4 décembre 2009 869 mots, 4 min. de lecture

Mesurer la performance

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
A la fin de la conférence que j’ai donnée le 12 Novembre dernier j’ai été abordé par un des participants. Mon attention a été attirée par la carte de visite qui m’a été tendue sur laquelle figurait une promesse assez […]

A la fin de la conférence que j’ai donnée le 12 Novembre dernier j’ai été abordé par un des participants. Mon attention a été attirée par la carte de visite qui m’a été tendue sur laquelle figurait une promesse assez tentante : « xx% de profits en plus dans les 52 jours ».
Au-delà de l’accroche marketing dans sa forme, c’est sur le fond que j’ai souhaité réfléchir.
La mesure des performances en entreprise est en effet une sorte de Graal, quelle que soit la discipline. Le terme « performance » est malheureusement utilisé à tors et à travers ; mais que signifie-t-il vraiment ? En GRH cela pourrait être le nombre d’employés recrutés par an, en marketing le nombre de nouveaux clients acquis par unité de temps, en finance le chiffre d’affaire, etc … En fonction de la discipline chacun est peu ou prou libre d’inventer sa définition de la performance.

Qu’en est-il dès lors de la performance financière et en particulier des profits ? Comment est-il possible de promettre une augmentation des bénéfices dans un temps donné ? Cela reste pour moi un mystère.

Si je peux aisément imaginer qu’une augmentation de la rentabilité puisse être prouvée dans le cadre d’une opération de réduction des coûts non-essentiels (en gros on change de fournisseur ou on négocie à la baisse), cela me semble beaucoup plus hasardeux dans le cadre d’une stratégie visant à augmenter le chiffre d’affaire.

Deux problèmes principaux se posent :

  • bien que l’intuition veuille qu’une augmentation du CA conduise à une augmentation des profits ceci est loin d’être toujours le cas
    si les profits augmentent grâce à une augmentation du CA, la question se pose de mesurer de manière isolée la part de l’augmentation du CA due à une action spécifique. Je concède que cela puisse ne pas être clair. Explications …

Une entreprise Lambda fait appel à un consultant. Ce dernier suggère la mise en place d’une série de mesures visant à augmenter les profits. A la fin de l’exercice (c’est-à-dire logiquement plusieurs mois après) on constate que les profits ont augmenté de x% et le chiffre d’affaires de y%.
Le consultant est content, l’entreprise également. Je le suis moins …
Imaginons le scénario suivant : que se serait-il passé si l’entreprise n’avait pas fait appel au consultant ? Son chiffre d’affaire aurait peut-être diminué, peut-être aurait-il stagné, ou peut-être même aurait-il augmenté. Ce dernier cas de figure n’est pas anormal : toute entreprise voit son CA augmenter de manière naturelle en fonction de la conjoncture bien entendu, mais également en fonction de son stade de développement. Les start-ups voient naturellement leur CA augmenter les premières années, ce qui devient plus difficile lorsque la maturité est atteinte.

Pour revenir à la promesse de départ « xx% de profits en plus dans les 52 jours », le problème crucial qui se pose est donc le suivant : comment séparer la partie discrète de l’augmentation des profits de la croissance organique ? Pour se faire il serait nécessaire de bâtir un modèle mathématique permettant de calculer les profits à partir d’une série de variables explicatives. L’une (ou un ensemble) de ces variables explicatives représentait l’intervention du consultant. Imaginons que ce modèle puisse être construit. Le prochain challenge qui se pose est dès lors de maintenir constantes toutes les variables non impactées par l’action du consultant. C’est là que cela se corse. Il y a en effet fort à parier que cela soit impossible car le modèle mathématique présentera des problèmes de multicolinéarité entre variables explicatives. En français dans le texte certaines variables en influencent d’autres et il est impossible de mesurer l’impact d’une variable de manière isolée en maintenant constantes toutes les autres variables.

Mon avis

La promesse est belle et alléchante mais la lecture d’un tel message devrait déclencher une sonnette d’alarme.
Le concept de « performances » est flou et nécessite tout d’abord d’être défini précisément. Les performances financières sont certes mesurables à l’échelle d’une entreprise mais il est rarement possible d’évaluer l’impact global d’une mesure ou d’une série de mesures.
Pour finir, promettre une augmentation des bénéfices après x jours me paraît également utopique (lorsque x est petit s’entend) ne serait-ce que parce qu’il est nécessaire d’attendre le bilan pour avoir une vue globale de la situation.
L’impact de mesures stratégiques ne peuvent donc s’évaluer que sur le long-terme et avec des entreprises donc la croissance organique est connue et en la pondérant grâce aux variables macroéconomiques.

 

Image : shutterstock



Publié dans Stratégie.

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