14 août 2009 1533 mots, 7 min. de lecture Dernière mise à jour : 25 avril 2021

Une expérience hors du commun : visite chez Blancpain, Le Brassus, Suisse

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Mon billet d’aujourd’hui sera un peu différent dans son contenu et beaucoup plus long que d’habitude ; ceci afin de fournir également des informations aux passionnés moins intéressés par les aspects marketing que par les aspects techniques. Pour ceux qui ne […]

Mon billet d’aujourd’hui sera un peu différent dans son contenu et beaucoup plus long que d’habitude ; ceci afin de fournir également des informations aux passionnés moins intéressés par les aspects marketing que par les aspects techniques.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas Blancpain, il s’agit d’une manufacture horlogère suisse qui appartient aux marques les plus prestigieuses. A l’opposé de marques comme Patek Philippe, Jaeger Le Coultre ou Audemars Piguet, Blancpain ouvre facilement ses portes et c’est donc tout autant en tant que passionné par la technique et les aspects de branding que je me suis rendu au Brassus, en Suisse, début août.

J’ai été accueilli pour une visite privée de 2h30 environ par Mousse Jacquier, responsable PR de Blancpain. Alors que je craignais d’être cantonné derrière les vitres pour observer les artisans au travail, j’ai été très positivement surpris de pouvoir pénétrer dans les ateliers les plus prestigieux (Tourbillon, Répétition Minute, Décoration, Gravure) et de pouvoir converser librement avec les horlogers.

Atelier Tourbillon

Deux horlogers (ou plus précisément une horlogère et un horloger) sont au travail lorsque nous entrons. Les présentations faites, le principe du tourbillon est rapidement expliqué. L’horloger nous présente alors son travail : les pièces entrant dans la réalisation du tourbillon sont livrées à l’horloger par groupe de 5. Ce dernier a besoin alors de 2 semaines environ pour assembler 5 mouvements.

Un mouvement de démonstration est placé sous une binoculaire qui révèle la magie du mouvement.
L’horloger nous apprend que la partie la plus difficile consiste en fait à régler le tourbillon. Chaque ajustement nécessite le démontage complet du tourbillon. Après que les déviations sont mesurées dans les 6 positions (2 horizontales, 4 verticales) pendant 1 minute chacune, la déviation moyenne est calculée. Les 6 positions représentent l’usage normal d’une montre de poignée ; les déviations se compensent donc ce qui explique qu’une montre non portée puisse prendre plus ou moins d’avance ou de retard que lorsqu’elle est portée.

Toutefois la possibilité existe de réaliser des ajustements sur-mesure en fonction de l’activité du propriétaire de la montre.

L’ajustement est réalisé grâce à de petites vis placées sur la cage du tourbillon. A la question « comment savez-vous quelles vis ajuster ? » c’est l’expérience qui a bien entendu été mise en avant.

Atelier Répétition Minute

Après l’atelier Tourbillon c’est le Graal qui s’ouvre, occupé le jour de la visite par un horloger qui non seulement réalise des répétitions minutes mais également l’Equation Marchante et la 1735, la montre la plus compliquée jamais réalisée par Blancpain.

Le principe de la répétition minute est explicité avant qu’un mouvement de démonstration soit placé sous la binoculaire reliée à un moniteur. Le mouvement est visible comme jamais (d’ordinaire il est caché bien entendu par le cadran). L’horloger décortique alors le fonctionnement sous le microscope et nous révèle quelques uns des aspects les plus mystérieux de la répétition minute.

Nous apprenons que le timbre est réalisé dans un alliage spécial. Un stock a été acheté par Blancpain il y a 50 ans à partir duquel les mouvements actuels sont toujours fabriqués : au rythme de 20 mouvements / an et 10cm par montre vous faites vous-même le compte. Chaque mouvement nécessite un mois de travail.

Nous avons alors le privilège de voir sortie du coffre la dernière 1735 vendue. Cela se passe de commentaires pour celui qui apprécie la mécanique de précision. Le prix du rêve : environ 1,200,000 CHF (800,000€). Le mouvement est d’abord assemblé, testé, puis démonté et remonté à l’intérieur de la boîte avant de subir une dernière série de tests : un an de fabrication !

Anecdote qui a son importance en termes d’expérience client : la 1735 a été certaines fois livrée en personne par l’horloger qui l’a réalisée (1 an de travail). Quelquefois même, l’horloger a réalisé un album photo au cours de la fabrication, montrant la succession des saisons et la progression dans l’assemblage à destination du futur propriétaire. Quand vous habitez à l’autre bout du monde, quelle satisfaction de recevoir du Brassus, petit village paisible de la Vallée de Joux, des nouvelles saisonnières de son « bébé » en gestation.


