3 janvier 2018 882 mots, 4 min. de lecture Dernière mise à jour : 9 novembre 2023

En 2018 je ne veux plus être un esclave numérique

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Il n’ y a rien que je puisse faire. La tentation est trop grande. Je ne peux pas résister. Mon écran de smartphone, ma tablette agissent sur moi comme des aimants qui capturent mon regard, mon attention et me font […]

Il n’ y a rien que je puisse faire. La tentation est trop grande. Je ne peux pas résister. Mon écran de smartphone, ma tablette agissent sur moi comme des aimants qui capturent mon regard, mon attention et me font perdre mon temps. Je visionne des vidéos sans intérêt, consulte du contenu inintéressant et tout cela contre mon gré. Plutôt que de m’enrichir intellectuellement, parcourir mon flux Facebook, un flux sans fin, suis impatient de consulter les dernières notifications, de regarder quelques vidéos divertissantes sur YouTube. Les médias sociaux sont une tombe. Heureusement, la pierre est entrouverte et je veux en sortir.

Time well spent

La semaine dernière je suis tombé sur un article de Tristan Harris intitulé « How Technology is hijacking our mind« , un article que beaucoup d’entre vous, j’en suis sûr, avaient déjà lu. Malgré sa longueur, je l’ai dévoré ainsi que les références citées à la fin. Une vidéo de Joe Edelman sur la façon de changer le design pour libérer nos esprits a été particulièrement inspirante. Il faisait écho à des conversations que j’avais eues quelques jours auparavant lors d’une réunion avec des collègues (scientifiques et praticiens) actifs dans les médias de service public aux Pays-Bas et en Allemagne. Nous discutions du rôle des systèmes de recommandation sur les sites Web des médias et Johanna « José » Van Dijck, présidente de l’Académie néerlandaise des sciences, mentionnait le mouvement citoyen « Time Well Spent », qui vise à libérer les êtres humains de l’esclavage numérique.

Le numérique doit être au service de l’humain ; pas le contraire

Edelman et Harris ont tout à fait raison: la technologie numérique est là pour libérer notre potentiel, pas pour nous asservir. Pourtant, c’est exactement ce qu’il se passe. Notre attention a diminué de 33 % selon un sondage canadien. Nous sommes tellement distraits par les notifications et autres types stimuli envoyés par nos smartphones, tablettes et ordinateurs que nous sommes incapables de nous concentrer. Pourtant quelques décisions toutes simples permettent de retrouver sa liberté. Malgré ma discipline, je dois avouer que j’ai eu des difficultés à écrire ces dernières semaines, trop distrait par toutes ces sollicitations numériques. Même le matin, le période la plus efficace de la journée (voir cet article) je ne pouvais m’empêcher d’être distrait.

Aujourd’hui, je veux redevenir maître de mon temps. La vie est trop courte pour le perdre à consulter facebook 20 fois par jour, à entretenir des connexions numériques sans importance; la vie est trop courte pour passer ses soirées sur YouTube à regarder la prochaine vidéo recommandée par leurs algorithmes. Il y a un moyen de s’en sortir et tout commence par la désactivations des notifications Facebook, Twitter, Linkedin, YouTube sur votre smartphone. Vous pouvez même pousser le bouchon un cran plus loin comme je l’ai fait et désinstaller Facebook de votre smartphone. Cela rendra son utilisation moins facile, donc moins tentante. Une sorte de nudge si vous voulez.

Nous ne sommes pas dans une bulle de filtres : nous sommes dans une bulle temporelle

Mon travail dans le domaine du Big Data m’ a convaincu que la technologie devait être au service des utilisateurs, qu’il était temps de leur redonner du pouvoir. J’ai notamment plaidé pour que les algorithmes de recommandation soient réinventés. Ce que je découvre aujourd’hui, c’est que j’avais (modestement) raison: les algorithmes de recommandation doivent être repensés avec de nouveaux objectifs en tête. Mais cela ne sera pas possible sans un bon design. Quand Eli Pariser a popularisé le concept de bulles de filtres en 2011, cela a été un électrochoc. Je pense toutefois qu’avoir pointé du doigt les algorithmes comme la source de tous les maux était exagéré. Les études tendent en effet à montrer que les algorithmes de recommandation augmentent la découverte et la sérendipité. Ce sont les algorithmes de recommandation combinés à un mauvais design qui conduisent à enfermer l’utilisateur dans une bulle : une bulle temporelle. Nos décisions sont manipulées et nous ne sommes plus libres de disposer de notre temps comme nous l’entendons. On nous pousse dans une bulle qui représente nos options (l’exemple des pilules rouge et bleue dans la vidéo de Joe Edelman). Notre monde rétrécit sans même que nous le remarquions.

Les humains ont besoin de divertissement : c’est leur faiblesse

Malheureusement, je crois que 99% de la population s’en moque. Nous sommes des humains paresseux qui veulent se divertir. C’est notre faiblesse. Comme les prolétaires ont été réduits en esclavage par Big Brother dans le livre d’Orwell « 1984 », ces 99% sont divertis et trompés par une poignée de personnes (« Le Parti » dans le livre d’Orwell) qui exploitent leurs faiblesses pour capter leur attention.
Sur une note positive, il suffit d’une rencontre fortuite (avec cet article par exemple) pour se rendre compte de la situation et amorcer le changement. Comme Gandhi l’a dit, « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde. » Je pense que cette citation n’ a jamais été mieux appliquée qu’aujourd’hui et est une bonne manière de commencer l’année 2018.



Publié dans Data et IT, Marketing.

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