20 janvier 2016 656 mots, 3 min. de lecture Dernière mise à jour : 4 mars 2020

Italie : une loi bouleverse le marché du livre ancien

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Lorsque vous effectuez une recherche sur le marché, il est important d’examiner tous les facteurs extérieurs qui peuvent affecter les conditions du marché. Une méthode existe. Elle est simple et s’appelle l’analyse PESTEL (voir également la vidéo dans le corps […]

Lorsque vous effectuez une recherche sur le marché, il est important d’examiner tous les facteurs extérieurs qui peuvent affecter les conditions du marché. Une méthode existe. Elle est simple et s’appelle l’analyse PESTEL (voir également la vidéo dans le corps de cet article). Le but de l’article d’aujourd’hui n’est pas de vous réexpliquer comment se fait une étude PESTEL, mais d’illustrer comment des facteurs dits exogènes peuvent changer radicalement le paysage concurrentiel. L’exemple est celui du marché du livre ancien en Italie.

Il ne fait pas bon vendre des livres anciens en Italie

Comme certains d’entre vous s’en souviennent peut-être, j’évoquais dans un billet précédent ma passion pour les vieux livres de minéralogie. Juste avant Noël, je trouvais un livre du 18ème siècle que j’aurais aimé ajouter à ma petite collection. Ce livre était proposé par un libraire du Piémont (Italie). Je prenais contact avec ce dernier et négociais un petit rabais. Je pensais que l’affaire était entendue (on parlait de 100 €) jusqu’à ce que le libraire (qui était également le président de l’ALAI, la fédération italienne des librairies anciennes, équivalente du SLAM en France) m’informait qu’il devait d’abord demander une licence d’exportation parce que le livre avait été imprimé il y a plus de 50 ans. Je n’avais jamais entendu quelque chose du genre auparavant. Dans tous les autres pays la nécessité d’une licence d’exportation dépend de l’âge du livre et surtout de son prix. En France, par exemple, une licence n’est nécessaire que pour les livres de plus de 100 ans dont la valeur excède 50000 €. Les règles sont les mêmes en Allemagne. Mais pas en Italie, où un livre à 1€ imprimé en 1964 doit d’abord obtenir le droit de passer la frontière ! Si vous lisez l’italien, ne manquez pas cet article d’Umberto Pregliasco, l’ancien président de l’ALAI, décrivant cette situation ubuesque.

Quelles conséquences pour le marché du livre ancien ?

Cette loi italienne diffère complètement de ce qui est en application dans les pays voisins. Les politiciens italiens ont créé une situation unique qui isole le marché italien et met sous pression les acteurs spécialisés dans les livres anciens. Une réglementation excessivement lourde peut en effet être à l’origine d’un arbitrage de la part de clients potentiels, qui préfèreront acheter dans un pays où la réglementation sera moins lourde, moins longue, le permettant ainsi de jouir plus vite de leur achat.

Au final une telle loi crée une situation d’exception dans l’Union européenne dont la libre circulation des marchandises est l’un des piliers. Elle isole l’Italie du reste de l’Europe et en fait un marché «local» plutôt qu’international. L’application de la loi de l’offre et de la demande dans une telle situation permet d’anticiper l’évolution de la situation concurrentielle : l’offre restera le même, mais la demande va plonger (le nombre de collectionneurs de livres anciens collectionneurs en Italie étant insuffisant pour absorber l’offre intérieure). Une pression sur les prix au sein du marché italien est donc susceptible de s’exercer. Les rabais consentis correspondront alors à la « prime d’attente » que les collectionneurs patients seront susceptibles de récolter.

Conclusion

Lors de la réalisation de votre étude de marché, n’oubliez pas de prendre également les forces externes au marché en ligne de compte. La dynamique d’un marché peut être modifiée de façon substantielle par des facteurs exogènes sur lesquels vous n’aurez aucune emprise. Il est toujours préférable d’identifier ces facteurs avant le démarrage de votre entreprise plutôt qu’après.



Publié dans Marketing.

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