30 novembre 2015 733 mots, 3 min. de lecture

Ethique: faire de l’argent avec l’émotion humaine

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Au moment des attentats terroristes à Paris en Janvier 2015 (Charlie Hebdo) une radio m’avait demandé dans une interview d’analyser le phénomène de merchandising qui s’était développé. Toutes sortes d’objets avec le logo « #JeSuisCharlie » sont apparus soudainement sur les places de marché […]

Au moment des attentats terroristes à Paris en Janvier 2015 (Charlie Hebdo) une radio m’avait demandé dans une interview d’analyser le phénomène de merchandising qui s’était développé. Toutes sortes d’objets avec le logo « #JeSuisCharlie » sont apparus soudainement sur les places de marché comme eBay et Amazon.
Après les attaques sur 13 Novembre, j’ai été à nouveau interrogé (cette fois-ci par la radio nationale suisse TSR) sur ce même phénomène pour commenter sur le phénomène (l’interview est accessible à partir de 12:00 en suivant ce lien).
Deux questions principales sont abordées dans cette interview:

  • Pourquoi un marché de merchandising autour de ces terribles événements s’est-il développé et qui sont les vendeurs ?
  • Quelle doit être la stratégie marketing des grandes entreprises face à ces événements tragiques

Merchandising après les attaques terroristes

Après les attentats du 13 Novembre à Paris, nous avons assisté au même phénomène qu’après les attentats de Charlie Hebdo en Janvier de la même année. Tee-shirts, livres et autres goodies onte soudainement surgi sur Ebay et Amazon (qui ont rapidement fait le tri, le mot clé JeSuisParis ne livrant plus de résultat) et restent disponible sur une quantité d’autres boutiques en ligne.

Comme je l’ai expliqué dans mon billet du mois de Janvier, il n’y a qu’une seule explication à ce phénomène: la cupidité.
Il est probable que ceux qui vendent les objets #JeSuisParis aujourd’hui sont les mêmes que ceux qui ont essayé de profiter des attaques de janvier. Rodés d’un point de vue opérationnel, le commerce ne demandait qu’à reprendre. La fenêtre temporelle propice à ce genre de business est très étroite; émotions diminuent avec le temps et il en va de même de la probabilité de vendre. Il fallait donc réagir vite.

Pourquoi un business autour d’objets #JeSuisParis ?

L’être humain a ainsi évolué qu’il a du mal à gérer des charges émotionnelles fortes. Lorsque le seuil émotionnel est atteint, les réactions peuvent être multiples. Il peut bien entendu y avoir des réactions physiologiques comme les larmes ou les cris. Quand les émotions sont plus basses, les comportements impulsifs peuvent survenir afin de s’identifier à un groupe social. C’est ce qui arrive lorsque vous achetez un teeshirt #JeSuisParis ou « #F *** Isis » : vous donnez la preuve  de votre appartenance à un groupe social en montrant que vous partagez les mêmes émotions. Cette démonstration apparaît dès lors comme éthique, contrairement aux attentats perpétrés par les terroristes. Notez qu’un phénomène similaire est survenue après Charlie Hebdo: les abonnements ont été multipliés par 20, passant de moins de 7000 à plus de 120 000 en quelques jours. Toutefois,; seuls 50% de ces abonnements étaient annuels; les autres étaient des abonnements de 3 mois ou 6 mois, preuve que l’émotion n’a qu’un temps et que le fait de s’abonner pour une durée courte n’était pas une marque d’adhésion au contenu, mais seulement une marque d’adhésion à la cause.

Grandes entreprises : méfiez-vous de #JeSuisCharlie

Alors que les petites entreprises opportunistes essaient de tirer profits des émotions humaines, les grandes entreprises feraient mieux de s’abstenir de toute tentative de récupération. Les consommateurs ne le leur pardonneraient pas et seraient sans doute enclins à se venger (par exemple via un bouche-à-oreille négatif).
Au moins deux exemples de mauvaise communication ont été rapportés ces 2 dernières semaines; le premier est le fait de Grand Optical, le second de la bien-nommée société « PrayForParis ».
Grand Optical a lancé une campagne de communication juste avant les attaques afin de promouvoir leurs lunettes rondes et ont utilisé pour cela l’image de John Lennon.

Manque de chance, cela rappela aux « fans » la chanson « Imagine » qui avait été jouée par le pianiste allemand Klavierkunst le 14 Novembre sur le lieu des attentats.

Sans vérifier s’il s’agissait d’une coïncidence (l’heure du post, 17h50, permet de lever les derniers doutes), Grand Optical Belgium a donc été accusé de récupération.
Le deuxième cas (l’entreprise « PrayForParis ») a provoqué un tollé général sur les médias sociaux. Quelques recherches approfondies montrent toutefois que l’entreprise a été fondée en 2011, soit bien avant les attaques.



Publié dans Marketing.

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