7 décembre 2018 701 mots, 3 min. de lecture

Etude du comportement des utilisateurs d’une interface Spotify

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Lors de la conférence RecSys 2018, Yucheng Jin (Université de Louvain), Nava Tintarev (TU Delft), Katrien Verbert (KU Leuven) ont présenté une étude intéressante. Leur article, intitulé « Effects of Personal Characteristics on the Music Recommender with Different Controllability » explore le […]

Lors de la conférence RecSys 2018, Yucheng Jin (Université de Louvain), Nava Tintarev (TU Delft), Katrien Verbert (KU Leuven) ont présenté une étude intéressante. Leur article, intitulé « Effects of Personal Characteristics on the Music Recommender with Different Controllability » explore le comportement des utilisateurs de Spotify face à une nouvelle interface autorisant plus d’ajustements.

Une interface sur Spotify que les utilisateurs peuvent contrôler

Deux niveaux de contrôle sont fournis à l’utilisateur. Le premier (« a » dans l’image ci-dessous) permet à l’utilisateur de choisir ses artistes préférés, ses morceaux favoris et les genres qu(il affectionne le plus. Le second (« b » dans l’image ci-dessous) donne à l’utilisateur la possibilité d’ajuster les poids (sur une échelle de 1 à 100) de chacun de ces élément (artistes, pistes, genres).
Le résultat (les recommandations algorithmiques) apparaît dans la partie « c » de l’interface ci-dessous.

Comment la contrôlabilité affecte-t-elle le comportement des utilisateurs ?

L’étude développe plusieurs hypothèses. Dans le cadre de ce billet nous nous concentrerons uniquement sur deux aspects de l’expérience utilisateur : la charge cognitive et l’acceptation de l’utilisateur (c’est-à-dire à quel point il adhère à l’idée d’utiliser l’interface).
L’étude conclut que la contrôlabilité augmente considérablement la charge cognitive et diminue l’acceptation du système par l’utilisateur. Cependant, les auteurs ont également étudié les effets combinés du contrôle sur la partie a (le profil de l’utilisateur) et sur la partie b (la pondération). Il est assez surprenant de constater que les résultats obtenus ici conduisent à une conclusion opposée. La combinaison des contrôles sur le profil de l’utilisateur et les paramètres de l’algorithme semble ne pas entraîner de charge cognitive plus élevée et l’acceptation de l’utilisateur s’en voit améliorée.

Quelques réflexions pour redonner le contrôle à l’utilisateur

Lorsque l’analyse est limitée aux interactions simples, les conclusions semblent logiques. Plus de contrôle augmente la charge cognitive et diminue l’acceptation de l’utilisateur (qui voudrait utiliser davantage un système si celui-ci requiert de devoir investir plus de réflexion et d’énergie cognitive pour le maîtriser ? Les interfaces sont conçues pour nous simplifier la vie, pas pour la complique). Les résultats des interactions combinées me semblent dans ce contexte tout à fait contre-intuitives et les auteurs ont d’ailleurs reconnu pendant la conférence RecSys qu’un approfondissement était nécessaire sur ce point.

Ce que l’utilisateur veut vraiment c’est la simplicité et la tranquillité d’esprit.

J’ai tendance à penser que le fait de donner à l’utilisateur trop de libertés pour contrôler une interface est contre-productif. L’expérience qui peut en résultat séduira peut-être les experts et autres geeks, mais elle sera décevante pour le plus grand nombre.  C’est pourquoi une réflexion fouillée doit être menée en amont afin d’éviter que vos efforts de développement se soldent par un échec cuisant. Je ne saurais trop répéter qu’un plan d’étude de l’expérience client est indispensable (pensez à utiliser les techniques d’études de marché) et que vous devez également absolument choisir les bonnes métriques à contrôler. Vautrot et al (2018) ont montré par exemple que si les utilisateurs apprécient de pouvoir contrôler un système, les possibilités qui leur sont offertes ne sont en fait pas utilisées. La contrôlabilité du système est en fait perçue comme un facteur de confiance à l’égard du système. Il est indispensable à quoi servent les fonctionnalités que vous développez ; parfois leurs effets positifs ne seront pas sentir là où vus les attendez.
En fin de compte, il ne faut jamais oublier que la grande majorité des utilisateurs n’est pas composée d’experts. Les gens normaux ont peu de temps et ne sont pas nécessairement disposés à investir du temps pour maîtriser une interface complexe. Comme diraient les Américains, « Keep It Simple and Stupid » (KISS). Ce que les utilisateurs normaux recherchent c’est avant tout la simplicité et la tranquillité d’esprit.



Publié dans Recherche.

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