12 février 2018 756 mots, 4 min. de lecture

Uber veut savoir ce que vous mangez pour lancer ses « cuisines fantômes »

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
C’est l’un des articles les plus intéressants que j’ai lu ces dernières semaines. L’article de Nick Abouzeid sur Medium nous éclaire sur certains aspects encore inconnus en Europe de l’économie du partage; ou comment le lancement de la carte de […]

C’est l’un des articles les plus intéressants que j’ai lu ces dernières semaines. L’article de Nick Abouzeid sur Medium nous éclaire sur certains aspects encore inconnus en Europe de l’économie du partage; ou comment le lancement de la carte de crédit Uber cache en fait une stratégie « Big Data » des plus redoutables.

Partie 1: Uber a sa propre carte de crédit

Abouzeid commence par une analyse en trois parties de la carte de crédit d’Uber récemment lancée et de la stratégie qui la sous-tend.
Sans doute ne le savez-vous pas mais Uber a lancé sa propre carte de crédit aux Etats-Unis, quelque chose qui peut nous sembler tout à fait incongru en Europe (pourquoi une plateforme online ou un retailer lanceraient-ils leur propre carte de crédit ?), mais qui n’est pas rare aux Etats-Unis.

Partie 2: La carte de crédit d’Uber est ulra concurrentielle

Dans une deuxième partie, Abouzeid démontre chiffres à l’appui à quel point la carte de crédit proposée par Uber est compétitive. Cette dernière offre jusqu’à 4% de remise « cash back ». Une fois de plus ce mécanisme n’est pas très connu en dehors des Etats-Unis; en Europe seule une poignée de cartes de crédit permet de collecter des « points » qui peuvent ensuite être échangés au sein d’un programme de fidélisation (voir par exemple l’étude de marché que nous avons publiée sur les cartes de crédit des compagnies aériennes).
Comme l’explique Abouzeid, » [la carte Uber] bat presque toutes les cartes de crédit sur le marché en matière de remise sur les dépenses faite dans les restaurants ». Les Américains mangeant très souvent à l’extérieur il est aisé de réaliser ce que ce marché représente et le nombre de transactions que cela génère. Ceci nous amène à la 3ème partie de l’article : la stratégie Big Data d’Uber.

Partie 3: Uber veut utiliser les données collectées par sa carte de crédit

Abouzeid affirme que derrière le lancement de sa carte de crédit Uber poursuit en fait une stratégie de collecte et d’utilisation des données transactionnelles de ses clients. Sa théorie est, je dois l’admettre, assez convaincante. Les efforts d’Uber pour battre les meilleures offres du marché pour obtenir des informations sur les transactions en matière de dépenses de restauration attesterait de la crédibilité d’une stratégie d’exploitation des données. Uber voudrait tout savoir de vos habitudes de consommation afin de  prédire et de satisfaire toutes vos envies. Cette stratégie serait essentielle pour recommander les bons plats, à la bonne personne, au bon moment et au bon endroit. C’est ainsi que pourraient prospérer les « cuisines fantômes » d’Uber dont nous avons déjà parlé dans un autre article.

Conclusions

Au centre de cet article il y a d’abord une carte de crédit, celle d’Uber, dont peu de gens connaissent l’existence. Il y a en embuscade un autre élément disruptif du secteur de la restauration, les « cuisines fantômes » d’Uber qui ont pour ambition de changer la manière dont le secteur de la restauration opère.
Malgré mes premières expériences positives avec Uber, je dois avouer que ma résistance à leur modèle n’a fait que s’accroître. L’utilisation d’Uber a en effet un coût sociétal non négligeable : tout d’abord parce que la consommation se fait au détriment de certains (les chauffeurs, les livreurs) mal payés, et ensuite parce que les profits filent dans des paradis fiscaux.
Je comprends tout à fait la logique des « cuisines fantômes » (voir notre article à ce sujet) : réduire les coûts fixes associés à la satisfaction de la demande et les transformer en coûts variables. C’est parfaitement logique sur le plan économique. Mais avons-nous anticipé les conséquences sociétales d’un modèle aussi disruptif dans la restauration (un secteur qui fonctionne déjà avec des marges réduites). Cela ne va-t-il pas d’une part conduire à une dégradation des conditions de travail, à une désertification accrue des centres-ville ainsi qu’à un appauvrissement de l’offre des restaurants qui ne proposeront plus que ce qui est susceptible de « marcher » sur la base de prédiction. Voulons-nous tous ne plus manger que des ramen, sushis et autres burgers ?



Publié dans Marketing.

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