quartz était en train de détruire l’industrie horlogère suisse.
Ceci étant dit, quel est donc le positionnement de Blancpain ? La question est complexe. Blancpain a certainement l’ambition de jouer dans la cour des grands, c’est-à-dire dans le segment du luxe, en faisant concurrence à des marques telles que Breguet, Vacheron Constantin, Lange und Söhne, Jaeger Le Coultre et bien entendu Patek Philippe. Toutes ces marques se situent plus ou moins dans la même classe de prix avec des premières pièces d’entrée de gamme aux alentours de 5000€-8000€ jusqu’à plus d’un million d’euros pour les pièces les plus rares, compliquées et extravagantes). Voilà donc le positionnement que Blancpain souhaite véhiculer , celui d’une marque très haut de gamme. C’est l’intention de l’entreprise mais est-ce la perception des consommateurs. Voilà le nœud du problème.

Prenons un exemple et comparons deux marques censées appartenir à la même catégorie : Blancpain et Patek Philippe. D’un point de vue technique et fonctionnel il y a peu de points qui différencient les produits : les complications sont plus ou moins les mêmes (la plupart sont des exercices imposés maîtrisés depuis longtemps), les deux maisons produisent un nombre très limité de garde-temps, les matériaux utilisés sont parmi les plus nobles et les composants, lorsqu’ils ne sont pas fabriqués en interne, proviennent même parfois des mêmes fournisseurs. Enfin les horlogers sont d’un niveau tellement comparable que j’ai retrouvé des anciens employés de Patek chez Blancpain au Brassus. Il n’y a dès lors pas de doute sur le fait que les prix devraient être les mêmes. Cependant ils ne le sont pas en raison de l’expérience client et en particulier de la perception de valeur. Le problème de la valeur est central dans l’industrie du luxe et, je trouve, plus encore dans ceux de la bijouterie, joaillerie, horlogerie. Patek Philippe est une marque qui dans l’esprit des consommateurs garde mieux sa valeur que d’autres (les campagnes de publicité axées sur la transmission d’un patrimoine et le rachat des montres aux enchères par Patek ont contribué à accentuer cet effet). Cette absence de dépréciation dans le temps est essentielle car le consommateur, lorsqu’il s’apprête à acheter un objet de luxe, va la plupart du temps consentir un sacrifice. Les mécanismes cognitifs tels que le regret entrent alors en scène qui ont un effet direct sur la satisfaction du consommateur.

Photo de Jeffrey Kingston

Blancpain a toutefois trouvé une tactique intéressante pour contrer ce problème et j’ai la ferme impression que Jaeger le Coultre tente un revirement semblable ces dernières années. Plutôt que de se concentrer sur les consommateurs attirés par le prestige d’une marque dans leur quête de reconnaissance sociale, Blancpain fait le pari de la technique et du raffinement et vise ainsi les connaisseurs. Blancpain a été très actif ces derniers années du point de vue des innovations techniques (il suffit de jeter un coup d’œil à leur catalogue pour s’en rendre compte : toutes les premières pages sont consacrées à toutes leurs innovations les plus marquantes des 20 dernières années ce qui a plutôt tendance à appuyer mon argumentation) et s’est attaché les services d’horlogers hors-pair comme le très créatif Vincent Calabrese (que j’ai rencontré à Bruxelles chez Hall of Time l’année dernière). Ce qui s’est passé finalement est que Blancpain a évolué d’une marque ressuscitée qui cherchait sa légitimité dans son histoire presque tricentenaire, à une marque à mi-chemin entre la marque de luxe classique et la marque de niche. Sous certains aspects d’ailleurs Blancpain me fait penser aux caractéristiques de l’horlogerie indépendante (des horlogers entrepreneurs qui après une période comme employés dans une grande maison lance sous leur nom une nouvelle marque dans l’espoir sans doute d’imiter la réussite de FP Journe). Blancpain est donc une marque un peu hybride dont une petite partie de la gamme est destinée à un public large, et le reste aux connaisseurs. Les autres marques ont fait le pari inverse avec une gamme plus large pour les non-connaisseurs (la plus grosse vente de Patek Philippe est sa Twenty-Four, une montre à quartz pour femme) et quelques modèles pour les connaisseurs (certains lecteurs vont me dire que les calendriers annuels de Patek Philippe sont des pièces de collection mais il faut se rappeler qu’ils ont été lancés à l’époque justement dans une tentative de démocratisation).

Ceci étant dit voyons avec un exemple comme les produits Blancpain se différencient de la concurrence en proposant une connexion émotionnelle avec les clients. Mais pour cela il faudra revenir sur ce blog dans 48h pour lire le prochain billet.



Publié dans Marketing.

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