Pour finir, Blancpain s’étant fait une spécialité des répétitions minutes « érotiques », et ces complications restant extrêmement confidentielles et de toute façon cachées, ce fut une réelle joie de pouvoir admirer un exemplaire en personne. Les automates (tous réalisés en or par un artisan externe à l’entreprise) sont animés par un pivot couplé à la répétition minute. Un de ces automates, encore à monter, nous fut présenté. Je vous laisse admirer la précision du travail, qui se voit jusque dans les inscriptions gravées sur le livre.

erotic minute repeater movement on LCD screen
En quittant l’atelier répétition minute et avant d’arriver dans l’atelier finitions, un meuble préparé pour un des salons de Bâle permet d’admirer l’ensemble des pièces composants le mouvement de la 1735.

all parts of the Blancpain 1735 movement

Atelier Finitions

C’est dans cet atelier (déjà abordé dans Les Lettres du Brasus n°2) que les parties cachées de la montre sont décorées. Côtes de Genève, poli miroir et autres exercices imposés sont réalisés par une équipe de 6 personnes pour les plus beaux mouvements : répétition minute et tourbillon. Pour les mouvements moins « prestigieux » les finitions sont réalisées par des machines.

finishing atelier at Blancpain

Pour une répétition minute les étapes de finitions, réalisées à partir de pièces brutes reçues de Frédéric Piguet SA, prennent 1 mois avant d’être transmises au département « répétition minute » pour assemblage. Les opérations sont notamment réalisées en utilisant des outils réalisés sur-mesure en interne par le département mécanique.

Pour résumer, l’Atelier Finitions apporte de la valeur ajoutée cachée à la montre, une valeur ajoutée que seul le porteur peut apprécier à travers le fond transparent de son garde-temps.

Atelier Gravure

Cet atelier a déjà été abordé dans le dernier numéro des lettres du Brassus. Ne pouvant décrire mieux que l’article le fonctionnement de cet atelier et le travail effectué, je renvoie donc le lecteur à la lecture du magazine de Blancpain.

J’ai eu la chance de voir en personne les réalisations des «  graveuses » issues de l’Ecole Boule en particulier une série de 50 rotors pour une édition spéciale réservée au marché chinois. Mes photos ne rendent pas justice à la délicatesse des gravures et à la beauté des réalisations. Nous nous éloignons clairement de l’artisanat pour se rapprocher de l’Art avec un grand « A ».

all rotors engraved chinese special edition Blancpain

La visite s’est achevée dans la salle de réunion par la remise de quelques articles de merchandising qui reflètent l’attention de Blancpain pour la beauté, l’artisanat et la qualité.

En conclusion

Que vous soyez client ou non la visite des ateliers Blancpain du Brassus est possible (après rendez-vous préalable). La visite en soi, que vous soyez néophyte ou amateur passionné, est une expérience extraordinaire. Blancpain fait entrer les amateurs dans les secrets de la fabrication d’un garde-temps de haute qualité. Après une telle visite vous ne vous interrogerez plus jamais sur le pourquoi du prix de telles montres.

Pour revenir à des considérations plus « marketing », l’accueil réservé aux collectionneurs, propriétaires et amateurs passionnés est un fantastique outil de communication (le professionnalisme des membres de Blancpain et de mon guide y est pour beaucoup) : mettre un visage, un nom, sur un objet aussi raffiné qu’un garde-temps de ce calibre, est une expérience rare dans un monde industrialisé où la banalisation et la reproduction à l’infini sont devenues la règle. Blancpain tient là un instrument extraordinaire de fidélisation et de satisfaction. L’initiative des horlogers est également cruciale car elle permet de créer une relation personnelle et toute particulière avec le propriétaire (voir paragraphe sur la « 1735 »).
Pour ceux qui considèrent l’acquisition d’une montre non pas comme un achat compulsif mais plutôt comme l’aboutissement d’une démarche intellectuelle, Blancpain a sans doute développé une solution idéale secondée par le magazine « Les Lettres du Brassus ». La proximité qui est offerte avec le produit et ceux qui le conçoivent est une expérience client à très forte valeur ajoutée comme peu de manufactures peuvent proposer.

Un grand merci à toute l’équipe de Blancpain, et en particulier à Mousse Jacquier, pour avoir permis la réalisation de cette visite.



Publié dans Marketing.

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