19 décembre 2018 1115 mots, 5 min. de lecture

4 facteurs qui condamnent les innovations du secteur alimentaire à l’échec

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Lorsque je suis rentré du SIAL 2016 une de mes conclusions était que de nombreuses innovations avaient été lancées sans étude de marché et en particulier sans garder l’intérêt fondamental du consommateur à l’esprit. Ces produits innovants étaient voués à […]

Lorsque je suis rentré du SIAL 2016 une de mes conclusions était que de nombreuses innovations avaient été lancées sans étude de marché et en particulier sans garder l’intérêt fondamental du consommateur à l’esprit. Ces produits innovants étaient voués à l’échec et 80% d’entre eux n’existeraient plus 12 mois après leur lancement. Pour la plupart d’entre eux, aucune étude de marché n’avait donc été réalisée. J’ai réalisé des dizaines d’interviews au SIAL 2018 qui ont une nouvelle fois confirmé cette hypothèse. Étonnamment, mes conclusions montrent que la taille de l’entreprise n’a pas vraiment d’importance. Quelle que soit leur taille, les entreprises du secteur alimentaire montrent une propension peu élevée à réaliser une vraie étude de marché avant de lancer un nouveau produit. Autre constat de ma visite au SIAL Paris 2018 : de nombreux produits  » innovants  » n’apportent en réalité aucune valeur ajoutée aux consommateurs. Je ne suis pas ici pour blâmer ou ridiculiser qui que ce soit, mais je pense que donner quelques exemples concrets pourrait aider à réduire le taux d’échec des entrepreneurs du secteur alimentaire.

Il me semble que 3 facteurs essentiels doivent être pris en considération pour augmenter ses chances de réussir sur ce marché : la qualité, la facilité, la santé.

Facteur d’échec #1 : pas assez bon

Certains produits, même s’ils sont qualifiés d' »innovants », ne sont tout simplement pas assez bons pour susciter l’envie des consommateurs. Gardez à l’esprit que dans tous les marchés, la qualité est une condition sine qua non au succès (si vous voulez en être convaincu, relisez cette analyse des tendances du marché alimentaire où la qualité apparaît comme le facteur le plus important).  Vous pouvez avoir le produit alimentaire le plus innovant, le plus sexy du monde, s’il n’est pas bon, personne ne l’achètera.
Les chips d’artichauts de Cynara par exemple avaient attiré mon attention mais n’ont pas passé le test de la dégustation. Le produit n’était pas assez différent de chips classiques, pas assez savoureux pour déclencher une émotion conduisant au ré-achat.

A RETENIR

Si vous voulez bâtir le succès de votre entreprise en capitalisant sur la fidélité de la clientèle, vous devez d’abord vous concentrer sur la qualité (ce qui conduira automatiquement à la satisfaction client)

Facteur d’échec #2 : une différenciation qui n’intéresse pas les consommateurs

J’ai vu beaucoup d’innovations intéressantes au SIAL 2018 qui se concentraient sur l’emballage, en proposant des solutions plus respectueuses de l’environnement. Si l’intention est louable, je ne peux m’empêcher de me demander si les consommateurs s’en soucient vraiment et si l’emballage est un critère assez différenciant pour susciter l’achat.
Un exemple parmi d’autres est celui de Rolli qui a remporté un prix SIAL innovation pour un produit qui combine plusieurs propositions de valeur :

  • légumes surgelés sans pesticides
  • chaîne de production éco-responsable et l’utilisation de techniques agricoles à faible impact sur l’environnement
  • emballage en papier recyclable

Alors que les consommateurs recherchent sans aucun doute des alternatives alimentaires qui les rassurent et seront certainement attirés par des produits sans pesticides, je suis plus circonspect quant à la valeur perçue d’une chaîne de production éco-responsable et d’un sac en papier recyclable.

A RETENIR

La valeur que vous voyez dans vos produits n’est pas nécessairement celle que vos clients perçoivent. En fait, c’est plutôt le contraire qui se passe. Les entreprises et les consommateurs sont rarement alignés sur la valeur perçue d’une offre. C’est là qu’une étude de marché bien réalisée devrait porter ses fruits. Une étude de marché a en effet pour but d’appréhender ce que les clients apprécient vraiment et les facteurs qui déclenchent un achat.

Facteur d’échec #3 : un marché de niche vraiment trop petit

Tout le monde s’accordera pour dire que le marché vegan est en pleine croissance. Et en effet, il l’est. Néanmoins, les vegans ne représentent qu’1% de l’ensemble des consommateurs. Si vous deviez investir votre argent, miseriez-vous sur ces 1% ou sur les 99% restants ? La question est quasi philosophique bien entendu, mais accordons-nous sur le fait qu’un marché de taille suffisante est essentiel à la survie d’une entreprise. Choisissez donc soigneusement le marché sur lequel vous vous lancez (là encore une bonne étude de marché est essentielle) et ne suivez pas votre intuition aveuglément. Vos propres habitudes de consommation ne sont pas forcément le reflet des tendances du marché en général.

Observez le marché de manière dépassionnée pour vous concentrer sur ce que la plupart des consommateurs recherchent. Vos chances de succès n’en seront que plus élevées.

A RETENIR

Les marchés de niche sont souvent trop petits pour les nouveaux entrants et sont donc plus difficiles à conquérir.

Facteur d’échec #4 : une innovation mineure

Le dernier facteur d’échec tourne autour de la valeur apportée par l’innovation elle-même. Parfois, les entreprises innovent pour le plaisir d’innover. L’innovation n’est toutefois pas une fin en soi. Elle doit apporter une vraie valeur ajoutée au client (une étude de marché qualitative est une bonne technique pour évaluer cette valeur).

Pour être exact, l’innovation doit en fait apporter beaucoup de valeur au client pour :

  • le convaincre de changer ses habitudes et d’essayer le nouveau produit
  • le fidéliser et provoquer le ré-achat

Au SIAL 2018, j’ai vu une fois de plus trop d’entreprises du secteur de l’alimentation offrir trop peu ou pas de valeur ajoutée avec leur « innovation ». C’était particulièrement vrai pour les entreprises utilisant des « super ingrédients ». Ajouter un peu de super-aliments à une recette existante ne suffit pas, à mon sens, pour être innovant. Il faut voir plus loin pour apporter une réelle valeur ajoutée au client.

A RETENIR

Ne prenez pas l’innovation à la légère. Innover vraiment requiert beaucoup d’efforts. Concentrez-vous sur la valeur apportée au client, utilisez des méthodes d’étude de marché qualitatives et quantitatives pour découvrir ce que les consommateurs recherchent et ce pour quoi ils sont prêts à payer avant de vous engager sur la voie de l’innovation. Si vous anticipez que cela devienne trop compliqué ou trop coûteux, résistez à la tentation d’une innovation au rabais qui risquerait de vous décrédibiliser. Concentrez-vous plutôt sur la qualité. Une qualité irréprochable est toujours un facteur de succès.

Images : shutterstock



Publié dans Marketing.

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