18 avril 2016 533 mots, 3 min. de lecture

Assurances: vers la fin du partage des risques ?

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Il existe un principe important sous-jacent à toute assurance: le partage des risques. Les bons conducteurs paient une partie du risque que représentent les mauvais conducteurs; les personnes en bonne santé paient pour ceux qui sont malades (c’est la mutualisation […]

Il existe un principe important sous-jacent à toute assurance: le partage des risques. Les bons conducteurs paient une partie du risque que représentent les mauvais conducteurs; les personnes en bonne santé paient pour ceux qui sont malades (c’est la mutualisation du risque; les Américains appellent cela une gestion «socialiste»). En Europe continentale toutefois les assurances ont toujours favorisé une approche de groupe au détriment d’une approche individualiste.
La révolution des données (Big Data) sonne peut-être le glas de cette approche. Voici pourquoi.

Les données clients permettront une approche toujours plus centrée sur l’utilisateur

Comme nous l’avons expliqué dans un article précédent, les compagnies d’assurances sont déjà engagées dans une démarche technologique pour surveiller le type de conduite de leurs assurés et ajuster les prix en fonction des comportements observés. Les données recueillies par les constructeurs automobiles vont aller bien au-delà de ce que font les assureurs. Des quantités étonnantes de données sont déjà récoltées qui pourront servir dans le futur des finalités qui nous sont encore inconnues.
Cet exemple dans l’automobile n’est pas le seul puisque les assurances santé sont aussi concernées. Les montres et bracelets connectés collectent déjà des informations que leurs propriétaires rendent publiques par inadvertance, ouvrant des possibilités insoupçonnées d’exploitation par des assureurs peu scrupuleux. Il s’agit là d’un problème éthique particulièrement préoccupant.

Les clients seront les grands perdants

Notre Société « moderne » est devenue un monde bien incertain qui met à mal les modèles de prédiction du risque des assureurs. Or le métier des assureurs est bien de prévoir le risque. Les événements climatiques leur coûtent des milliards par an et ne peuvent plus être anticipés (merci le réchauffement climatique). La maîtrise des risques va donc devenir de plus en plus importante et dans les secteurs où les risques peuvent être prédits, l’objet du risque (le client) va être de plus en plus contrôlé, mesuré. Ce renforcement du contrôle amène avec lui une question fondamentale pour la liberté de tout-un-chacun : ne risque-t-elle pas d’être en danger ? Et ne parlons même pas des questions éthiques liées aux nouveaux moyens de collecter des données.

Du partage du risque au fractionnement du risque

Les compagnies d’assurance exploiteront à l’avenir de plus en plus de données non-déclaratives pour adapter leurs offres et ajuster les primes de risque. Les bons conducteurs cesseront de payer pour les mauvais (ce qui au final peut être plutôt éthique); les personnes en bonne santé ne payeront plus pour celles qui ne le sont pas (ce qui est du coup un peu moins éthique). Est-ce dans ce genre de société que vous voulez vivre?
Voilà pourquoi il faut être convaincu que certaines libertés essentielles sont menacées et qu’après le Big Data c’est la protection des données qui deviendra le grand chantier des prochaines années.

 

Image: Shutterstock


Publié dans Data et IT, Innovation, Marketing.

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