3 juin 2016 486 mots, 2 min. de lecture Dernière mise à jour : 9 novembre 2023

EMAC 2016 : le fossé se creuse entre scientifiques du marketing et les praticiens

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Je suis de retour de la conférence EMAC 2016 qui a eu lieu cette année à Oslo (suivez les liens pour plus d’informations sur l’édition précédente : EMAC 2014). Cette année, le thème de la conférence était « le Marketing à […]

Je suis de retour de la conférence EMAC 2016 qui a eu lieu cette année à Oslo (suivez les liens pour plus d’informations sur l’édition précédente : EMAC 2014).

Cette année, le thème de la conférence était « le Marketing à l’ère des données« . Pas la peine de vous dire que le Big Data a été un sujet très présent avec notamment des présentations très intéressantes sur les algorithmes de recommandation et sur les aspects « vie privée » qui découlent de l’utilisation des techniques Big Data.

Dans deux keynotes données le 26 mai, les professeurs Michel Wedel (Université du Maryland, États-Unis) et Koen Pauwels (Université Ozyegin, Turquie) ont présenté une situation préoccupante pour les universitaires dans le domaine du marketing. Wedel et Pauwels ont soutenu que pour la première fois peut-être, les universitaires étaient en retard sur les praticiens. Et c’est dans le domaine du Big Data que ce retard s’est accumulé. Les outils utilisés par les chercheurs universitaires ne sont plus ceux qui prévalent dans l’industrie; les échantillons et les méthodes académiques ne reflètent pas non plus les pratiques actuelles. Le calcul distribué, par exemple, n’est pas utilisé dans la recherche universitaire en marketing; les technologies et langages spécifiques au Big Data sont également inconnues des universitaires (Hadoop, Spark, Kafka, …). Alors que R est en passe de devenir le langage de référence des entreprises, paradoxalement il n’est pas utilisé par les chercheurs en marketing.

Avec un tel fossé entre le marketing scientifique et celui pratiqué par les entreprises, on peut se demander comment le premier peut encore contribuer utilement au-delà des simples réflexions théoriques.

Trop souvent par exemple, les modèles proposés ne sont que de peu d’utilité pour le business. J’ai assisté à une session où un chercheur proposait un modèle de mesure de la « privacy » qui reposait sur une dizaine de construits, chaque construit étant vraisemblablement mesuré avec 5 à 10 variables. Outre le simple défi intellectuel, comment un tel modèle peut-il être utile ? La plupart (sinon tous) les construits sont impossibles à mesurer dans un contexte business normal (imaginez-vous pouvoir demander à vos clients de répondre à un questionnaire avec 100 questions ?).

Normalement les universitaires devraient s’interroger sur les implications managériales de leurs recherches. La plupart du temps cependant, j’ai pu constater que cette partie était vite expédiée, conduisant à des conclusions simplistes, voire contradictoires, qui révélaient un manque de connaissances pratiques.

Cette situation est préoccupante parce que les entreprises ont plus que jamais besoin de renforcer leurs avantages concurrentiels avec des idées innovantes venant potentiellement du milieu universitaire. Malheureusement, les méthodes, outils, et modèles développés ne répondent que rarement aux défis business actuels.



Publié dans Marketing, Recherche.

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